Les manœuvres gouvernementales et individuelles se multiplient pour faire de la Thaïlande une destination verte. Réelles volontés éthiques et politiques, ou simple effet de mode? Le pays semble vouloir modifier en profondeur son offre touristique. Oui, mais à quel prix ?
13h, dans le quartier de Phra Nakon, à Bangkok. Niché au coeur du minuscule soï 1 de Thewet, un hôtel écologique répondant au doux nom de Phranakorn-Nornlen (« faire un somme au centre-ville » en thaï).
Ici, ni télé ni frigo dans les chambres, et encore moins de légumes dopés aux pesticides dans les assiettes.
C’est là que Sophie et Tabitha, deux vacancières françaises, ont choisi de poser leurs valises pour visiter la capitale. L’endroit leur avait été vanté pour son côté tranquille au milieu de l’agitation bangkokoise.
« Nous avions envie d’un lieu reposant après une longue journée passée à sillonner la ville. Car Bangkok est une mégalopole un peu stressante, donc la verdure présente ici à un effet apaisant », explique Tabitha.
Avant d’en pousser la porte, la jeune infirmière ne savait rien de la philosophie environnementale en place dans cet hôtel.
Pourtant, ce concept, elle y adhère.
Cette vision-là colle avec sa façon de voyager.
« Il est important pour moi de respecter le pays visité, tout comme ses habitants », précise-telle.
Et c’est justement ce tourisme-là que souhaite valoriser Varisara Leeteerakul, la propriétaire de l’hôtel.
Cette ancienne présentatrice de jeux télévisés a tout largué en 2003 pour se consacrer à la préservation de la nature et des richesses culturelles thaïlandaises.
Pour cela, elle et son mari ont créé l’association Rabbit in the Moon (voir encadré) pour tenter de limiter les dégâts du tourisme sur les populations locales.
Puis, en 2005, elle confie les rênes de l’ONG à son époux pour ouvrir cette maison écologique. « Cela nous a permis de continuer à mettre en application nos convictions tout en gagnant un peu d’argent », ditelle.
Et, depuis deux ans, son carnet de réservation se remplit à vitesse grand V. Sa clientèle ? Peu d’Américains, quelques Australiens, mais surtout beaucoup d’Européens en mal d’authenticité tendance verdure.
Certifié « vert » par le Label Green Leaf (voir encadré en page 39), son établissement est représentatif de ces nouvelles destinations dont le ministère du Tourisme dit vouloir faire la promotion.
Mais si Varisara est convaincue de l’utilité de son combat, elle a pourtant du mal à croire en la sincérité des intentions de la Tourism Authority of Thailand (TAT).
« Je crois que leur souci premier est d’attirer toujours plus de nouveaux visiteurs en profitant de l’effet de mode », explique-t-elle.
15h, Queen Sirikhit Convention Center, dans le quartier de Khlong Toey.
Tous les membres de la TAT se sont mis sur leur 31 pour ce meeting en grande pompe sur fond de tourisme nouvelle version.
On a convoqué la presse, sorti les petits fours et peaufiné le contenu des discours.
Depuis deux ans, l’organe de promotion du tourisme thaïlandais met le paquet pour s’attirer les faveurs de touristes d’un genre nouveau : les écolos.
Son arme ? Le programme Seven Green Concept. Sept règles censées promouvoir le tourisme responsable, principalement en milieu rural.
Plus question de vendre uniquement de la plage, des temples et des centres commerciaux.
Cap désormais sur la découverte culturelle, la vraie.
Celle qui implique les communautés locales, dans le plus pur respect de leurs traditions et de leur environnement.
De l’authentique, rien que de l’authentique.
Tours opérateurs, locaux et touristes doivent travailler ensemble en ce sens.
Fini le tourisme de masse qui saccage aujourd’hui les côtes.
En tout cas sur le papier.
Ici, on cause coopération et prise en compte des spécificités locales.
L’idée est pleine de bon sens, et le discours séducteur.
Mais que dire des faits ?
Rien.
Enfin pour l’instant.
Car ce mouvement « vert » n’en est encore qu’au stade de la promotion.
