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Thaïlande : Apichart Poemchawalit, interprète et chantre de l’amitié franco-thaïlandaise

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 20/06/2013
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Il y a les titres, les diplômes, les références, l’expérience. Le CV d’Apichart Poemchawalit, traducteur interprète depuis 15 ans, est impressionnant. Mais entre les lignes de ce CV se glisse un homme qui ne se contente pas d’accumuler des succès professionnels. Chez Khun Apichart, il y a l’envie de faire partager sa joie de jongler avec les langues. Plus loin que son rôle d’enseignant universitaire, il veut transmettre au plus grand nombre sa passion pour le français. Plus loin encore, il s’implique dans des projets commerciaux industriels et culturels pour donner du corps et un sens aux relations entre son pays et la France. Bien plus qu’un simple interprète, Apichart est un ambassadeur de l’amitié franco-thaïlandaise.

 

Racontez nous vos débuts dans le métier.

 

Après mes études à Strasbourg à l’Institut de traducteurs de Strasbourg, je suis revenu en Thaïlande vers la fin de l’année 1997, en pleine crise de Tom Yum Kung (la crise financière de 1997, Ndlr). Même avec mes deux maîtrises, il m’était impossible de trouver du travail parce que j’étais jugé trop qualifié ! Alors, j’ai décidé de mettre en place un bureau de traduction chez moi à Chachoengsao, à 60 kilomètres de Bangkok. Le deuxième mois, je me suis présenté à un entretien à l’Alliance française de Bangkok et j’ai été sélectionné pour être l’interprète de Rémy Julien, le fameux cascadeur, lors du tournage d’un film publicitaire.

 

Devenir interprète était-ce une vocation ?

 

Non, mais la réussite m’a propulsé plus loin que je ne l’imaginais au départ. Ce qui me plaît dans le métier d’interprète, c’est que j’apprends toujours de nouvelles choses à chaque mission. Je me rends compte que les compétences linguistiques ne suffisent pas pour faire une bonne traduction. Ce métier exige de faire des recherches, de se plonger sans cesse dans une documentation approfondie sur tel ou tel sujet.

 

Il m’est arrivé par exemple d’être interprète lors d’une la réunion entre un vice-gouverneur de Bangkok et un maire de France. Faute de connaissance sur le sujet et du projet en discussion, j’ai traduit « contribuer » par « aider » et ce verbe « aider » a contrarié le vice-gouverneur. Il m’a donné l’explication a posteriori : le maire était venu pour solliciter la coopération thaïlandaise et non pas pour aider les Thaïlandais !

 

J’ai été formé dans une école de traduction qui prône le concept suivant : « On ne traduit pas la langue mais son sens ». Cette philosophie me libère de toutes les contraintes linguistiques, d’autant plus que je m’appuie sur l’acquisition de nouvelles connaissances par rapport au sujet à traduire. Ces deux éléments répondent à mes besoins professionnels et m’aident à fournir une traduction compréhensible et satisfaisante pour mes clients.

 

Pourquoi le français et qu’est ce qui a été le plus compliqué dans son apprentissage ?

 

La raison est très simple. Un de mes profs au lycée m’a dit d’apprendre le français parce que j’avais de bonnes notes en anglais! Au-delà de la boutade, le plus difficile fut d’apprendre les genres et la conjugaison qui en français obéissent à des règles dont la logique m’échappait. La langue thaïe est monosyllabique sans genre, donc sans accord des adjectifs aux noms. Mais en français, si on se trompe de genre, c’est presque toute la phrase qui est incorrecte. C’est encore plus complexe avec la conjugaison d’un verbe qui peut se transformer en une centaine de formes écrites, juste pour indiquer la nature du sujet et le temps ! En thaï, on supprime le sujet et le verbe est toujours identique au futur, au présent ou au passé. Il suffit d’ajouter un petit mot pour préciser le temps. Et nous n’avons pas le subjonctif !

 

Par ailleurs, les Français ont une manière de parler tout à fait différente. J’ai l’impression que vous pensez toute la phrase avant de finir par l’exprimer oralement. La manière de « tout penser » est certainement le reflet de la manière de travailler des Français. Ils pensent à tout, du début jusqu’à la fin, et avec presque tous les détails. Pour atteindre la cible, tout est calculé. Tandis que les Thaïlandais optent pour la façon « au fur et à mesure » qui caractérise leur style de vie comme leur manière de former des phrases.

 

Quand avez-vous senti que c’était votre voie professionnelle ?

