La présidente de la commission européenne a prononcé lors de son séjour aux Philippines un discours qui insiste sur le nouveau partenariat avec l’archipel. Sa visite à Manielle était une première pour un chef de l’exécutif communautaire. Nous le reproduisons ici.
Par Ursula Von Der Leyen
Merci beaucoup de m’avoir accueilli ici aux Philippines. En effet, c’est la toute première fois qu’un président de la Commission de l’Union européenne se rend aux Philippines. Et ce à la veille du 60e anniversaire de nos relations diplomatiques. Et j’ai été ravi de vous rencontrer à Bruxelles à la fin de l’année dernière pour notre très réussi sommet UE-ASEAN.
Aujourd’hui, je suis ici pour accélérer une nouvelle ère de coopération entre nous. Nous partageons tant de valeurs et d’intérêts. Nous voulons tous les deux travailler au renforcement de nos démocraties. Nous croyons en l’ordre international fondé sur des règles et nous croyons en la nécessité de le promouvoir et de le défendre. Il est donc logique de renforcer nos liens à tous les niveaux. Nous avons discuté de plusieurs façons de le faire.
Premièrement, en portant nos relations commerciales à un niveau supérieur. L’Union européenne est déjà votre quatrième partenaire commercial. Et nous sommes le premier investisseur étranger. Mais nous pouvons faire tellement plus. Je suis donc très heureux que nous ayons décidé de relancer les négociations pour un accord de libre-échange. Nos équipes vont s’atteler dès maintenant à mettre en place les bonnes conditions pour que nous puissions reprendre les négociations.
Un accord de libre-échange a un énorme potentiel pour nous deux en termes de croissance et d’emplois. Que ce soit sur le continent européen ou ici en Asie du Sud-Est, nous avons tous appris à nos dépens le coût des dépendances économiques.Nous devons diversifier nos filières d’approvisionnement et les rendre résilientes. C’est la leçon que nous avons apprise. Et c’est ce que nous appelons réduire les risques de nos relations commerciales. Un ALE en est la base, mais c’est aussi beaucoup plus. Un ALE peut être un tremplin pour une nouvelle coopération technologique visant à moderniser l’économie au sens large.
Un deuxième élément dont nous avons discuté est la lutte contre le changement climatique.
Je salue votre ambition de mettre les Philippines sur la voie d’un avenir plus propre et plus vert. Nous avons la même ambition. Par conséquent, nous avons créé, dans l’Union européenne, Global Gateway. Global Gateway est le plan d’investissement de l’UE pour le monde en matière d’infrastructures durables. Nous souhaitons vous accompagner dans cette voie, notamment avec l’Initiative Team Europe sur l’Économie Verte que nous venons de signer ici. Nous vous apporterons financement, expertise et accès aux technologies pour vous accompagner dans la transition vers une économie circulaire et la production d’énergie verte. Team Europe, c’est-à-dire l’Union européenne et les États membres, contribuera à hauteur de près de 0,5 milliard d’euros à cette initiative verte.
L’Union européenne soutient également votre lutte contre le changement climatique et les phénomènes météorologiques extrêmes avec ses “yeux dans le ciel”. Il s’agit des satellites Copernicus. Nous mettons actuellement en place un site dit miroir de données Copernicus au sein de l’Agence spatiale des Philippines. Et nous venons de signer un accord pour booster le flux de données d’observation de la Terre entre nous. Ceci est très important pour l’alerte précoce, par exemple, pour les phénomènes météorologiques extrêmes et pour améliorer la résilience climatique. Il s’agit d’une première dans la coopération spatiale en Asie.
Mon troisième point concerne la transformation des Philippines en une plaque tournante numérique dans la région.
Global Gateway y jouera également un rôle crucial. Et les entreprises européennes sont prêtes à venir investir aux Philippines.Nous allons lancer, cette année, le Digital Economy Package pour les Philippines. Autrement dit, nous travaillerons ensemble sur une connectivité rapide et fiable avec des câbles sous-marins, sur la formation à la cybersécurité et sur le déploiement et le développement de la 5G. Nous travaillons également sur une éventuelle extension d’un câble sous-marin que nous prévoyons de construire via la route arctique vers le Japon. Ce câble pourrait aller jusqu’en Asie du Sud-Est, et nous pensons qu’il pourrait passer par les Philippines. Cela vous donnerait une position stratégique sur une infrastructure qui pourrait contribuer à la fois à votre prospérité et à votre sécurité nationale. Nous resterons en contact étroit à ce sujet.
Mon quatrième point concerne les matières premières critiques.
Nous en avons besoin pour notre avenir propre et numérique. Là aussi, les Philippines ont un grand potentiel. Et nous voulons travailler en partenariat avec vous.Commençons donc par identifier des projets qui développeraient votre industrie minière locale, soutiendraient vos communautés et contribueraient à un approvisionnement mondial sécurisé en matières premières essentielles. Nos partenariats existants sur les matières premières critiques n’investissent pas seulement dans l’extraction, mais dans toute la chaîne de valeur. Nous partageons la technologie et les connaissances, nous formons la main-d’œuvre locale et nous responsabilisons les communautés locales. Et bien sûr, nous respectons les normes environnementales les plus élevées.
Mon dernier point porte sur la coopération en matière de sécurité.
Le paysage géopolitique mondial est en train de changer. Il est volatil. C’est plus menaçant. Les dirigeants autoritaires montrent qu’ils sont prêts à donner suite à leurs menaces. La guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine ébranle les fondements de l’ordre international. C’est en violation de la Charte des Nations Unies et des principes fondamentaux du droit international tels que l’intégrité territoriale et la souveraineté. C’est pourquoi l’Europe soutient le combat courageux de l’Ukraine contre l’agresseur. Parce que l’usage illégal de la force ne peut être toléré – ni en Ukraine, ni dans l’Indo-Pacifique. La sécurité en Europe et la sécurité dans l’Indo-Pacifique sont indissociables. Les défis à l’ordre fondé sur des règles dans notre monde interconnecté nous affectent tous. Nos sociétés paient par des factures énergétiques plus élevées, par des coûts alimentaires plus élevés.C’est pourquoi nous sommes préoccupés par la montée des tensions dans l’Indo-Pacifique.
L’Union européenne a été très favorable à un Indo-Pacifique libre et ouvert. Parce qu’un Indo-Pacifique libéré des menaces de coercition est la clé de notre stabilité, de notre paix et de la prospérité de nos peuples. L’Union européenne souligne que la sentence de 2016 du Tribunal arbitral sur la mer de Chine méridionale est juridiquement contraignante et qu’elle constitue la base d’un règlement pacifique des différends entre les parties. Nous sommes prêts à renforcer la coopération avec les Philippines en matière de sécurité maritime dans la région en partageant des informations, en procédant à des évaluations des menaces et en renforçant les capacités de votre centre national de surveillance côtière et de vos garde-côtes.
Pour conclure, nous avons une large feuille de route pour faire passer notre partenariat au niveau supérieur. Profitons du grand élan que nous avons dans notre relation. Et merci beaucoup de m’avoir accueilli ici.
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