On vend du green pour attirer des fonds et voir si le concept capte l’attention des touristes. « C’est un projet sur lequel nous travaillons depuis dix ans. Faire de la Thaïlande une destination éco responsable ne se fait pas en un jour.
Nous avons dû faire appel à des chercheurs, organiser des réunions de consultation avec tous les acteurs, et informer les communautés concernées.
Tout cela prend beaucoup de temps», explique Kulpramote Wannalert, responsable du programme Seven Green Concept pour la TAT.
Bref, ça sent la réunionite aiguë à plein nez, plus que la prise de conscience collective..
Balbutiements
« Il ne faut pas oublier que la TAT est une agence de communication touristique, et non un véritable levier politique capable de mettre en place les décisions » souligne Richard Werly, journaliste pour le quotidien suisse Le Temps.
Un organisme d’état dont il connaît bien les rouages, puisqu’il a fait appel à lui pour produire son premier guide sur le thème de l’éco-tourisme.
Une publication intitulée Thailand’s 50 Great Green escapes qui, comme son nom l’indique, dresse la liste des cinquante destinations considérées comme étant les plus éco responsables du pays.
Il faut dire que Richard connaît bien son sujet.
Déjà auteur de Travel Green Thailand, an ecotourism journey, il croit dur comme fer au potentiel du patrimoine naturel de ce pays qu’il côtoie depuis plus de vingt ans.
Mais, en la matière, la Thaïlande rame encore pour imposer sur ses terres ce nouveau mode de voyage.
« Nous en sommes seulement aux balbutiements, aux prémices d’un mouvement. C’est un virage qu’il va falloir que le pays sache négocier correctement pour ne pas reproduire les erreurs du passé », précise-t-il.
16h, quartier de Sathon.
C’est là que sont installés les bureaux de l’Institut de Recherche sur l’Asie du Sud-Est Contemporaine (IRASEC).
Donc, le point de chute de l’ethnologue Jacques Ivanoff lorsqu’il ne se trouve pas en vadrouille dans telle ou telle communauté du pays pour une étude.
Et lui, cette mode du tourisme vert, ça a plutôt tendance à le gonfler. Des Mokens et des tribus Long Necks réduits à l’état de zoos, il en a trop vus.
Alors ne venez pas lui faire le coup du tourisme responsable comme bénéfice pour les minorités ethniques : c’est peine perdue.
« Il s’agit juste d’un nouveau mot mais le concept demeure le même.
Faites entrer le tourisme au sein de villages jusquelà préservés, et toute leur vie quotidienne s’en trouvera désorganisée.
Finies les activités agricoles et finis les rites ancestraux, puisque priorité sera donnée à la gestion du touriste en visite », déplore-t-il.
Donc pas question de lui faire avaler la pilule du gentil thaïlandais faisant partager sa culture aux gentils étrangers en toute sérénité.
Ça ne marche pas. « Que les gens de la TAT aillent chanter leurs poèmes ailleurs.
Car, quand je vois ce qu’il reste de la culture Moken aujourd’hui, je ne peux pas cautionner le développement de ce tourisme-là », martèle-t-il.
Le sort de ces nomades des mers qui rime avec massacre ethnique (voir encadré), il n’en veut plus.
Satisfaire le chaland ne justifie pas tout, et l’authenticité vendue par la TAT ne présage, à ses yeux, rien de bon.
Même son de cloche du côté de Thai Craft, une association qui appuie les minorités ethniques en leur permettant de conserver leurs activités d’origine, tout en dégageant suffisamment de revenus.
Pour cela, cette ONG aurait pu faire le choix d’emmener les clients potentiels se balader dans les villages.
Mais non.
Elle a préféré préserver ces derniers en créant un marché équitable, organisé régulièrement dans la capitale.
Cela leur donne le pouvoir financier de conserver leur mode de vie, sans pour autant subir les ravages d’intrusions massives au quotidien.
« C’est le seul moyen de conserver les traditions du pays. Sans cela, c’est tout un pan de l’identité thaïlandaise qui s’en ira », dit Stephen Salmon, président de Thai Craft.
