Au Pays du sourire, il existe neuf temples bouddhistes avec des « Jardins de l’enfer » : Chon Buri, Ang Thong, Ayutthaya, Phatun Thani, Suphan Buri, Phitchit, Chiang Raï, Phang Nga et bien sûr Sukhothai. Ces jardins, qui mélangent bouddhisme, mythes, et croyances populaires, sont surtout fréquentés par les thaïs. Ils voient peu de touristes étrangers, et c’est dommage car ils valent le détour. Celui du Wat (temple) Thawet a inspiré à Michel Hermann une nouvelle Chronique de Sukhothai. Bonne lecture donc.
Femmes à tête de buffle, corps nus émaciés,
Mères éplorées enfantant de gros vers de terre,
Pécheurs aux viscères tombant sur un sol souillé,
Mains jointes, ils veulent tous sortir de cet enfer.
S’ils sont tombés là, c’est qu’ils l’ont bien mérité :
Mères indignes et pécheresses, criminels
Et voleurs, attendent le jugement dernier.
Les graciés, échapperont à ce sort cruel.
Les hommes de bien rejoindront le paradis,
Et renaîtront dans des créatures de bien,
Accomplissant un nouveau cycle de la vie.
Ainsi va le bouddhisme chez les terriens.
Ces étranges sculptures terminent un parcours
Initiatique imaginé par un moine
Il y a quarante-trois ans. Cela vaut le détour,
Car, dans le jardin du Wat Thawet, il émane,
Au milieu de toutes ces représentations
Allégoriques du bien et du mal, un réel
Parfum de sérénité ; magique potion
Qui nous plonge dans un monde surnaturel.
Plusieurs groupes de statues créent des tableaux
Brassant mythes et réalité de la vie
De Bouddha : sorte de conte de fée mélo
Où, entre ciel et terre, reines, rois et bannis
S’évertuent à séparer l’ivraie de la graine.
Un ballet de sculptures blanches ou bariolées,
Dans une progression savamment mise en scène
D’animaux, d’humains et de juges attristés,
Conduit le mortel jusqu’à la pesée des âmes.
Ce « Jardin de l’enfer » et de la connaissance,
Avec ses éléphants et son bourreau infâme,
Ses cruautés, ses splendeurs et ses renaissances,
Est un émerveillement pour l’œil et l’esprit.
Situé près de la rivière Yom, au nord
De Sukhothai, ce fameux temple fait partie
Des neuf « Jardins de l’enfer » aux mêmes décors
Que compte la Thaïlande. Son fondateur
Est décédé il y a vingt-quatre ans. Des artistes
Européens viennent poursuivre ce labeur.
De temps à autre, peintres, sculpteurs, stylistes,
Passent quelques mois en ce lieu, à méditer,
Restaurer, créer, et compléter cet ouvrage.
Grâce à eux, ce jardin, mystérieux et sacré,
Nous fascine avec ses légendes sans âge…
Michel Hermann