Notre ami Patrick Chesneau s’attaque dans cette chronique à un sujet qui concerne tous les visiteurs : Comment découvrir la Thaïlande ? Partir à l’improviste ? Relever les défis de l’inconnu ? Tenter l’ « inopiné » ? L’improvisation permanente ? Ou, à l’inverse, faut-il privilégier une préparation tatillonne, sorte de planification exagérément méticuleuse ? Ne rien laisser au hasard ? Tout anticiper dans le moindre détail ? Question de première importance si on la place en vis à vis d’un phénomène très répandu depuis que Google, Facebook, Instagram, Line ou Tik Tok et cie font partie intégrante de nos vies suspendues à une pluie de clics quotidiens.
Par Patrick Chesneau
La plupart des candidats à la découverte d’horizons inédits semblent de nos jours gravement dépourvus d’une denrée essentielle, l’esprit d’initiative. La débrouillardise leur est à peu près étrangère. Ceux-là, tels des adolescents désemparés, expriment sans détour une demande d’assistanat. Non pas de l’aide, des conseils, des recommandations, des bonnes combines et des tuyaux pas percés. Autant de requêtes parfaitement normales. Non… leur exigence est d’être carrément biberonnés, pour ne pas dire maternés à chaque étape du futur plan d’action qu’ils ne peuvent définir par eux-mêmes. Incapables de la moindre autonomie. Les réseaux dits sociaux leur servent alors de béquille. Suffisant pour ne pas claudiquer comme un pingouin frappé d’ivresse ?
C’est le genre de question qui fleurit sur le net. Une éclosion spontanée envahissant littéralement la toile mondiale. Style niaiseux garanti. Ici, un extrait d’anthologie : ” Je suis à Bangkok et j’aimerais allez dans les îles au sud. Comment je mi’y rend et quelle îles faire avant tout ? “.
La réponse circonstanciée à une telle demande de radioguidage est plus délicate qu’il n’y paraît. Jouer le jeu revient en fait à se lancer dans un exercice de pilotage par procuration. Voyons tout de même, histoire d’être sympa. Comment se rendre dans le sud ???? Wow… question redoutable…….Convenons qu’il y a là de quoi se perdre en conjectures. Après des heures de recherche et mûre réflexion, une piste semble se dégager. Avec un défaut congénital qui est de ne pas exclure la perspective peu enviable de l’embarras du choix. Osons un premier indice.
Direction le Sud
Pour aller au sud, tout d’abord, il faut tracer plein sud….Pai thalee. Cap sur la mer. Au choix, l’aspirant explorateur (beaucoup plus aspirant pour le moment) peut prendre la route (à lui de voir quel type de véhicule lui agrée au mieux, rot tua ou rot thuu, autocars ou vans ?). Ou sauter dans un train-couchettes SRT (State Railway of Thailand) depuis la toute nouvelle gare géante de Bang Sue direction Surat Thani ou Krabi avec halte à Prachuap Khiri Khan, Hua Hin ou Chumphon. Notre Savorgnan de Brazza digital peut aussi préférer l’avion au départ de Suvarnabhumi Airport ou Don Mueang si la fréquentation des nuées l’enthousiasme au plus haut point (Thai Airways, Air Asia, Bangkok Airways, Lion Air ou Nok Air pourvoiront à ses désirs d’élévation spirituelle). La Thaïlande à tire d’ailes. Laissons provisoirement de côté une pérégrination en mode éléphant car c’est ici l’occasion de le réaffirmer. Il y a lieu de proscrire définitivement les balades à dos de pachydermes. Cela nuit gravement à leur santé physiologique. Cela étant, notre Livingstone des temps numériques pourrait avantageusement, s’il a le pied marin, emprunter plusieurs bateaux. Navigation ponctuée de tronçons à la nage. Mieux vaut avoir l’autorisation préalable du chef des requins. S’adresser à une officine estampillée ” shark loan ” (shark = requin en anglais mais là, il s’agit de monts-de-piété à la sauce thaïe). Avec toutes les précautions d’usage sachant que barbotent en ces lieux plutôt glauques des prêteurs sur gage patibulaires mais presque.