Informer les communautés
« C’est justement pour que ce genre de choses n’arrive pas que nous travaillons en partenariat avec plusieurs associations de terrain, comme par exemple Community Based Tourism Institute (CBT-I) », assure Khun Kulpramote. Une micro structure de sept personnes qui travaillent activement à l’éducation d’environ 80 communautés locales, principalement dans la province de Chiang Mai, l’une des régions phares du projet vert pensé par la TAT.
« Le but est de leur donner des armes pour leur éviter de céder aux sirènes des tours opérateurs. Pour qu’ils apprennent à être fiers de leur culture et soient capables d’exiger une juste rémunération de leur prestation », précise Potjana Suansri, la directrice de CBT-I.
Mais la tâche est compliquée et l’ampleur du travail bien lourde à porter pour une si petite équipe. Informer les locaux, les mettre en relation avec les professionnels, négocier les projets avec la TAT : pas facile de jouer sur tous les tableaux. « Pourtant, les choses avancent dans le bon sens », affirme Khun Potjana.
Car depuis des années, l’association milite pour le développement d’un tourisme plus respectueux. Un discours qui, jusqu’à très récemment, semblait tomber dans l’oreille d’un sourd.
« Désormais, nous sommes conviés aux meetings organisés par la TAT et avons la possibilité d’échanger avec les professionnels, ce qui n’était pas le cas auparavant », constate la directrice du CBT-I.
Forte de ses convictions, cette quadragénaire collabore notamment avec la Thai Ecotourism and Adventure Travel Association (TEATA).
Une cinquantaine de membres pour un groupement d’hôtels et de prestataires de service criant haut et fort leur souci de l’environnement.
« Mais cela reste une association de professionnels qui souvent doit se plier aux lois du business », souligne Khun Potjana. « Je crois que la TAT se sert de CBT-I comme simple argument de promotion, rien de plus.
Elle n’a que faire de savoir à quelle sauce seront mangés les habitants des communautés », fustige le président de Thai Craft. Car même si la Tourism Authority of Thailand et TEATA affirment vouloir mettre en place un système de contrôle régulier, personne n’est dupe.
Quels standards ?
En théorie, le projet comprend une visite du site tous les deux ans pour s’assurer que tout est fait dans les règles de l’art.
La présidente de TEATA, elle, affirme vouloir imposer ici de vrais standards écologiques, basés sur les normes en vigueur au niveau international.
« Nous travaillons en étroite collaboration avec les organisme de certification pour aider les professionnels à améliorer la qualité de leurs prestations », explique-t-elle.
Mais, là encore, la tâche est loin d’être simple.
En Thaïlande, le concept de préservation de l’environnement est encore trop frais pour faire l’unanimité.
« C’est un peu comme partir de zéro. Beaucoup d’établissements ne répondent à aucun des critères exigés », dit Pradech Payakvichien, président du label de certification Green Leaf.
La priorité est donc de les épauler dans leur progression, et non d’en faire de vrais temples du respect de l’environnement.
« Les mises aux normes coûtent cher et beaucoup rechignent encore à faire un tel investissement », précise-t-il.
Quant à ceux qui s’intéressent un tant soit peu à l’écologie, c’est bien souvent par pur consumérisme. « Ceux qui se disent « green » le sont d’ailleurs souvent uniquement sur le papier, l’effet de mode jouant à plein », insiste la présidente de CBT-I. Simple appât du gain ?
Bien souvent, oui.
Celui que leur fait miroiter l’hypothèse d’une clientèle européenne toujours plus nombreuse.
Ce précieux touriste qui a les moyens de dépenser des fortunes pour une papaya salad arrosée d’un Sex on the beach au bord de la piscine.
« Mais je crois que ce simple attrait financier peut, à terme, servir l’environnement du pays et modifier en profondeur son offre touristique », soutient Eléonore Devilliers, agronome et rédactrice de The Natural Guide Thailand.
Impliquer l’Europe
D’ailleurs, actuellement, les professionnels de TEATA travaillent sur un projet intitulé CSR-MAP. Financé à hauteur de 75% par l’Union européenne, l’initiative consiste à brosser le portrait géographique du tourisme vert en Thaïlande. Budget alloué ?
Plus de 10 millions de bahts pour huit mois de travail impliquant tous les acteurs précédemment cités.
Rendu des copies fixé au 1er octobre prochain.
