Une chronique sociétale et siamoise de Patrick Chesneau
La Thaïlande, destination désormais beaucoup moins avenante pour les étrangers, retraités confirmés et candidats à installation permanente dans le Royaume ? Une nouvelle embûche, de nature fiscale, prend effet cette année 2025.
Premier élément de nature à en rebuter plus d’un : avec un taux de change actuel Euro / Baht désavantageux, (approximativement 1€ = 35,50 B) le dépôt bancaire pour l’obtention d’un visa retraite, O ou OA, est plus proche des 23,000€ actuellement que des 20.000€ jusqu’ici requis.
Cette considération s’ajoute au fait que la Thaïlande connaît un renchérissement des prix, coûts et tarifs, sensible et continu depuis la période des trois années COVID. En clair, la destination n’est plus aussi bon marché qu’elle ne le fut. Il faut un volume d’euros accru pour conserver le même pouvoir d’achat et donc le même train de vie qu’il y a quelques années. Rien de rédhibitoire car le coût de la vie reste encore inférieur d’au moins 30% à ce qu’il est en France. Il convient toutefois de garder ce paramètre présent à l’esprit.
Outre des conditions financières rendues de ce fait plus drastiques, s’ajoutent les dispositions contenues dans la réforme de la fiscalité thaïe.
De nouvelles tracasseries bureaucratiques particulièrement fastidieuses en perspective. Entrée en vigueur imminente. C’est une première. A commencer par les démarches en vue de l’obtention imposée (sauf exceptions rarissimes) d’un TIN, Tax Identification Number, autrement dit l’alter ego du NIF français, Numéro d’Identification Fiscale. Le bal des procédures retorses se poursuivra avec la déclaration obligatoire de tous les revenus étrangers transférés sur place. Plus précisément sur un compte bancaire thaï. Tous les fonds issus de France devront être portés à la connaissance des autorités thaïlandaises. Revenus pourtant déjà soumis à impôt dans le pays d’origine.
Même les dépenses et achats effectués en Thaïlande avec une carte de crédit étrangère sont dans le collimateur du fisc siamois. Certes, déclaration n’entraine pas automatiquement taxation. Mais la menace est bien réelle. Existent bien des conventions passées avec une impressionnante batterie de pays. Textes établissant, en principe, une non double imposition en Thaïlande au surplus du pays de l’impétrant. Reste que des divergences d’interprétation de ces documents à haute teneur juridique contribuent à rendre les discussions entre états pour le moins âpres et équivoques. Issue plus qu’incertaine du bras de fer en cours tant les points de vue sont parfois diamétralement opposés. En la circonstance, la confusion ne peut que régner dans l’esprit des futurs contribuables malgré eux.
Tout Farang long séjour (180 jours/an au moins passés en Thaïlande) doit envisager un éventail de démarches et formalités inévitablement tracassières. Paperasserie à gogo. Tous les documents soumis aux agents thaïs devront être établis en anglais. Tel quel, un avis d’impôt français sera refusé. Traduction impérative.
Ajoutons que les nouvelles exigences stipulées par l’Administration locale seront possiblement très onéreuses.
Pour les retraités installés de longue date dans le Royaume, c’est un changement inopiné des règles du jeu. Dur à avaler. Et pour les prétendants à la retraite au pays du sourire – du moins, était-ce sa réputation jusqu’à maintenant – c’est peu attractif pour ne pas dire franchement dissuasif. Il faut le savoir, l’insouciance et la facilité qui prévalaient dans la vie ordinaire ont fait long feu. Une nouvelle ère commence. Indubitablement moins hospitalière. Plus maussade. Sans nul doute, plus rébarbative.
Face à ce contexte d’une moindre qualité d’accueil, que préconiser ?
D’abord, transférer le moins d’argent possible de son compte bancaire étranger (en l’occurrence français) à son compte bancaire thaï. La réalité est désormais brutale. Plus le montant global du transfert sur une année est élevé, plus le niveau d’impôts à payer en Thaïlande est important. Exemple au regard de ce que l’on sait ou croit savoir à ce jour : pour un cumulé de 2 millions de Bahts virés en 12 mois consécutifs sur un compte thaï, un retraité de moins de 65 ans aurait à débourser la très coquette somme de 325,000 B. Coup de massue garanti. Au dessus de 65 ans, il aurait à s’acquitter de 277,500 B. Alors que pas le moindre baht ne provient de la Thaïlande. Grimace de rigueur.
Bien sûr, il n’y a pour l’heure d’autre expédient que de s’armer de patience.
Attendre que le Revenue Department édicte enfin des règles précises, claires et intelligibles. On en est au stade d’un déficit aggravé de précisions, clarifications, éclaircissements, confirmations et démentis.
En clair, les Farang que nous sommes peuvent difficilement croire à la promesse d’un sabai sabai renouvelé dans le futur proche. Les expatriés et immigrés venus des cinq continents vont très vite pouvoir mettre à l’épreuve leur capacité d’endurance face à l’adversité fiscale endogène et leur niveau de résilience après règlement de la » douloureuse ».
Côté finances, le scénario « crash test » n’est pas à exclure dans un nombre non négligeable de cas.
Dès lors, il convient d’apprendre à subvenir à ses besoins essentiels tout en sabrant dans les dépenses jugées jusqu’ici de pur confort. Finies les largesses consuméristes et le train de vie hédoniste qui faisait foi en ce magnifique pays. Ce qui, prosaïquement, signifie réduire la voilure côté budget perso. Importer moins de fonds pour dépenser moins. Décision résultant de l’application résolue d’une politique que l’on peut intuitivement subodorer contre-productive dans ses effets. Conséquences probablement pénalisantes pour l’économie siamoise.
Mais rien d’indique que le Revenue Department s’apprête à changer son fusil d’épaule. Devenir parcimonieux par nécessité, souvent par contrainte. Voilà le nouvel axiome de « l’alien » de base, pour reprendre la terminologie officielle. Très restrictif. A moins d’adorer se faire ponctionner.
Autre impératif : stopper net le moindre projet d’acquisition d’un bien immobilier. Surtout, renoncer à tout achat de condominium, d’appartement ou de villa. A moins d’être masochiste sur le plan pécuniaire, c’est une précaution minimale pour ne pas alourdir inconsidérément la facture à régler au fisc thaïlandais.
Le tableau de ces préconisations immédiates campe un décor désenchanté. Mais ne vaut-il pas mieux être lucide et réaliste ?
Patrick Chesneau
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