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Pun Pun Bikes : Bangkok réussira-t-elle à faire une place au vélo ?

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 03/03/2015
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Inventés en Europe au siècle dernier, les vélos en libre service ont depuis 2012 un petit frère thaïlandais : les Pun Pun Bikes. Ces derniers tracent leur voie dans une Cité des Anges désireuse de se transformer en « Bike Friendly City ». Alors que certaines avancées sont à signaler, cette quête demeure celle d’une mégapole prise au piège du tout-moteur quand d’aucuns essayent, non sans mal, de faire bouger les lignes.

 

Vous les aurez surement déjà remarqués sans trouver l’occasion de vous y essayer : stationnés aux quatre coins de la ville dans leurs abris verts, les Pun Pun, (prononcez « pan pan » – pédaler en thaï) ont fleuri. Ces Vélib bangkokois tentent de se frayer un chemin parmi les moyens de transport motorisés de la capitale. Face au bouillonnement continu du monstre urbain qui les abrite, entrer dans la danse tête haute et freins affutés ne semble pas si simple.

 

Pensés en 1965 à Copenhague avant d’être progressivement introduits dans une trentaine de pays, les vélos en libre-service font leur entrée dans la Cité des Anges en octobre 2012. A la tête du projet se trouve une femme, Churaiporn Wijackanawong. Elle dirige Smart Bike Service, une branche de la compagnie prestataire Krungthep Thanakom qui, de l’installation à l’entretien des Pun Pun, se voit déléguer chaque parcelle du processus d’implantation par la Mairie de Bangkok.

 

Dès le départ, Churaiporn ambitionne d’en faire un transport en commun à part entière. « La pratique du vélo loisir existait déjà. Le Pun Pun, lui, constitue une réponse à un besoin de déplacements quotidiens », dit-elle. Sont ainsi nées 50 stations pour 500 vélos, concentrées autour des quartiers d’affaires et grands points de passage tels que Sathorn, Phaya Thai, Silom et Siam.

Déplacement utile

 

Prometteur sur le papier, le projet suscite dès son lancement un certain nombre de réprobations, notamment la répartition géographique inégale des stations dans les quartiers d’affaires, puisque plus de 14 se trouvent à Sathorn quand d’autres sont, à Silom, presque éloignées de 500 mètres. Viennent s’ajouter des critiques sur la taille des auvents, qualifiés par d’aucuns comme une pollution visuelle mal venue dans une ville déjà saturée. « Nous devons respecter des contraintes liées à l’affichage publicitaire, justifie la responsable de Smart Bike Service. Il en va du financement du projet, qui n’a pas été conçu dans une optique commerciale. »

 

Il est effectivement difficile d’accuser le Pun Pun d’être une machine à profit. Sa véritable ambition, populariser le vélo comme moyen de transport quotidien. Suivant cette logique de déplacement pendulaire, les stations les plus fréquentées sont celles qui permettent de relier facilement deux stations de métro (BTS et MRT), comme sur Wireless ou Phaya Thai Road.

 

Bastion du tout-motorisé, Bangkok aurait-elle pris un tournant vert ? Nul doute qu’elle tente de mettre le pied à l’étrier. Mais les performances constatées à l’étranger sont une douche froide qui recadre rapidement le débat. Championne toutes catégories, la ville chinoise de Hangzhou peut se targuer de compter quelque 60 000 vélos pour 2500 stations, enregistrant chaque jour plus de 250 000 locations ! Au delà des mers, les EcoBici de Mexico affichent 100 000 usagers. Sans évoquer l’Europe. En dépit de ses 10 000 abonnés et 1000 locations journalières en moyenne, Bangkok fait figure de petite joueuse.

