Tourisme et environnement sont loin d’être incompatibles. Depuis quelques années, de nombreuses initiatives fleurissent sur les belles îles du golfe de Thaïlande menées par les clubs de plongée, hôtels et restaurants. Dans l’archipel de Koh Samui, qui comprend également le parc national marin de Ang Thong, la préservation des sites et l’accueil des touristes du monde entier sont au coeur d’un écotourisme que l’on espère ici salvateur.
Sur une initiative des autorités de l’île, les habitants se sont mobilisés pour nettoyer la plage de Sairee à Koh Toao, le même jour que le Eco Day, organisé par sept clubs de plongée de l’île.
En fin de matinée sur la plage de Sairee à Koh Tao, Marcel Van Den Berg, responsable des cours de plongée PADI du Sairee Cottage Diving, s’adresse au petit groupe de volontaires qui se tient devant lui, sous une chaleur déjà pesante.
Les dernières consignes sont données, en même temps que quelques remerciements. « C’est parti ! », encourage le moniteur de plongée en prenant la tête du groupe munit de gants et de sacs-poubelle pour nettoyer la plus grande plage de l’île.
Suivant le vieil adage « l’union fait la force », les défenseurs de l’environnement se sont vite rendu compte qu’il était impératif de coordonner leurs actions pour générer des résultats.
Depuis deux ans, plusieurs clubs de plongée de Koh Tao ont mis leur concurrence de côté pour lancer conjointement une journée mensuelle de préservation de l’environnement. « Les premières journées de nettoyage des plages ont été un succès sur les réseaux sociaux », se félicite Van Den Berg, toutefois conscient du long chemin qu’il reste à parcourir.
En mars 2016, ces mesures prennent un tournant plus concret avec la création de l’association Get Involved Koh Tao (« soyez concernés »).
Elle est à l’origine de divers projets dont le régulier « Eco Day Koh Tao », qui se focalise sur la préservation de l’environnement tout en insistant sur l’aspect social.
Tous les mois, des volontaires se réunissent pour une courte présentation suivie du nettoyage d’une plage, avant de terminer la journée par un barbecue convivial. Sept clubs de plongée font partie de cette journée qui rassemble jusqu’à cinquante bénévoles tous les mois.
L’objectif : mobiliser en communiquant sur les réseaux sociaux ou par la distribution de tracts.
Tous les matins, la plage de Haad Rin, à Koh Pha-Ngan, est nettoyée par une équipe locale. Des caméras de surveillance installées le long de la côté permettent également de garantor la sécurité lors des célèbres fêtes de pleine lune.
Le deuxième projet de l’association porte sur les « eco bottles » et réunit différents acteurs. En partenariat avec Trash Hero – une association de protection de l’environnement présente partout en Asie –, ils ont conçu des bouteilles en métal qu’il est possible de remplir aux stations d’eau potable réparties sur l’île.
Aujourd’hui, vingt-deux entreprises de Koh Tao ont pris part au projet qui a pour but de diminuer l’utilisation de bouteilles en plastique.
Compost et recyclage
À 70 kilomètres de là, à Koh Samui, les villas luxueuses du magnifique Six Senses surplombent les falaises du nord-ouest de l’île, se fondant dans le décor naturel.
L’hôtel a lui aussi mis en place un projet écologique dans sa stratégie de développement et fait partie d’un collectif de préservation de l’environnement qui rassemble dix-neuf autres établissements.
« Nous recyclons 60% de nos déchets – soit 360 kg par jour – et utilisons les matériaux déjà présents sur le site pour toute nouvelle construction », explique le directeur général, Gary Henden.
Pas de recours au plastique dans cet hôtel qui a adopté le verre pour ses bouteilles et les tiges de citronnelle en guise de pailles. La vision de l’établissement est « de devenir un centre de recyclage autosuffisant et communautaire », ajoute-t-il.
En 2015, lors d’une phase de rénovation, la direction a l’idée d’aménager un terrain laissé à l’abandon aux abords de l’hôtel pour en faire une ferme bio et un centre de compost.
« Toujours transformer votre espace le plus désordonné en celui le plus productif », conseille Gary Henden, livrant sa devise fétiche.
« Farm On The Hill » est un havre de paix bucolique au coeur de la jungle cernant le resort de luxe. Les clients et employés du Six Senses peuvent se promener entre les plantations de bananes, de curcuma, de cannes à sucre et d’aubergines, parmi une multitude de variétés plantées.
Les fruits de la passion ont pris racine autour de pergolas en bambou dont les feuilles ombragent les petits chemins traversant la ferme.
Aussi surprenant qu’il soit, Farm On The Hill possède une dizaine de chèvres, introduites en mêmes temps que la soixantaine de poulets à la fin de l’année 2015.
Les restaurants du Six Senses ont directement accès aux produits qu’ils cuisinent : des légumes et fruits bio en passant par les oeufs fraîchement ramassés et le lait de chèvre local.
« Les Thaïlandais sont de plus en plus sensibles à la provenance de leur nourriture », constate Gary Henden après trois ans à la direction de l’hôtel.
Farm On The Hill permet non seulement au Six Senses de tendre vers l’autosuffisance alimentaire, mais elle est surtout un lieu de recyclage et de production de compost sans pareil. L’engrais est réalisé à partir des excréments des chèvres, tandis que le vinaigre de bois – obtenu par combustion, puis condensation – sert de pesticide naturel.
