Les Thaïlandaises ont le jet d’eau facile. Ce n’est pas Gavroche qui l’écrit, mais notre ami et chroniqueur Patrick Chesneau. Alors, prêts ?
Les Thaïlandaises arrosent Songkran
par Patrick Chesneau
Succédant à trois ans de pandémie, le nouvel an thaï a donc repris tous ses droits en cette année 2566. Stupéfiante résurrection. Songkran, de son nom thaï, c’est aussi la fête de l’eau. Pendant trois jours, du 13 au 15 avril, une liesse inédite a submergé le Royaume de Siam. Moment cathartique après une diète si éprouvante et trop de privations.
Pour prendre la bonne mesure de ce déferlement de joie d’un bout à l’autre du pays du sourire, il fallait prendre un parti délibéré : Observer les thaïes, essentiellement de très jeunes femmes, les pétulantes “thai girls”, immergées corps et âme dans la fête. La magie de cette gigantesque sauterie leur doit beaucoup. Rituel bien établi, préfigurant un scénario identique à l’avenir. Appelons cela la tradition. Dans les rues, au cœur des foules humectées, elles se transforment par milliers en amazones suréquipées : gros barillet, gâchette sans pitié. Créatures aux yeux revolver, elles arrosent en circumnavigation. Retranchées derrière leur minois en amande, elles déclenchent de mémorables tirs de barrage et mouillent abondamment quiconque zigzague dans leur champ d’ablution. Éclaboussent en priorité leur gibier favori. Chez les mâles, nul n’est à l’abri. En cas de drague lourde, un ostensible malotrus verrait ses ardeurs immédiatement douchées. Salves vengeresses. Par grappes amphibies, les sylphides d’Orient évoluent sans retenue et, à leur façon, écrivent un récit où se mêlent tradition et modernité, jubilation et sensualité. Elles sont les amazones très émancipées des rassemblements géants de Songkran. En première ligne dans ce qui ressemble à un mouvement de houle perpétuel. Sorte de déferlante sur la ville. On dirait le peuple à marée haute. Au beau milieu de l’exaltation générale, aucune mer démontée ne saurait les arrêter. Ont-elles appris à surfer sur la crête des vagues ? Elles sont une lame de fond et amènent avec elles, les embruns du grand large. Cambrure voluptueuse, pantelantes dans leur chorégraphies enfiévrées. On les voit ainsi s’esbaudir, tressaillir, se déhancher, exulter, danser, palpiter, chalouper. Rires en cascades et minauderies facétieuses entre les kyrielles de gouttelettes déversées. Comme des bonbons acidulés en train de fondre sous la pluie. Pour un peu, une coulée de rimmel deviendrait vite attendrissante. Ces naïades émoustillées dégoulinent en totale impudeur. En plein mois d’avril, moment du flirt avec les 40°, elles se découvrent d’un fil, puis de deux, et brusquement tout y passe jusqu’à une expression corporelle parfois très minimale. Sous les corsages détrempés, pointent les petits seins mutins. Fruits de saison au port altier. Une si espiègle innocence dans les jeux de la séduction. A jet continu, la vérité mise à nue. Pendant trois jours d’affilée, les thaïes ont été une intarissable source de bonheur. Distribuant l’allégresse en tourniquet. Il fallait avoir l’âme bien trempée pour leur résister.
Patrick Chesneau