« Nous espérons beaucoup de ce projet pour développer le tourisme européen ici », assure Khun Duangkamol, la présidente de TEATA. Pourtant, nombreux sont ceux qui restent sceptiques en la matière.
« L’offre proposée par la Tourism Authority of Thailand ne colle pas du tout avec la demande européenne », affirme le chercheur Jacques Ivanoff.
« Les vacanciers européens n’ont que faire du tourisme en milieu rural. Si le pays les séduit, c’est pour ses plages, son soleil et son coût de la vie. Donc, ça ne prendra pas », ajoute-t-il.
Selon lui, le pays manque trop cruellement d’infrastructures dans les zones concernées pour que le tourisme vert puisse s’y développer.
Quant aux fonds qui permettraient de remédier à cette carence, ils sont bien trop peu conséquents pour changer la donne. « C’est une niche, une part infime du tourisme. Les investisseurs n’accepteront jamais d’y engager la moindre bille », estime-t-il.
« Je ne suis pas certaine que les touristes soient prêts à se couper du monde en vacances, aussi éco responsables soient-ils », martèle Eléonore Devilliers.
« S’ajoute à cela la barrière de la langue. Hors de Bangkok, les guides anglophones ne sont qu’une poignée, et le gouvernement ne fait aucun effort en ce sens », pense Richard Werly, journaliste au quotidien suisse Le Temps et auteur de Travel Green Thailand.
« Comme les îles ont tendance à déborder, les autorités cherchent à développer de nouvelles destinations », souligne Jacques Ivanoff.
Une saturation totale du marché que personne n’aura l’audace de nier. En mai dernier, alors que l’aéroport de Bangkok accusait une perte de 20% en nombre d’arrivées, celui de Phuket, lui, enregistrait une hausse de visiteurs dépassant les 60%.
« Comme l’exotisme des plages devient difficilement exploitable, on tente le coup de l’exotisme rural », fait valoir Jacques Ivanoff. Ce nouveau concept serait-il pour autant complètement voué à l’échec ?
« Non. Je suis intimement convaincu que la TAT souhaite, par ce biais, développer le tourisme intérieur. Les Thaïlandais appartenant à la classe moyenne du pays sont très friands de telles destinations car, contrairement aux étrangers, les plages ne les intéressent pas », explique l’ethnologue.
Une intention dont la TAT ne se cache pas puisqu’elle brandit même l’idée comme le remède anti-crise.
Avec seulement 12 millions de touristes étrangers prévus en 2010, le pays bat des records de non-fréquentation.
Plus de 2,5 millions de visiteurs en moins au cours des deux dernières années. « Aujourd’hui, le décret d’urgence fait peur aux tours opérateurs européens, qui ne veulent plus prendre le risque d’envoyer leurs clients en Thaïlande», justifie Supavud Saicheau, chargé de recherche à Phatra Securities.
Le ministère souhaite donc désormais soigner son touriste intérieur face au vilain étranger déserteur.
Une première enveloppe de 350 millions de bahts a été confiée à la TAT pour lui permettre d’intensifier ses campagnes promotionnelles à destination des Thaïlandais.
Les citoyens du pays souhaitant partir en vacances peuvent désormais bénéficier d’un crédit d’impôt allant jusqu’à 15 000 bahts.
Aides également aux hôtels et tours opérateurs par le biais de prêts à taux réduits, de crédits d’impôt couvrant les frais associés à la participation de foires-expositions, ou encore d’investissement matériel.
Une redirection de la promotion touristique jugée complètement aberrante par les professionnels du secteur. « Nous préfèrerions que cet argent soit utilisé à la reconstruction de la confiance internationale, et non à la promotion de produits intérieurs », souligne Greg Duffell, directeur de la Pacific Asia Travel Association (PATA).
« Le but est trop commercial pour en tirer de vrais bénéfices environnementaux. D’après moi, c’est totalement contre-productif », surenchérit Siwapon Laolada, responsable d’Evasion Phuket et membre de PATA.