Différentes zones de compost ont été aménagées sur la ferme et des cuves de fermentation permettent à l’hôtel de produire ses propres produits d’entretien et de soins. Le lien avec la communauté locale est assuré à travers le commerce de proximité : le Six Senses brûle les noix de coco afin d’obtenir du charbon dont l’excédent est revendu aux commerçants de l’île.
Mais la ferme a surtout permis l’embauche de travailleurs locaux. Plutôt que de sous-traiter, l’hôtel emploie aujourd’hui des jardiniers thaïlandais, facilitant ainsi la communication et la formation.
« La visite de la ferme suscite l’intérêt de nos clients, quelle que soit leur nationalité. Avant des Européens et des Australiens, maintenant des Chinois », ajoute le directeur.
À Koh Tao, les plongeurs ne sont pas les seuls derrière les initiatives écologiques.
Le Ban’s Resort est « le premier au monde à atteindre des chiffres de recyclage aussi importants », confie un des responsables de l’hôtel qui recycle presque 100% de ses déchets.
Des centres de compost et de recyclage ont été construits sur les hauteurs environnantes et des vergers produisent fruits du dragon, bananes et papayes. Les aménagements sont impressionnants : d’un côté des salades poussent sous serre, de l’autre le marc de café sèche au soleil, tandis qu’un peu plus loin une petite salle contient des cuves où fermentent les parures et épluchures du restaurant.
« On produit ainsi nos propres produits d’entretien, savons et shampoings », explique un des moniteurs de plongée du Ban’s Resort, très impliqué dans le développement du centre de conservation de l’hôtel.
Tout y est recyclé : les eaux usagées servent à arroser les jardins, les excréments sont utilisés comme engrais et fertilisants naturels, tandis que les canettes et bouteilles en plastique sont compactées avant d’être renvoyées sur le continent.
Préserver les richesses des îles
Koh Pha-ngan, quant à elle, tient sa dénomination « d’île verte » à son territoire à 60% naturel.
Connue surtout pour ses fêtes lors de la pleine lune, l’île a bien d’autres atouts. Dans chacune des cinq zones établies par l’association des hôtels de Koh Pha-ngan (activités terrestres, activités maritimes, bien-être et santé, patrimoine et nature, festivités), tourisme et environnement sont intimement liés.
Réputée pour la beauté de ses côtes, ces dernières sont préservées grâce aux initiatives locales. Haad Rin Beach, plage de la Full Moon Party, est nettoyée par des agents municipaux tous les matins et la loi réglemente la construction de bâtiments qui ne doivent pas dépasser la hauteur des cocotiers.
De part et d’autres des routes sillonnant l’île, des piles gigantesques de noix de coco indiquent la présence de plantations.
Les fermes représentent la première activité de Koh Pha-ngan et sont ouvertes aux touristes curieux. « Elles sont toutes bio », indique fièrement Attasan « Golf » Boonmark.
Ce Bangkokois de naissance s’est installé sur l’île six ans plus tôt, alors qu’il ne devait y rester que quelques jours, séduit par le calme et la nature incomparables. Les fermes permettent la production de toutes sortes de produits alimentaires et de produits de beauté tels que l’huile de coco, le lait nourrissant, les gommages ou les produits de soin.
Utilisés sur place ou exportés, « ils contribuent au rayonnement de l’île », explique Golf.
Éduquer et sensibiliser
Le plastique est un véritable fléau en Thaïlande, tout particulièrement sur les îles dont les côtes souffrent directement de son utilisation excessive.
Qu’il s’agisse des plongeurs ou des gérants d’hôtels, « il est fondamental d’éduquer et de sensibiliser la population locale et avant tout les touristes, pense Marcel Van Den Berg, le moniteur de plongée de Koh Tao.
L’agressivité est contre-productive. Il vaut mieux informer plutôt que de juger quelqu’un pris en flagrant délit de pollution ».
Get Involved Koh Tao sensibilise les touristes lors de leurs stages et projette de travailler aux côtés des autorités locales.
Mais ce sont surtout les enfants vers lesquels tous ces mouvements se tournent pour «former une future génération consciente de l’importance du respect de l’environnement », confie le Hollandais.
Dernièrement, les membres de Get Involved ont fait appel aux écoles de l’île pour que les enfants participent aux prochaines sessions de nettoyage.
De son côté, Gary Henden explique que le Six Senses « souhaite participer à l’éducation écologique des enfants en proposant des activités ».
Les élèves sont d’ailleurs invités à visiter la ferme où des petits panneaux expliquent les différentes fonctions de chaque infrastructure.
Même principe au Ban’s Resort de Koh Tao où des activités sont organisées avec les enfants pour les sensibiliser au tri et au recyclage au sein du Ban’s Conservation Learning Center.
Hôtel cinq étoiles, club de plongée ou ferme de culture de la noix de coco, chacun contribue à son échelle à protéger l’environnement tout en participant au rayonnement de l’île sur laquelle ils sont installés.
« Le plus important, c’est de trouver comment persuader les autres de rejoindre le mouvement », conclut Marcel Van Den Berg, faisant écho aux initiatives de tous ces acteurs engagés des îles de la province de Surat Thani.
Tiphaine Tellier
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