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Musée des Fleurs : le jardin féérique de Bangkok

Journaliste : Mathilde Thieffry
La source : Gavroche
Date de publication : 19/12/2017
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La légende rapporte que la tradition de l’art floral serait née en Thaïlande. Un passionné a décidé d’ouvrir le premier musée du royaume dédié à cet art. Une initiative inédite pour perpétuer la tradition, mais aussi la réinventer.

 

Loin de l’agitation et du bruit de Sukhumvit, niché dans un soï le long de la rue Sam Sen, le Museum of Floral Culture échappe aux trépidations de Bangkok. Le portail ouvre sur une cour intérieure où se dresse une maison de style colonial de deux étages construite il y a plus de cent ans. A l’entrée, un café et un salon de thé accueillent le visiteur. A l’arrière de la maison, dans un jardin à la végétation luxuriante, des plantes rares exhalent leur parfum.

 

Le maître des lieux, Sakul Intakul, est l’un des plus grands artistes de sa génération. Repéré par la reine Sirikit, il fleurit le Grand Palais à l’occasion du banquet organisé pour célébrer le 60ème anniversaire du roi Bhumibol Adulyadej. Mais il doit surtout sa célébrité à un ouvrage, Dok Mai Thai : The Flower Culture of Thailand, qu’il publie en 2009. Sakul s’y présente comme l’ambassadeur de la culture de l’art floral thaïlandais. Il y décrit la tradition, les techniques et l’importance de cet art dans l’héritage culturel du royaume.

 

Avant de devenir un artiste de renommée internationale, Sakul a débuté sa carrière comme ingénieur dans une entreprise japonaise. Passionné par l’art floral depuis son enfance, il décide alors de suivre une formation de deux ans. Il ne voit pas cela comme une rupture, mais plutôt comme une continuité, car pour lui, « certains reçoivent un don divin » et il leur est nécessaire de l’utiliser et de le partager. Son succès, il le doit à sa faculté d’inventer tout en s’enracinant dans la tradition, « d’utiliser chaque espace libre » pour créer des « îles de beauté ». A ses yeux, l’art doit « inspirer » et « être apprécié » par tout un chacun. Son expertise s’enrichit à mesure qu’il parcourt le monde : Il découvre l’Inde, le Japon, le Laos, le Cambodge, le Tibet, Taïwan, Bali, l’Italie, la Russie…

 

 

 

Célébrer l’héritage culturel

 

Ouvert en 2012 pour commémorer le 80ème anniversaire de la reine Sirikit, le Museum of Flower Culture concrétise la volonté de Sakul Intakul de partager sa passion pour la tradition de la composition florale et l’héritage culturel thaïlandais. Les collections exposées à l’intérieur du musée sont en harmonie avec le jardin, de telle sorte que l’intérieur et l’extérieur forment un tout.

 

Dans la première salle, sont présentées des photos provenant des Archives Nationales de Thaïlande qui illustrent la richesse de la tradition de l’art floral sous le règne de Rama V (1868-1910). La salle suivante, « Le Monde de la Culture florale », met en valeur la diversité des cultures asiatiques en matière d’art floral. Elle réunit des guirlandes venues d’Inde, des phoom thaïlandais, des supports de couronnes de Bali, et la pièce maîtresse : un traité d’art floral japonais vieux de près de 300 ans rapporté de Tokyo par Sakul Intakul.

 

« Un Temple des Fleurs » souligne la relation entre les éléments naturels, les hommes, les cultures et l’art floral et rend hommage à un village de la province de Loeï où les habitants se sont battus pour préserver leur forêt. Les deux pièces suivantes sont consacrées à l’art floral thaïlandais et à son intégration dans la vie quotidienne des habitants. Le savoir-faire et les procédés (couture, piquage, enroulement) sont expliqués.

 

On y aborde la confection des guirlandes, les kruang kwaen, et les décorations traditionnelles comme les pan dok maï, baisri, krathong et les ngang baitong. Une salle à l’étage accueille les oeuvres de Sakul Intakul, dont la photo de son tapis de fleurs réalisé en 2007 à Rome à l’occasion du festival international du film ; le diplôme délivré par l’UNESCO reconnaissant la qualité de son travail ; une composition destinée au roi Bhumibol pour une cérémonie royale ; des photos de son travail à l’hôtel Bulgari à Bali… La visite se termine par une pièce qui recense les formes traditionnelles ainsi que celles créées par Sakul Intakul, qui a recours aux vagues, aux lignes verticales et horizontales, au pliage…

Un « Fantasy Land »

 

L’artiste veut faire de ce lieu une sorte de « parc enchanté », un espace de partage et de volupté où l’on peut venir déguster un bon thé et apprécier le cadre magique afin de permettre aux générations nées dans les condos de renouer avec leurs racines. Le maître des lieux confie que c’est vers sept heures du soir que le jardin exhale ses plus douces senteurs. C’est pour cette raison qu’il a décidé d’ouvrir en mars dernier son restaurant, Midnight Moon, seulement le soir, du vendredi au dimanche. Le menu est entièrement conçu autour du concept floral.

 

Passionné par le Japon et par sa culture, Sakul Intakul parle volontiers de son nouveau statut de Iemoto (la personne qui transmet les méthodes et les enseignements d’une école en tant que chef d’une lignée de maîtres) et de son projet éducatif au Japon.

 

Il a ouvert une école près de Tokyo il y a deux ans, avec pour objectif d’accueillir les amateurs d’art floral. N’étant pas soutenu financièrement par le gouvernement et sceptique sur l’intérêt du système éducatif thaïlandais pour cet art spécifique, il n’envisage toutefois pas de développer son projet dans son pays natal.

 

Mathilde Thieffry

 

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