Notre ami et chroniqueur Patrick Chesneau scrute la Thaïlande qui vit autour de lui. Et dès l’aube, chaque matin, ses pas rencontrent ceux de la colonne en robe safran…
Par Patrick Chesneau
Une colonne safran avance à pas mesurés. Ce pourrait être n’importe où dans ce somptueux Royaume. Spiritualité matutinale. Les bonzes en file indienne entament leur tournée des offrandes. Une progression lente. La respiration épouse l’alignement des pas. L’objet n’est pas la conquête du nirvana. Pour autant, se déroule, selon un rythme immuable, un moment privilégié aux yeux de nombreux thaïs. Il coïncide avec une certaine élévation de l’âme. Les hommes en robe de couleur vive cheminent en silence, s’interrompant seulement pour dispenser quelques psalmodies de réconfort. Comme une sanctification des fidèles accordée par Bouddha. Tout, à cet instant, est placé sous les auspices d’une maïeutique de la foi, toujours incandescente en dépit de l’effet répétitif du quotidien. La religion anoblit le cœur et connecte au cosmos, autant en milieu urbain saisi d’une inextinguible fringale de consommation qu’au plus profond de la ruralité siamoise.
En famille, on tient à honorer les moines, novices ou vétérans, dont la déambulation recueillie imprime un tempo essentiel dans l’ordonnancement des jours et des nuits. Le geste est celui du partage. Chacun donne aux hommes de la liturgie ordinaire de quoi accomplir leurs deux repas maximum par tranche de vingt quatre heures. A 7 heures et midi. Évidente frugalité même si la nourriture est rituellement érigée en don inestimable. En retour, chacun obtient compassion et rétribution morale. En pays bouddhiste, s’adonner aux mérites (tham boon sai bat, make merit offering food) est la condition impérative d’un bon karma. Ainsi va la vie de ce peuple d’Orient pénétré de rites initiatiques depuis l’aube des temps.