Nous reprenons ici un entretien publié par le site suisse Blick
L’ancien Premier ministre du Bénin Lionel Zinzou est un fin connaisseur des pays émergents. En marge des Rencontres économiques annuelles d’Aix en Provence, il nous avoue redouter d’autres explosions politiques similaires à celle survenue au Sri Lanka.
Va-t-on assister, dans les semaines et les mois à venir, à d’autres révolutions populaires comme celle qui vient d’avoir lieu au Sri Lanka, où les manifestants ont pris d’assaut la résidence officielle du président Gotabaya Rajapaksa, qui a finalement présenté samedi 9 juillet sa démission ?
Ce qui se passe à Colombo, capitale d’un pays ruiné par la corruption du clan au pouvoir, la dette contractée auprès de la Chine et la crise énergétique actuelle, peut-il se répéter plus près du continent européen, en particulier en Afrique? Oui, le danger existe affirme le financier Lionel Zinsou, 67 ans, ancien Premier ministre du Bénin et conseiller de plusieurs gouvernements de pays émergents.
Blick: Le Sri Lanka parait très loin. L’explosion politique de ce pays insulaire, où la diplomatie suisse a toujours joué un rôle important, doit-elle néanmoins nous interpeller ?
Lionel Zinsou : Ce qui se passe au Sri Lanka peut se répéter. Cette révolution populaire nous concerne et ne doit surtout pas nous laisser indifférent. Le cas du Sri Lanka est particulier, car ce pays était pris depuis plusieurs années dans un étau infernal, entre la corruption massive du clan Rajapaksa au pouvoir, son endettement vis-à-vis de la Chine qui n’a pas hésité à faire saisir le port de Colombo pour se rembourser, et son extrême dépendance énergétique. Mais regardons les choses en face. La foule qui a pris d’assaut le palais présidentiel, à Colombo, est composée de Sri Lankais des quartiers urbains, appauvris par la crise. Ce ne sont pas les paysans ou les ruraux qui ont renversé la dynastie Rajapaksa. Ce sont des gens qui habitaient et travaillaient au plus à quelques kilomètres du palais présidentiel. Lorsque cette classe-là, composée de citadins appauvris et en colère, décide de se révolter, tout peut exploser. L’analogie vaut pour de nombreux pays.
Vous insistez toutefois sur ce fait : le Sri Lanka est un pays à part, pris dans un engrenage…
Le Sri Lanka, en tant que tel, est un tragique cas d’école. Un pays entièrement dépendant des importations énergétiques, au moment où les prix des hydrocarbures flambent en raison de la guerre en Ukraine. Un pays où un clan politique s’est arrogé tous les pouvoirs et a multiplié les actes de brutalité. Un pays où la Chine, première créancière de l’ex clan au pouvoir, s’est permis de saisir une infrastructure nationale comme le port de Colombo, ce que les autorités de Pékin n’avaient jamais fait nulle part ! Oui, l’engrenage sri-lankais était fatal. Mais je m’intéresse surtout à d’autres causes de ce chaos. Le défaut de paiement du Sri Lanka envers la Chine est un cas que l’on peut retrouver sous d’autres latitudes. La paupérisation brutale d’une population urbaine qui ne bénéficie en rien, par exemple, de l’augmentation des prix agricoles. L’écroulement d’un système politique fragilisé par la crise. Voici au moins trois caractéristiques sri-lankaises que l’on peut retrouver ailleurs dans le monde.
Retrouvez la suite de l’interview ici.
Quel pays réunit ce cocktail explosif : autoritarisme et corruption des dirigeants, endettement, record, taux d’intérêts en hausse, inflation galopante, dévalorisation de la monnaie, paupérisation des classes moyennes, multiplication des “pauvres”, écarts de revenus abyssaux… le Sri-lanka ouvre le bal …. l’hélicoptère est-il dans la cour de l’Élysée ?