Gavroche est retourné sur les lieux du meurtre d’un français, D. M., tué mardi matin sur Sukhumvit Soi 13 par un policier thaïlandais du commissariat voisin de Lumpini. Nous avons retrouvé des témoins directs de la scène, y compris un touriste belge qui connaissait bien la victime. Retour dans l’enceinte du centre commercial où cet homme a trouvé la mort, tué de sang froid à l’arme de poing. Récit exclusif.
Jeudi matin 13 décembre, heure de Bangkok.
En entrant dans le hall climatisé du Trendy Office Building, un immeuble de bureaux de six étages où se côtoient écoles de langues, magasins d’assurance et petits commerces, notre première impression est celle de la surprise.
De la scène sanglante diffusée hier en boucle sur la télévision thaïlandaise, il ne reste rien.
Le Dunkin’ Donuts, devant lequel D. M. a été abattu à bout portant, vend toujours ses pâtisseries aux quelques employés de bureaux venus faire une pause ce jeudi après-midi.
Idem au Tom N Toms Coffee, qui offre une vue imprenable sur le hall d’entrée, où D. M. a vécu ses derniers instants. A la recherche d’autres indices, nous sortons du bâtiment.
Nos pas nous mènent au Spanky’s, un bar vétuste qui jouxte le Trendy Office Building.
A l’intérieur, une salle de billard et deux «mamasan», quadragénaires usées, installées à l’affût du client.
En ce milieu d’après-midi, les lieux sont encore vides.
L’occasion rêvée d’entamer la conversation et d’essayer d’en savoir plus.
Que s’est-il passé mardi ?
Comment un officier de la police thaïlandaise, montré par les vidéos de surveillance en tee-shirt orange et l’arme au poing, a-t-il pu tuer D. M., français installé à Bangkok depuis quelques mois ?
Selon la première d’entre elles, qe nous appellerons Nit, la victime venait quelques fois dans son établissement.
Que faisait-il à Bangkok ?
« Ça, personne ne le sait !
Il louait une chambre dans les étages supérieurs du Trendy Office, qui fait également hôtel.
Ce n’est pas donné ici un studio, les chambres sont louées 16 000 Bahts ! [430 € environ] poursuit-elle, la bouche pleine, occupée à manger sur le comptoir des brochettes de poulet grillé.
Elle nous explique ensuite que le crime s’est déroulé mardi matin, à 7h20, « précise », vidéo à l’appui.
« Montre-leur la vidéo ! » renchérit celle que nous appellerons Nok, occupée à brûler de l’encens sur le mini-autel accroché derrière le bar.
Nit exhibe fièrement son smartphone et nous montre deux vidéos.
A la différence de celles diffusées par la TV thaïlandaise et disponible ici, les images ne sont pas floutées.
Sur la première d’entre elle, nous voyons D. M. se précipiter dans le hall du Trendy Office.
Il court, affolé, appelle à l’aide.
Ses gestes sont précipités.
Quelques secondes plus tard, le policier en civil, Kantapong Huadsri, le rattrape et lui tire dans le bas du corps.
Sur la seconde vidéo, D. M. est à terre, allongé dans une mare de sang, contre le stand du Dunkin’s Donuts.
Une jeune femme lui adresse un énergique massage cardiaque.
En vain.
Que s’est-il passé ?
La conversation entre les deux «mama-san» s’emballe.
D’après ce que nous comprenons, une querelle a éclaté entre les deux hommes à propos de la compagne thaïlandaise de D. M.
Il aimait bien changer d’ailleurs.
«Ce n’était pas toujours la même» précise Nit.
Visiblement, les deux hommes se connaissaient.
Ils avaient bu toute la nuit au Lucky Shot, un bar situé deux soi derrière, sur Sukhumvit soi 11/1 (le Trendy Office se trouve sur Sukhumvit soi 13).
Selon Nit, le policier voulait finir la nuit avec la fille qui accompagnait D. M., mais le Français n’a pas voulu.
Ils se sont battus au Lucky Shot, et le Français a eu le tort de frapper le policier, au visage tuméfié (elle nous montre une photo à l’appui).
L’officier était-il ivre comme on l’a dit ?
Impossible à confirmer de notre coté.
Hors de lui, ce dernier serait ensuite allé chercher son arme de service puis aurait poursuivi D. M. jusque chez lui, pour se venger.
En sortant du Spanky’s, nous décidons de rentrer en passant par le soi 11.
300 mètres à peine nous séparent des deux ruelles où alternent bars, salons de massage, et restaurants indiens.
La foule est bigarrée, à l’image de ce quartier où espaces de bureaux, grands hôtels et filles du monde de la nuit se côtoient.
C’est dans ces mêmes rues où, 24h plus tôt, s’est achevée tragiquement la course poursuite entre les deux hommes.
Dans le soi 11/1, les bars et restaurants indiens continuent de tourner.
Un seul, cependant, a le rideau tiré.
Son nom : Lucky Shot.
En fin de journée, nous sommes contactés par un touriste belge.
Ce dernier avait rencontré D. M. une dizaine de jours plus tôt.
Il s’était lié d’amitié avec lui.
Selon ce témoin, désireux de rester anonyme mais avec lequel nous sommes en contact, le Lucky Shot est un bar que D. M. connaissait bien « car il était ouvert 24h/24».
Notre interlocuteur poursuit. Selon lui, D. M. et le sergent Kantapong Huadsri se connaissaient pour avoir déjà eu « des embrouilles dans le passé».
Le français aurait cependant affirmé que leur contentieux «appartenait maintenant au passé».
Toujours selon notre témoin, D. M. résidait dans le pays avec un visa étudiant car il prenait des cours de thaï à Sandee International School.
Il envisageait ensuite de rentrer en France, car ses parents étaient souffrants.
Il décrit D. M. comme une personne attachante, généreuse, et qui aimait profiter de la vie.
Avant de conclure : « Je n’arrive pas à croire qu’il soit parti. C’était un mec en or. »
Une enquête à suivre et à lire dans notre magazine de janvier…
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Thibaud Mougin
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