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Précarité des Français en Thaïlande : du rêve au cauchemar

Journaliste : Yann Fernandez
La source : Gavroche
Date de publication : 22/11/2013
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Destination de rêve pour certains étrangers, la Thaïlande peut rapidement s’avérer être un cauchemar pour d’autres. Chaque année, des Français se retrouvent en situation de précarité, parfois démunis de par les aléas de la vie, mais aussi dans certains cas du fait de leur irresponsabilité.

 

Quelque dix mille personnes sont enregistrées au registre des Français de l’étranger de l’ambassade de France en Thaïlande – un chiffre qui a quasiment triplé sur les dix dernières années – et au moins plus de cinq mille autres résideraient dans le royaume sans être immatriculées. Les services consulaires indiquent aussi que le nombre de Français en Thaïlande, résidents ou touristes, augmente depuis une dizaine d’années d’environ 10% chaque année.

 

Ces données témoignent du pouvoir d’attractivité du royaume sur les Hexagonaux, mais, revers de la médaille, le nombre de Français s’étant retrouvés en grande difficulté et ayant nécessité l’aide du consulat a également connu la même courbe exponentielle, soit une augmentation de 10% par an.

 

Car si la Thaïlande à la réputation d’être le pays du sourire, connu pour l’accueil chaleureux de la majorité de ses habitants, elle sait aussi se montrer parfois dure envers les étrangers qui la regardent comme un pays facile à apprivoiser. « De nombreuses personnes qui viennent vivre en Thaïlande, souvent suite à un séjour touristique ou à une rencontre, croient suffisamment bien connaître le pays, explique le président de l’Association française de Bienfaisance en Thaïlande (AFBT), qui travaille de façon très étroite avec l’ambassade dans le but d’apporter une aide matérielle et morale aux Français en grande difficulté, résidents dans le royaume ou simplement de passage. Or ces gens-là sous-estiment certains coûts qui sont bien plus élevés qu’en France, poursuit-il. C’est le cas des frais d’hospitalisation dans certains cas, mais aussi du prix des voitures ou de certains produits électroménagers. Le logement, quand vous habitez à Bangkok, n’est pas non plus donné. Si l’on consomme beaucoup de produits alimentaires occidentaux, cela peut vite revenir cher, la scolarisation aussi. Et en Thaïlande, vous n’obtiendrez pas un prêt de la part d’une banque. »

 

Facture salée…

 

Selon des chiffres du consulat, environ un cinquième des Français enregistrés en Thaïlande l’an passé étaient âgés de plus de 60 ans, une catégorie de personnes qui grossit de 10% annuellement. Les retraités, dès l’âge de 50 ans, peuvent obtenir un visa pour vivre en Thaïlande, à condition de posséder au minimum 800 000 bahts (environ 20 000 euros) sur leur compte bancaire, ou de toucher des revenus mensuels d’au moins 65 000 bahts (environ 1 550 euros), soit un tout petit peu moins que le montant moyen des pensions de retraite des hommes en France, selon les derniers chiffres du Conseil d’Orientation des Retraites rapportés au gouvernement français.

 

Ce montant minimum mensuel ne garantit néanmoins pas de mener une vie de rêve en conservant ses habitudes de consommateurs occidentaux, d’autant plus lorsqu’on est exposé à des ennuis de santé. Ces retraités se retrouvent parfois piégés par leur méconnaissance du fonctionnement du secteur hospitalier thaïlandais. « Beaucoup de Français qui viennent vivre en Thaïlande ne sont pas au courant des prix pratiqués dans les hôpitaux, explique Franck Maigne, coordinateur de soins du Bangkok Hospital. Ici, les soins ne sont pas légalement tarifés et les prix se font parfois un peu à la tête du client. Si vous vous rendez à Koh Samui, Pattaya ou Phuket par exemple, les tarifs pratiqués sont parfois deux à trois fois plus cher qu’ailleurs, avance-t-il. Il est préférable dans la mesure du possible de se renseigner avant, et de savoir que même les coûts d’hospitalisation sont négociables…» Et ce ne sont pas les difficultés rencontrées actuellement pas la Caisse des français de l’étranger (CFE), qui peine à trouver des accords de tiers payant avec des hôpitaux pour ses quelque deux mille Français assurés en Thaïlande, qui vont les rassurer. Car devoir avancer les soins ou les frais d’hospitalisation amène parfois à des situations de « précarité sanitaire » extrêmes.