 

Voici dix ans environ, j’ai participé à une mission avec un homme d’affaires français à la recherche de fournisseurs de moules pour injection plastique. Le domaine des moules est très technique, les pièces étant de très haute précision. Je découvre alors que mes connaissances techniques et mécaniques acquises au lycée contribuaient énormément à mon travail de traducteur. Je me suis donc senti très à l’aise sur ce sujet, ne serait-ce par exemple parce que je comprends les dessins techniques. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à voir quel chemin professionnel je devais suivre. Je me disais que j’avais intérêt à interpréter des sujets que mes confrères ne pouvaient pas prendre parce que trop techniques. Depuis, je participe à des missions de plus en plus compliquées, par exemple la formation pendant laquelle on apprend à lire en français les dessins techniques ou encore l’installation de machines aux capteurs optiques. Mon créneau professionnel est désormais bien établi. Je ne compte plus les séances d’interprétation abordant les sujets pointus, comme le disjoncteur de chez Schneider Electric, l’avion de chasse Alpha Jet de chez Dassault, la remotorisation des locomotives avec la SNCF Internationale, ou la mise en place du système de traçabilité informatique pour les crevettes noires du Département de la pêche.

 

Êtes-vous devenu francophile ou restez-vous seulement dans un rapport professionnel avec les Français, la France et les valeurs qu’elle incarne ?

 

Je suis francophile. Je vis avec la langue française. Je regarde la télévision française tous les jours, j’écris, je lis et je rêve même parfois en français ! C’est une partie de ma vie et la plus grande partie de mon travail. Personnellement, je crois que la langue est une arme puissante dans la mondialisation. Et le français est devenu mon « arme d’acquisition massive » des informations et des connaissances à partir de sources autres qu’anglophones.
Je souhaite que les jeunes Thaïlandais se rendent compte de l’intérêt d’être polyglotte. C’est dans cet esprit que j’ai créé un site de renseignement informel (bonjourajarnton.com) voici cinq ans pour promouvoir l’usage des langues, surtout le français et l’anglais. Il contient des règles grammaticales françaises simplifiées, des textes en français et leur traduction en thaï, l’histoire générale de la France et des articles académiques rédigés en français.
Par ailleurs, j’ai rédigé un livre s’intitulant
«Comment devenir un interprète professionnel ». J’y explique la théorie de la traduction, la préparation, les techniques, les précautions à prendre, mes expériences, les bonnes et les mauvaises, les solutions face à des situations imprévues. Mais, hélas, et paradoxalement, il est plus facile d’écrire un livre de deux cents pages que de trouver une maison d’édition !

 

Quels types de missions acceptez-vous ?

 

En fait, je développe trois pôles d’activité. Je suis tout d’abord traducteur et interprète spécialisé dans le domaine technique, industriel et agricole. J’assure l’interprétation consécutive et simultanée en français/thaï pour plusieurs organismes publics et privés, comme le Département de la propriété intellectuelle dans le projet AOC-IGP (Appellation d’Origine Contrôlée-Indication Géographique Protégée). Il a pour but de protéger les agriculteurs de l’usurpation de nom de produits bien reconnus. Si l’AOC est très stricte et très française, l’IGP en est une version adaptée et moins sophistiquée. Cependant, les grandes démarches sont pratiquement les mêmes que l’AOC comme pour le Champagne, le Cognac et le Comté. Le gouvernement français, en passant par le ministère de l’Agriculture, a aidé le Département thaïlandais de la propriété intellectuelle à mettre en place le système d’identification des produits « IGeables », la procédure d’enregistrement et le contrôle. La loi sur l’indication géographique est entrée en vigueur en 2003 et depuis, plus de quarante produits agricoles et d’artisanat sont enregistrés, comme par exemple le pamplemousse de Nakornchaisri, la soie Praewa de Kalasin, le riz parfumé de Tungkularonghai. Ce dernier a été récemment enregistré au niveau de l’Union Européenne.

 

J’assure aussi l’interprétation pour les grandes entreprises françaises comme l’Oréal, Sisley, Snecma Moteur et je fais depuis plus de dix ans la traduction des textes pour le French Technology Press Office et Ubifrance, un organisme gouvernemental français accompagnant les entreprises dans le développement à l’export. Grâce à ce travail de traduction, je connais désormais très bien l’innovation Made in France dans les domaines phares du pays que sont l’agriculture, la technologie et la gestion de l’environnement.

 

Ma seconde activité est l’enseignement.

 

J’assure les cours de traduction au niveau licence et maîtrise dans cinq universités, dont Silpakorn et Thammasat. Grâce au travail d’interprétation et à plusieurs rencontres professionnelles, je développe ma troisième activité : le consulting. Je mets mon réseau professionnel, surtout dans le secteur industriel, au service des hommes d’affaires de toutes nationalités qui souhaitent s’implanter en Thaïlande. Et pour enrichir mes connaissances dans le monde des affaires, je suis un programme de master en marketing spécialisé en communication et énergies renouvelables, pour mieux accompagner les entrepreneurs étrangers.