Quelles îles choisir ?
Autre question : ” quelles iles faire ? ” est-il benoîtement demandé. C’est là que les choix multiples commencent véritablement. Un vrai casse-tête oriental pour Farang catéchumène. Il y a des centaines de joyaux perchés sur la crête des flots en plein golfe de Thaïlande ou dans les replis bleu indigo de la mer Andaman. Il faut les repérer, les répertorier, et dans un premier mouvement, les cartographier mentalement. Lister, trier, choisir. Se lancer à corps perdu dans une pêche miraculeuse. Quel échantillon de paradis remonter dans ses filets ? Préparatifs exaltants mais travail de longue haleine. S’il s’agit d’iles entourées d’eau avec des plages de sable immaculé en circonférence, voilà qui complique les manœuvres d’approche car il faut impérativement y aller à marée haute. Plus facile pour s’amarrer. Pas de quoi se marrer si on tient à répondre sérieusement. Tâche inévitable : en sélectionner une qui consente à se laisser marcher dessus. En clair, qui accepte de se faire fouler au pied pendant la phase excursion et randonnée. Tout en se méfiant des sentiers battus qui peuvent, à tout moment, porter plainte pour maltraitance touristique. Ce peut donc être n’importe quelle ile, au hasard, à la condition qu’elle ressemble comme deux gouttes d’eau salée à ses congénères, c’est à dire toutes les autres. Cette similarité des rivages peut paraître rassurante puisqu’elle fournit aux détenteurs de budgets ultra minceur l’avantageuse impression de les avoir toutes arpentées d’un coup d’un seul. Économie de moyens et gain de temps. Gare toutefois à certaines iles dont on dit volontiers qu’elles ont un profil difficile à cerner. Comment en faire le tour sans être gagné par l’ennuyeuse impression de tourner en rond ? En guise d’approche amicale, les entourer de mille précautions est un préalable indispensable. Faire preuve de maints égards. Ce climat comportemental étant synonyme de respect. Courtiser langoureusement leur lagon généralement si peu profond est une amorce de conduite recommandée. Priorité absolue : veiller à un ratio élevé de cocotiers. Tronc commun mais palmes plus ou moins académiques. Ce qui oblige le bidochon mitrailleur compulsif à déployer un talent digne d’un fin gourmet à l’heure du repérage. Car un tel décor est incontournable pour toute flopée de selfies et enfilades de vidéos à finalité narcissique. Savoir dénicher, dans cette profusion d’écrins, un radeau végétal enchanté. Celui qui apprendra à conjuguer toutes les expressions du farniente. La beauté comme trait d’union à ces copeaux de grâce négligemment disparates. Certes, leur ressemblance est frappante, en même temps que ces merveilles de la nature sont dotées chacune d’une personnalité originale. Les raisons exactes de ce foisonnement des ambiances et des microclimats échappent à l’entendement ordinaire des primo-visiteurs. Sans que cela porte le moins du monde à conséquence dans leur rapport dionysiaque au biotope environnant. On notera que certaines stars, distinguées par les guides touristiques se croient plus aguichantes que d’autres, telles un dessert dans un menu vacances. Ce sont les iles flottantes. Périlleuses à localiser. Parfois, elles dérivent par rapport à leur emplacement initial sur une carte.
Diversité ou unicité ?
Alors, qui que quoi prime dans le tableau d’ensemble ? La diversité ou l’unicité ? Comparaison ardue. Faut-il tenter une généralité ou s’en dispenser ? Il est dans la nature profonde des voyageurs circonspects d’avancer sur des œufs. En revanche, les sans gêne malotrus, eux, sont en terrain conquis où qu’ils aillent. Quelles que soient les circonstances, ils piétinent sans vergogne et détériorent à coups de métatarse vengeur. Tout retour d’expérience sera donc apprécié à sa juste valeur tant l’ex-royaume de Siam foisonne de pépites offertes par une géologie prolifique. Quant au bourlingueur intrépide ne reculant devant aucune question, aussi naïve ou maladroite fut-elle, nul doute qu’il est mieux armé désormais pour relever les innombrables défis de ses tribulations.
Patrick Chesneau