Autrefois en France et ailleurs, les funérailles étaient l’occasion de retrouvailles familiales et amicales. Entre pleurs et rires, cela se terminait par un grand festin en l’honneur de la défunte ou du défunt. Ce temps-là n’est plus. Heureusement, dans les campagnes thaïlandaises, la tradition se perpétue, et ces funérailles prennent souvent un air de fête que vous dévoile Michel Hermann dans cette Chronique : Thung Saliam, : Quelles funérailles !
Fallait-il en rire, fallait-il en pleurer !
Mais ces funérailles avaient un air de fête.
La musique « Luk Thung », vous prenait la tête,
Tellement populaire, bruyante et rythmée.
Car la défunte, à la gaîté notoire,
Avait, de son vivant, voulu qu’une musique
Joyeuse, dansante, rurale et tonique
Accompagne sa dépouille au crématoire.
Vaincue par un cancer, Khun Sri était partie
Paisiblement chez elle, à soixante-douze ans.
Avant l’issue fatale, l’hôpital, prévoyant,
L’avait rendue aux siens, où elle finit sa vie.
Le village était là ; ça faisait du monde,
Tous habillés de noir. Grande prêtresse
Des lieux, -ici du Temple-, l’avisée mairesse
S’agitait, avec sa naturelle faconde.
Car il fallait nourrir la nuée de fidèles
Venus en nombre, avant la cérémonie.
Il y avait les aînés, les notables aguerris,
Les rondes paysannes, et bien sûr les Belles…
Dans ce monde rural, ces funérailles
Étaient l’occasion bienvenue et festive,
De réunir famille, amis et convives,
Parfois venus de loin, pour des retrouvailles.
En attendant les bonzes dans leur robe safran,
La foule se goinfrait, évoquant le passé
De la disparue, ses frasques et ses amitiés,
Souvenirs embellis et souvent hilarants.
Enfin le ventre plein, une fois rassasiée,
Elle put participer à la cérémonie
Funéraire : psaumes bouddhistes en « pali »
Répétés par les bonzes, jambes repliées,
Qui tenaient à la main le Saï Sin, fil sacré
De coton blanc. Après l’éloge funèbre,
Puis les donations, le cercueil de la célèbre
défunte, chargé sur un corbillard doré,
S’élança en direction du crématoire.
A Thung Saliam, le cortège précède
Le corbillard, bonzes en tête. On procède
Ainsi depuis des lustres, et de mémoire
Collective, personne ne sait pourquoi !
Bonzes, foule et corbillard orné, reliés
Par le Saï Sin, tournèrent trois fois d’affilée
Autour du crématoire, dans un brouhaha
Bon enfant, et dans le sens anti-horaire.
Des pièces de monnaies étaient jetées aux bambins
Qui couraient en riant, pour glaner leur butin.
Le cercueil fut placé dans un espace ouvert
En haut du crématoire afin que chacun
Pût y déposer encens et fleurs en papier,
A défaut de bois de santal, utilisé
Dans l’ancien temps pour incinérer les défunts.
Puis vint l’heure funeste de la crémation :
Les proches larmoyèrent avec retenue,
Les autres prièrent pour la disparue,
Les robes safrans psalmodièrent à l’unisson.
La fumée de l’incinération dissipée,
La musique « Luk Thung » reprit de plus belle.
La page était tournée et la fête réelle ;
Et chacun s’en alla, joyeux et l’âme en paix…
Michel Hermann
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