 

À l’autre bout de la pyramide des âges, certains jeunes Français peuvent aussi être touchés par la précarité.

 

Si la nouvelle génération n’est pas non plus à l’abri d’un problème de santé, les difficultés qu’elle rencontre sont plutôt dues à sa position de faiblesse sur le marché de l’emploi thaïlandais. Attirés notamment par le soleil, les paysages paradisiaques et la vie nocturne, des centaines de jeunes hexagonaux tentent leur chance chaque année à Bangkok, pas toujours avec succès. « Un certain nombre d’employeurs profitent de ces jeunes qui constituent le plus souvent une main d’œuvre bien formée, maniable et fiable, alors que le marché du travail ici est plutôt connu pour son important turnover, indique Patrick Auger. Ces jeunes qui sont prêts à travailler pour 800 euros par mois (32 000 bahts, Ndlr), certains employeurs ne les déclarent pas en leur expliquant qu’il est trop compliqué de leur obtenir un permis de travail, alors que c’est un faux problème. Beaucoup de ces jeunes, après quelques mois, se retrouvent en situation d’échec et quittent la Thaïlande pour un autre pays étranger, par exemple pour l’Australie ou Singapour où il est plus facile d’obtenir un travail légal. »

 

Cas extrêmes

 

L’Association française de Bienfaisance en Thaïlande (AFBT), qui a traité une quarantaine de dossiers l’an passé et qui en a une quinzaine d’ouverts en cours, aide les Français, dans des cas extrêmes, quand les problèmes ne peuvent être pris en charge par leurs proches. Les catastrophes naturelles comme les inondations de 2011 ou le tsunami de 2004 exceptées, la Bienfaisance intervient principalement dans deux types de cas : lorsque des Français font face à un grave problème de santé inopiné et ont besoin d’une avance d’argent pour une intervention chirurgicale, ou lorsqu’ils voient leur affaire couler. « Il y a des gens qui venaient chercher du travail, qui en ont trouvé ou qui ont créé leur entreprise et qui tout d’un coup, pour des raisons économiques, se retrouvent en grande difficulté, explique Michel Testard, élu à l’Assemblée des Français de l’Étranger et membre du Comité directeur de l’AFBT. C’est dans ces cas-là que le réseau familial, amical, social, et en dernier lieu associatif, fonctionne. Et, généralement, il fonctionne assez bien. » L’association doit faire face également à de nombreux cas d’enfants franco-thaïs abandonnés par le parent français. « Nous participons aux frais de scolarisation, précise Patrick Auger. Il y a une dizaine d’années, nous avions pu remettre à l’école un jeune qui vivait dans un bidonville et faisait la manche au feu rouge ».

 

Si certains étrangers en grande difficulté sont victimes des aléas de la vie, d’autres se retrouvent dans une situation précaire après avoir, par rêverie ou naïveté, été floués. Le 14 septembre dernier, un Grec de 56 ans résidant depuis quatre années dans le royaume est retrouvé par la police de Phuket assis au milieu de la route devant une maison qu’il dit avoir acheté mais dont il s’est fait éjecter par sa compagne thaïlandaise. L’homme explique aux médias sur place qu’il s’est également fait délester de deux millions de bahts par sa belle, et qu’il n’a aujourd’hui plus de quoi se nourrir ou se loger et espère de l’aide de la part de son ambassade. Ce genre de situation est devenu ces dernières années un sujet marronnier de la presse en langue étrangère publiée dans le royaume.