Paradoxe
Car, s’ils se disent séduits par les destinations vertes, les Thaïlandais n’en sont pas pour autant plus soucieux de l’environnement. « Quand j’annonce au téléphone que l’hôtel n’a ni télé, ni climatiseur, beaucoup de Thaïlandais annulent leur réservation. Ils ne sont pas encore prêts pour ce genre de tourisme », note Varisara Leeteerakul.
Le jugement est sévère.
Mais pas faux.
Ici, la préservation de l’écologie est une notion trop neuve pour avoir fait suffisamment de chemin dans l’inconscient collectif.
La jeune femme a d’ailleurs beaucoup plus de mal à faire passer son message aux habitants de son propre pays qu’aux étrangers de passage. « Certes, les Thaïlandais aiment les destinations rurales. Mais ils se soucient plus de savoir s’ils pourront y trouver suffisamment de bars pour faire la fête que de se renseigner sur la façon de vivre de ses habitants », ajoute sans ambages Varisara.
Un paradoxe que Pradech Payakvichien constate lui aussi quotidiennement. Président de l’organisme de certification Green Leaf, il sillonne les routes du pays pour transmettre aux hôtels un peu de ses croyances environnementales.
Selon lui, sa mission relève d’une vraie galère. « Beaucoup sont complètement hermétiques à la protection de l’environnement. Je suis alors obligé d’invoquer l’argument santé pour les inciter à bannir de leur placard les produits nettoyants toxiques, c’est vous dire », peste-t-il.
A l’en croire, les meilleures volontés du monde ne parviendront pas à inverser la tendance sans un réel engagement du ministère de l’Éducation.
Un avis largement partagé par Varisara et son mari, les fondateurs de Rabbit in the Moon. « Tant que l’écologie ne sera pas inscrite au programme scolaire des écoles primaires et secondaires, malheureusement, rien ne changera », soutient Varisara.
Éduquer est une chose.
Modifier les rouages touristiques en est une autre.
Mettre fin aux mauvaises habitudes accumulées au cours des vingt dernières années semble aujourd’hui bien difficile.
Peut-on alors toujours parler de destinations vertes (dans le vrai sens du terme) dans un pays qui a trop longtemps négligé ses diversités ? « Oui, principalement en Isan et dans la région de Chiang Rai, mais plus dans les îles », affirme Thanutvorn Jaturong-Kavanich, journaliste spécialisée sur le sujet.
D’après la jeune femme, la région de Nan serait aussi une caverne d’Ali Baba pour voyageur en mal d’authenticité. « A condition, bien sûr, d’oser sortir des sentiers battus », ajoute-t-elle.
Son secret ?
Prendre ce nouveau concept vert comme une base, une piste d’itinéraire envisageable, et non comme un parcours fléché.
Car, vendu sous sa forme actuelle, le concept de tourisme éco responsable semble voué à retomber dans les vieux démons des pratiques de masse.
Panser les plaies ne sert à rien si l’on ne traite pas l’infection. « Tant que le pays ne se dotera pas d’une vraie politique d’urbanisation responsable, rien ne bougera. Et il faudrait une bonne dose de détermination à l’administration pour faire face aux nombreux intérêts financiers au niveau local », précise Richard Werly.
D’après lui, la TAT est bien trop désorganisée pour valoriser la moindre richesse culturelle du pays, ce qui creuse toujours plus les inégalités et attise les conflits. « Si l’argent investi était un peu plus consacré à rétablir un sentiment de fierté nationale, la Thaïlande n’en serait pas là aujourd’hui. Les habitants du Nord-est se sentiraient sûrement moins méprisés si l’on s’attelait à reconnaître la valeur de leur identité », affirme-t-il.
Une opinion partagée par la présidente de CBT-I. « Après s’être entendu dire pendant des années que leur culture ne valait rien, il faut désormais permettre aux minorités de retrouver confiance en elles. Sinon, c’est peine perdue », estime-t-elle.
Sans programme solide pour gérer cette souffrance identitaire, la Thaïlande restera sur le carreau touristique.
Pour transformer en atout ce qui, jusqu’à présent, était perçu comme un handicap, le pays devra réviser complètement sa copie.
Réparer les dégâts prendra du temps, et il n’est pas sûr que l’ampleur du défi ne fasse pas prendre la poudre d’escampette aux décideurs politiques.
O.C.
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