 

Une capitale handicapée

 

Le fait est qu’à l’inverse de ses homologues eurasiens, Bangkok n’est pas en pole position pour devenir la plus « bike friendly » des métropoles. Le climat n’est pas un facteur incitatif, bien que certains pensent que l’obstacle n’a rien d’insurmontable. Bangkok By Bike, créé il y a huit ans par le Suédois Arne Wilhelmson, propose des circuits touristiques à vélo dans la Cité des Anges. Pour ce coutumier des pays froids, « la ville étant plate et l’effort peu intense, le climat de Bangkok n’est pas aussi problématique qu’il en a l’air. Nos clients sont surpris par la facilité avec laquelle ils supportent les températures. »

 

Reste que Bangkok doit gérer son problème de manque d’espace sur les voiries. Les quartiers du centre sont les principaux concernés, dans une ville qui a grandi trop vite et où il n’y a jamais eu de réel plan d’urbanisme. Tandis que les buildings poussaient à une allure fulgurante, le tracé des artères principales a débouché sur une organisation anarchique du trafic, imputable, entre autres, à la faible communication entre les soïs (rues adjacentes) des grandes avenues. A l’image de la ville, les cyclistes sont à l’étroit. Le peu de place qui leur est octroyée engage à une réflexion sur la sécurité d’un trajet à vélo en plein centre-ville.

 

Non contentes d’être dans des zones encombrées, la plupart des stations de Pun Pun n’offrent pas d’accès direct à des pistes réservées. Les quarante-huit aménagements que compte Bangkok aujourd’hui répondent majoritairement au statut de « bandes cyclables » qui, contrairement aux « pistes cyclables », ne sont pas séparées de la chaussée. Cette différence explique à elle seule le cœur du problème car, sans protection, la cohabitation avec les automobilistes ne peut fonctionner que dans une optique de respect mutuel. « S’il est théoriquement interdit d’encombrer les accès réservés aux cyclistes, la réalité est bien différente, explique Arne. Aucune couche de peinture n’est venue à bout du problème en dix ans. » La violation des bandes cyclables par les autres usagers est monnaie courante à Bangkok : stationnement interdit, accaparement de l’espace par les motos et même installation semi-permanente de vendeurs ambulants sont autant de comportements très rarement sanctionnés qui ont détourné le but premier des zones vertes.

 

En 2012, la Green World Foundation a conduit une étude révélant qu’environ cinq cents obstacles de toute nature entravaient les bandes cyclables à Bangkok. Afin d’échapper à ce slalom géant, certains en viennent à user les voies piétonnes. Parfois légale, comme à proximité du pont Phra Pinklao où le trottoir est un espace partagé, la pratique peut aussi être irrégulière ; c’est dès lors une atteinte à la sécurité des piétons, compliquant un peu plus l’appréhension d’un espace urbain déjà bien complexe.

 

Churaiporn Wijackanawong, la responsable de la compagnie prestataire des Pun Pun, reconnaît des défaillances sur ces sujets. Malgré tout, elle refuse de voir le pédalage en ville comme la plus périlleuse des aventures. « Il y a surtout des règles élémentaires à appliquer, telles que le respect de la signalisation. Ces réflexes acquis, on apprend vite à sillonner Bangkok », affirme-t-elle.

 

Smart Bike Service tente de rassurer ses membres en amont : l’inscription comprend une assurance automatique, certes modeste, couvrant jusqu’à 50 000 bahts de dommages et 5000 bahts de frais médicaux. Fort heureusement, le nombre d’accidents se compte sur les doigts d’une main et le recours à cette disposition n’a quasiment jamais été nécessaire en deux ans. Arne, le fondateur de Bangkok By Bike, qui évite autant que possible d’emmener ses clients sur les grands axes, se réclame d’une opinion autrement nuancée : « Pédaler dans Bangkok est loin d’être sans danger. Pour des touristes peu habitués à la circulation locale, c’est une expérience effrayante, principalement sur les grandes avenues. Tout est question d’habitude et surtout de prudence, même après des années de pratique. »

 

Quand bien même jouer des coudes dans ce ballet urbain ne relèverait pas de l’impossible, la solution la plus simple à implanter demeurerait l’extension des voies réservées. En substance, les Pun Pun ont été majoritairement installés dans des quartiers déjà desservis par les transports en commun et limités dans leur offre d’espace ; démuni de stations de BTS ou MRT, moins étriqué que Silom ou Sathon, il est surprenant de constater que le quartier historique n’a pas d’avantage été inclus dans le développement du projet. Churaiporn Wijackanawong rappelle toutefois que la répartition des stations favorise les courtes liaisons, qui sont l’ambition première du service.

