Gavroche débute une série d’articles consacrée au tsunami de décembre 2004 avec un entretien. Élisabeth Zana, qui a tragiquement perdu sa fille lors de cette catastrophe, partage son témoignage et répond à nos questions. Elle vient de publier un livre disponible ici aux éditions Soukha.
Gavroche : Votre premier souvenir du 26 décembre 2004 ?
Élisabeth Zana : L’annonce de la tragédie au fin fond de l’Égypte où je me trouve pour travailler sur un projet artistique. Puis le premier avion où en boucle passe la vague meurtrière sur grand écran dans l’aéroport du Caire où je fais escale. Et la Une du Monde lue sur l’épaule d’un voisin dans l’avion où il était écrit que Koh Phi Phi n’était pas touchée… Je pleurais tellement qu’ils m’ont surclassée.
Gavroche : Ce qui vous a conduit à décider la construction de l’école qui porte aujourd’hui le nom de votre fille ?
Élisabeth Zana : J’ai été conduite dans cette petite école que les autorités thaïes devaient fermer pour insalubrité et manque d’élèves. Natacha était une brillante élève puis étudiante qui parlait 4 langues couramment et avait entre autres publié ABC de la Médecine chinoise en 1994 aux Éditions Grancher. Nous avons toutes deux parcouru le monde ensemble et rencontré beaucoup d’enfants en difficulté sur tous les continents. Nous avions, et je l’ai toujours profondément enraciné en moi, la certitude que l’instruction reçue à l’école est le meilleur moyen de se bâtir un avenir meilleur, pour soi et pour la société. On ne pouvait pas laisser des enfants, ayant perdu leurs parents ou ayant tout perdu dans cette vague, sans leur donner une chance de s’en sortir par la scolarité. C’était poursuivre les actions de Natacha.
Gavroche : Les leçons de ces 20 ans en termes de prévention des catastrophes ?
Élisabeth Zana : Je crains que malheureusement on ait oublié dans certains lieux, je pense à Koh Phi Phi en particulier que je trouve trop reconstruit, avec trop de monde et trop de problèmes au niveau de l’environnement. Mais il y a aussi des prises de conscience pour essayer de sauver la mer avant qu’elle ne soit totalement envahie par le plastique et autres détritus. Là je crains qu’il y ait encore hélas des catastrophes à venir mais celles-ci risquent plus de venir de l’Homme et non de la nature. La prévention des catastrophes est mieux gérée en Thaïlande depuis 20 ans pour peu que chacun obéisse aux contraintes… Quand le drapeau est rouge sur une plage partout dans le monde on ne se baigne pas ! Cependant, que peut-on faire contre les forces extraordinaires de la nature ???? Nous sommes bien petits, tout petits !
Gavroche : Votre avis sur la résilience des Thaïlandais ?
Élisabeth Zana : Dans le Bouddhisme Thaï, tel qu’il est pratiqué dans la vie quotidienne dans les familles auxquelles j’ai accès, la mort est très présente du fait de la croyance en la non-pérennité et à ce “Ici et Maintenant” qu’il nous faut, en tant qu’occidentaux, intégrer, respecter. La résilience s’est effectuée à l’issue de cette tragédie par une réelle crainte de la mer mais simultanément la nécessité de reconstruire. Cependant chacun a une histoire, un souvenir de là où il était à ce moment précis. Chacun connaît quelqu’un qui a disparu, quelqu’un qui est resté en vie parce qu’absent ce jour-là du lieu de la catastrophe. C’est dans cet esprit que les Thaïlandais m’ont acceptée puis m’ont soutenue, aidée, aimée parce que conscients que je souhaitais aider les enfants, le futur de la communauté locale, dans l’esprit de respect de leur culture.
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