Mardi 9 décembre 2008. A peine Somchai Wongsawat et son gouvernement renvoyés à leurs études que la bataille pour le pouvoir a repris. Mais cette fois, le théâtre des opérations n’est plus la rue ni la couleur du maillot. La victoire va se jouer en coulisses. Oubliés les ennemis jurés, les familles politiques soudées, les valeurs morales, les électeurs aussi : place à la défection, à la trahison, au chantage, au « libertinage » : dans les jours à venir, les politiciens de tout bord vont tenter de se glisser dans le bon wagon, celui qui les propulsera dans des fauteuils ministériels.
Autant dire que dans cette course au pouvoir, tous les coups sont permis. La partie de poker menteur qui s’est engagée ne se terminera que le jour de l’élection d’un nouveau Premier ministre par le Parlement, prévue «au plus tôt» ce vendredi. D’ici là, on peut s’attendre à quelques croche-pattes bien placés.
Si le parti Démocrate, étiqueté jaune kaki, a aujourd’hui la faveur des pronostics, le Puea Thai (ex-PPP) rouge n’a pas encore perdu, malgré les défections annoncées, dont celle des «amis de Newin», ancien fidèle lieutenant de Thaksin qui contrôle une trentaine de députés.
A ce jeu, le lobbying exercé sur les leaders des partis mineurs afin de s’assurer leur allégeance est intense, car ils peuvent faire basculer une majorité. Le Puea Thai a d’ailleurs annoncé qu’il ne présenterait pas de candidat pour briguer le poste de Premier ministre, mais laisserait ses partenaires de coalition choisir le leur. Ce qui a sûrement dû titiller les oreilles de vieux loups comme Snoh Thienthong (Pracharat party) qui a reçu la visite amicale de Yongyuth Wichaidit (Puea Thai). Un repli stratégique destiné à s’assurer que la PAD ne ressortira pas les armes si le prochain Premier ministre est «trop rouge», mais aussi à contrer le populaire Abhisit Vejjajiva, candidat désigné de la coalition jaune. Ce qui n’exempt pas le leader du Parti Démocrate d’aller faire lui aussi les yeux doux à d’autres leaders. Mais les bouquets de roses importés de Hollande ne seront sûrement pas suffisants pour convaincre un Banhran Silpa-acha (ex-Chart Thai) ou un Somsak Thepsuthin (ex-Matchima Thipataya) qui choisiront leur camp en fonction du fauteuil ministériel qu’on voudra bien leur attribuer.
Pour la première fois depuis l’arrivée des rouges en 2001, le clan Thaksin, qui avait jusqu’alors écrasé ses adversaires politiques, risque de perdre le pouvoir. Mais la victoire des jaunes – si victoire il y a – pourrait être de courte durée. Les élections partielles destinées à remplacer les députés qui ont perdu leur éligibilité risquent de faire basculer une majorité sans grande marge de manœuvre. Il reviendrait alors aux électeurs – réduits à de simples spectateurs par leurs représentants – de choisir leur camp. En attendant de savoir s’ils continueront ou non à voter rouge, le pays risque de naviguer encore pour un long moment en eaux troubles.
Philippe Plénacoste