Le gouvernement thaïlandais a interdit l’utilisation du paraquat et du chlorpyrifos, à compter du 1er juin 2020. Une mesure destinée à protéger les cultivateurs et les consommateurs, mais une source de mécontentement pour les travailleurs agricoles qui, faute d’alternatives, vont devoir faire face à de lourdes pertes. La Thaïlande est l’un des principaux exportateurs de denrées alimentaires (notamment le riz et le sucre). Cette agriculture dépend aujourd’hui fortement, trop fortement, de l’utilisation de pesticides pour protéger les cultures et ainsi augmenter la production.
Une enquête d’Alexandra Colombier
Le paraquat et le chlorpyrifos, deux des produits largement utilisés dans l’agriculture thaïlandaise, sont reconnus depuis des années comme dangereux pour l’être humain.
Le paraquat est un herbicide qui agit contre les mauvaises herbes. Il est interdit dans de nombreux pays car il augmenterait le risque de contracter la maladie de Parkinson, ainsi que d’autres effets néfastes sur la santé des travailleurs et animaux sauvages.
Le chlorpyrifos est un pesticide luttant contre les parasites. Les résultats scientifiques sur ses méfaits se sont également accumulés, montrant une exposition inquiétante chez les femmes enceintes, pouvant entrainer des conséquences irréversibles sur le développement du cerveau des enfants.
Alerte aux pesticides
Une étude approfondie menée par le réseau thaïlandais d’alerte aux pesticides (EARTH et Thaï-PAN) a mis en lumière le danger que représentent ces produits pour les agriculteurs et pour les consommateurs. Des résidus d’insecticide et de désherbant peuvent, en effet, se déposer et subsister sur les fruits, légumes, céréales et autres aliments.
Suite à cette étude, le gouvernement thaïlandais s’est penché sur le sujet, évoquant une interdiction de certains de ces pesticides.
Un petit pas vers la durabilité
Le 27 novembre 2019, le Comité National des Substances Dangereuses (NHSC), qui est en discussion pour interdire certains insecticides et herbicides en Thaïlande, remet cette décision au 1er juin 2020.
C’est finalement le 30 avril 2020 que le Comité National des Substances Dangereuses et le gouvernement thaïlandais confirment l’interdiction du paraquat et du chlorpyrifos à compter du 1er juin 2020.
Le ministre de l’Industrie Suriya Juangroongruangkit a affirmé que 24 des 28 membres du panel ont assisté à la réunion dans les bureaux du ministère. “Dix-sept membres étaient d’accord, six membres n’étaient pas d’accord et un n’a pas voté”, a-t-il déclaré.
Les stocks de paraquat et chlorpyrifos doivent être retournés aux vendeurs avant le 29 août 2020, qui doivent les accepter et les retourner à leur tour au ministère de l’Agriculture et des Coopératives avant le 28 septembre 2020.
Le paraquat et le chlorpyrifos initialement classés produits toxiques de type 3, rentrent désormais dans la catégorie des substances toxiques de type 4. Le classement, signé par le ministre de l’Industrie Suriya Juangroongruangkit, est publié le mercredi 20 mai dans la Gazette royale.
La Thaïlande classe les substances dangereuses en quatre types en fonction de leurs exigences en matière de contrôle. Le type 1 est soumis aux réglementations les moins strictes, tandis que toutes les activités liées aux substances de type 4 sont interdites. Par conséquent, toutes personnes (fabricants, importateurs, exportateurs) possédant un de ces produits de type 4 doivent se conformer au délai de restitution indiqué par les autorités.
Si l’on peut applaudir cette avancée, il reste néanmoins que cette interdiction n’est pas celle escomptée et laisse un goût amer pour certains.
Une décision en demi-teinte
Le vote pour l’interdiction de ces pesticides avait été reporté au 1er juin 2020 sous la pression des États-Unis, qui voyaient d’un très mauvais œil l’interdiction de ces produits. Le gouvernement américain a fortement poussé la Thaïlande pour que le pays n’interdise pas l’un de ces produits en particulier : le glyphosate, qui faisait partie des pesticides que la Thaïlande souhaitait interdire à la base.
Le glyphosate est un herbicide commercialisé par le groupe Monsanto et utilisé contre les mauvaises herbes. Ce produit fait largement débat à travers le monde. Les agriculteurs y voient un gain de temps et de rendement non négligeable. Mais le glyphosate aurait de lourdes répercussions sur la santé des consommateurs (il serait cancérigène) et sur l’environnement.
Mécontentement des agriculteurs
Le projet de loi interdisant le paraquat et le chlorpyrifos est également très critiqué par les agriculteurs thaïlandais.
Depuis que le projet de loi a été annoncé en novembre 2019, plusieurs groupements d’agriculteurs ont mené des manifestations, affirmant que l’interdiction de cet insecticide et de ce pesticide nuira à la productivité et affectera négativement les cultures.
Suite à la décision du 30 avril 2020 d’interdire définitivement l’utilisation du paraquat et du chlorpyrifos de nombreux agriculteurs thaïlandais ont fait savoir qu’ils feront appel auprès de la Cour Suprême Administrative.
Ils attendent du gouvernement des alternatives peu coûteuses et n’entravant pas la production.