Le premier ministre de Malaisie Anwar Ibrahim est-il de connivence avec l’Organisation nationale des Malais unis pour libérer l’ancien premier ministre Najib Tun Razak de prison ?
Cette question est posée par le chroniqueur et ancien ambassadeur Dennis Ignatius. Avec raison.
L’idée aurait pu paraître farfelue il y a quelques mois, mais des événements récents semblent indiquer qu’il se trame quelque chose d’infâme. L’ancien procureur général qui a inculpé Najib, ainsi que le juge de la Haute Cour qui l’a condamné, ont fait l’objet d’attaques soutenues visant à les discréditer. D’autres juges ont également fait l’objet d’attaques. Le président de la Cour suprême a reçu des menaces de mort.
Même en captivité à la prison de Kajang à Kuala Lumpur, Najib reste sans doute l’une des personnalités politiques les plus influentes du pays.
L’objectif de l’UMNO est assez clair : persuader le public que, bien qu’il ait été reconnu coupable et que sa peine ait été confirmée par la plus haute juridiction du pays, il est une victime innocente, un homme qui a été pris pour cible, puis mis sur rail par le système judiciaire dans le cadre d’une grande conspiration visant à détruire l’UMNO et, par extension, le pouvoir politique malais.
Ne croyez pas une minute que tout cela est fait parce qu’ils croient en l’innocence de Najib ; les preuves sont tout simplement trop accablantes pour cela. Ce canular de masse sur l’innocence de Najib est perpétré parce que l’UMNO est suffisamment désespérée pour croire que la libération de Najib entraînera un élan massif de sympathie et de soutien pour l’UMNO. Il ne s’agit pas de justice, mais de pouvoir et de politique.
L’existence d’une collusion à haut niveau dans les coulisses ne fait plus aucun doute. Les révélations selon lesquelles Azalina Othman Said, ministre du département du Premier ministre (droit et réforme institutionnelle), a écrit aux avocats de Najib pour confirmer qu’une enquête de la Commission malaisienne de lutte contre la corruption avait conclu que le juge Nazlan Ghazali (le juge qui a présidé l’affaire du CRS de Najib) était en conflit d’intérêts et avait violé le code d’éthique des juges, le montrent très clairement.
Anwar Ibrahim, qui a fait de la bonne gouvernance son deuxième prénom ne manifeste-t-il pas d’indignation morale ? Le Premier ministre est-il d’accord avec cette conspiration visant à diffamer les juges et à saper le système judiciaire ? Il ne peut certainement pas ignorer ce qui se passe, ni les conséquences des actions de l’UMNO. Son silence est-il synonyme de consentement ? Est-ce le prix qu’il a secrètement accepté de payer pour le soutien de l’UMNO ?
Dennis Ignatius est un ancien diplomate et ambassadeur malaisien de haut rang. Ce texte est extrait de son blog www.dennisignatius.com.