 

Pourquoi ces deux domaines, communication et énergie renouvelables ? Est-ce parce qu’il y a un marché en Thaïlande qui se développe ?

 

La communication en marketing est un élément très important dans la démarche de commercialisation des produits. Je souhaite connaître en profondeur le comportement des consommateurs thaïlandais pour bien interpréter ou mieux donner des conseils sur le plan marketing.

 

Quant à l’énergie renouvelable, c’est devenu un sujet prioritaire pour la Thaïlande. Nous avons adopté un plan stratégique qui fixe comme objectif à atteindre, que, dans dix ans, 25% de l’électricité produite le soit à partir de solutions vertes comme la biomasse, l’éolien et le solaire photovoltaïque. Les études de la gestion de l’énergie me permettent non seulement de comprendre les projets pour lesquels je travaille actuellement comme interprète (par exemple le projet d’une centrale biomasse à Petchaboon) mais aussi de me lancer directement dans le domaine de l’énergie qui est l’un de mes centres d’intérêt depuis mes études en France.

 

Votre métier vous place au carrefour des cultures thaïe et française. Comment vivez-vous cela ?

 

On dit souvent de l’interprète que c’est une sorte de « médium ». Au-delà de la traduction, l’interprète doit être capable de saisir et de s’adapter à la psychologie de ses clients. Et là, forcément, les différences culturelles pèsent, y compris sur des détails. Par exemple, les Thaïlandais grignotent tout le temps : dans la voiture, dans la salle de réunion… Les Français mangent du riz avec une fourchette. Les Français sont plus logiques dans la nourriture, car ils goûtent avant de dire « non, je n’aime pas », tandis que les Thaïlandais font le contraire. Et ils disent « oui » quand ils ne comprennent pas ! L’interprète est parfois obligé de jouer le rôle d’ambassadeur biculturel en quelque sorte.
Mais je dois admettre que les Français font plus d’efforts que les Thaïlandais pour comprendre l’autre. Par exemple, les Français sont prêts à pratiquer le wai, cette façon de saluer « à la thaïe », mais les Thaïlandais hésitent à faire des bises !

 

La langue française est-elle difficile à traduire?

 

Dans l’expression orale, il est plus facile de traduire les Français parce que vous vous exprimez de façon plus structurée. Et l’interprète peut choisir la traduction juste parce que l’idée est bien claire. Par contre, les Thaïlandais s’expriment de manière plus vague avec des termes flous, ni oui ni non, et cela complique la traduction. Disons que les Français sont parfois trop clairs et les Thaïlandais trop opaques. Trop clairs, parce que les Français refusent de dire oui quand ils ne le veulent pas. Et s’ils font le contraire, ils se sentent hypocrites. Mais la vérité crue choque les Thaïlandais qui, par leur nature, cherchent le compromis avec le terme souvent entendu « ça va », et on ne sait pas trop si cela veut dire « ça va oui » ou « ça va non ». Alors pour conserver le bon déroulement d’une discussion, je recommande une précaution importante à mes clients : les Français doivent « adoucir » leurs arguments pour éviter les mauvaises réactions et les Thaïlandais doivent apprendre à savoir « trancher » pour limiter le « ni oui ni non » qui fait perdre du temps à leurs interlocuteurs.

 

Par rapport à d’autres nationalités, les Français sont-ils plus aptes à s’accommoder de la culture thaïe ou bien ont-ils les mêmes handicaps ?

 

S’il s’agit de la culture générale, qu’ils soient Français ou pas, mes clients ont presque tous les mêmes capacités d’adaptation. Je trouve que les gens qui voyagent à l’étranger sont déjà très ouverts à la diversité culturelle. Donc, ils sont prêts à goûter de nouveaux plats, assister à des cérémonies rituelles et apprécier la mode de vie locale.

 

Mais si on parle de la culture de travail, alors là, chacun est différent et plus ou moins apte. Comme je le disais précédemment, les Français ont l’habitude de tout calculer dans les moindres détails. Pour les Thaïlandais, cela est perçu comme un défaut, celui de
«compliquer les choses ». Des fois, vous oubliez d’expliquer vos raisons : par exemple pourquoi avez-vous besoin de certificats de matière, de certificat d’origine, de preuve écrite des tests ROSH, et une dizaine de papiers juste pour une bobine d’acier ? Si pour les Français, cela semble naturel, pour les Thaïlandais, c’est surnaturel ! Je finirai par ce conseil : expliquez lentement et clairement pour que les Thaïlandais voient la nécessité de « compliquer » et quand ils comprennent que « compliquer » veut dire « sécuriser », ils vous suivront.

Propos recueillis par Frédéric Prouteau

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