 

Ces gens qui ont parfois tout perdu ne quittent pas le pays pour autant. La Fondation thaïlandaise Issarachon, qui s’occupe d’aider les sans-abris, a recensé deux cents étrangers vivant dans la rue. Le Fondation leur vient en aide pendant quinze jours maximum, le temps de prendre contact avec une ambassade. « Au nom des droits de l’Homme, nous aidons ces étrangers en leur fournissant un abri, de la nourriture, mais la législation thaïlandaise nous impose de consacrer les subventions du gouvernement aux Thaïlandais, explique Wiraipan Luangya, vice-présidente de la fondation qui s’est occupée du cas d’un Français. Ce que nos équipes voient beaucoup aujourd’hui, ce sont des retraités européens, américains, australiens qui viennent s’installer ici avec leur argent après avoir pris leur retraite, continue-t-elle. Certains trouvent des femmes sur place qui leur conseillent des achats de terrains qu’elles récupèrent à leur séparation. Ces farangs ont parfois des amis ici qui les aident au début en leur offrant le logement, mais quand ces personnes en difficulté deviennent un poids financier trop lourd, c’est là qu’ils se retrouvent à la rue. Même trahies et sans-abris, ces personnes-là ne veulent pas quitter la Thaïlande car ils disent trop aimer ce pays. »

(Yann Fernandez – Gavroche)

 

Les aides et conseils du consulat

 

Les aides que le consulat peut apporter diffèrent selon que les Français concernés soient de passage en Thaïlande ou résidents.

 

Pour les résidents, seuls les Français inscrits au Registre des Français de l’étranger peuvent bénéficier de ces aides. Des allocations peuvent être délivrées :

 

– mensuellement : allocations adulte ou enfant handicapé, secours mensuel à l’enfance en détresse, allocations de solidarité

 

– de façon ponctuelle : allocations à durée déterminée, secours occasionnel.

 

Toutes ces aides (hors allocation enfant handicapé) sont attribuées sous conditions de ressources. Des résidents peuvent, dans des cas exceptionnels, également bénéficier de rapatriement pour des raisons sanitaires ou pour indigence. Une prise en charge dans un centre d’accueil en France peut leur être proposée. Les parents d’enfants scolarisés dans les établissements homologués par l’AEFE peuvent également bénéficier de bourses scolaires.

 

Pour les non-résidents : hormis une aide exceptionnelle, il n’existe pas d’allocation spécifique pour les Français de passage. Cependant, le consulat sert régulièrement d’intermédiaire entre des français hospitalisés, leur famille, les commerçants, les banques, l’administration thaïlandaise (services sociaux, police, justice, immigration…) et les hôpitaux locaux afin de trouver des solutions aux problèmes rencontrés par les touristes français. En cas de décès, le service social du consulat prend contact avec les familles et les informe sur les procédures à suivre.

 

Enfin, des agents du consulat et des visiteurs de prison rendent régulièrement visite à des Français, résidents ou non, incarcérés dans les prisons thaïlandaises, afin de vérifier leurs conditions de détention et de connaître leurs besoins. Une aide exceptionnelle peut leur être délivrée. Le consulat sert également souvent de relais entre eux et leurs familles.

 

Les services consulaires de l’ambassade conseillent aux Français résidents de s’inscrire auprès du consulat et à tous les Français voyageant dans le monde de s’enregistrer sur le site Ariane du ministère des Affaires étrangères (1) qui permet de se signaler gratuitement et facilement auprès des autorités. Le consulat conseille également aux Français de contracter une assurance médicale et rapatriement. Pointant du doigt le fait que « les Français font partie des étrangers ayant le plus d’accidents de la route en Thaïlande, notamment en scooter », les services consulaires de l’ambassade de France rappellent qu’un permis de conduire est obligatoire pour les motocyclettes, scooters et voitures et que, comme en France, les mêmes règles de sécurité doivent être respectées (port du casque pour les deux roues, respect des limitations de vitesse, ne pas conduire en état d’ébriété…).

 

Services consulaires de l’ambassade de France en Thaïlande http://www.ambafrance-th.org/Consulat

 

L’Association française de Bienfaisance en Thaïlande (AFBT) : www.la-bienfaisance.net

 

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