 

Passer la seconde

 

Gouverneurs de Bangkok et autres figures politiques rêvant de transformer Bangkok en une « ville verte » ont tous à un moment ou à un autre tenté d’encourager la pratique du vélo, plus souvent pour des raisons électorales que comme une alternative pour lutter contre la pollution et la congestion du réseau routier. Les résultats ont été pour ainsi dire inexistants. Seuls les Pun Pun réussissent, poussivement, à se faire une place dans le paysage urbain. Mais sans stations et voies cyclables supplémentaires, on voit mal comment ce service pourra faire évoluer les mentalités et les habitudes, condition indispensable pour que le projet aboutisse. Début novembre, le Premier ministre Prayut Chan-o-cha affichait pourtant son désir de voir se développer la pratique quotidienne du vélo dans tout le pays. L’augmentation du nombre de pistes cyclables est ainsi devenue un chantier du gouvernement, qui promet d’injecter 20 millions de bahts dans la rénovation d’une piste de 23 kilomètres à Phitsanulok, dans le nord du pays.

 

De son côté, le ministre de l’Intérieur, Anupong Paochinda, a annoncé, pour Bangkok, le lancement d’un plan d’extension des bandes cyclables, « cadeau de nouvelle année aux Bangkokois ». Lors de sa réélection en mars dernier, le gouverneur de la ville, Sukhumbhand Paribatra, avait évoqué quant à lui l’objectif de mille stations et dix mille vélos en circulation à l’issue de son mandat. Churaiporn Wijackanawong y voit des signes encourageants et ajoute que des négociations sont en cours pour créer une bande cyclable sur Phaya Thai Road.

 

Koy Thomson, la responsable de la London Cycling Campaign, qui s’est rendue à Bangkok il y a quatre ans et avait alors constaté que les artères principales étaient suffisamment larges pour pouvoir imposer des voies cyclables, rappelait que l’actuelle « Bike Friendly London » ne s’était pas faite en un jour et qu’il aura fallu 20 ans pour faire une place au vélo dans la capitale britannique !

 

Bangkok, pourtant, n’a plus vraiment le temps. L’objectif des dix mille vélos annoncé par Sukhumbhand Paribatra est-il réaliste ? D’aucuns pensent que la capitale thaïlandaise ne deviendra pas la Hangzhou de demain et n’est, de toute façon, pas prête pour cela. Mais la volonté affichée des autorités de mettre en place d’autres alternatives de transport que la voiture dans une ville qui suffoque est un signe encourageant.

 

Manon Dubois

 

Pun Pun, comment ça marche ?

 

Huit stations proposent des abonnements ouvrant l’accès au service à tous les usagers de plus de 16 ans : Chamchuri et Siam Square, Police Hospital, All Season Palace, Zuelling house, Rajanakarn et Lumpini 3. Rendez vous sur place avec votre passeport ou carte d’identité afin d’obtenir le sésame qui vous permettra de choisir et retourner un vélo à n’importe quelle station. Rien de plus simple : scannez votre carte sur le lecteur, confirmez avec le code choisi lors de la souscription et sélectionnez le numéro d’une borne avec un vélo disponible pour le déverrouiller. Le service fonctionne de 6h du matin à minuit. Côté tarifs, la carte de membre vous en coûtera 320 bahts, dont 100 pour la cotisation annuelle renouvelable et 100 de solde rechargeable. Le tarif est progressif : aucun frais de location les 15 premières minutes, 10 bahts au delà et jusqu’à 1h d’utilisation, 20 bahts entre 1h et 3h et ainsi de suite. Obtenez plus d’informations en appelant la Hotline de Pun Pun (087 029 88 88) ou en vous rendant sur leur site qui, malheureusement, n’est pas traduit en anglais (www.punpunbikeshare.com ).

 

Manon Dubois

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