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THAÏLANDE – FRANCE : Et si on reprenait ensemble la Bastille ?

Date de publication : 15/07/2024
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Chaque semaine, la chronique délicieusement siamoise de Patrick Chesneau

 

Après le 14 juillet, du bonheur d’être Français en Thaïlande.

 

Sur les réseaux parfois peu sociaux, certains internautes tricolores expriment leur désespoir et un sentiment d’affliction en constatant l’état, pitoyable selon eux, dans lequel se trouve la France. Par conséquent, ils sont au Royaume de Siam des Français désabusés. Contrits. Presque malheureux.

 

Pour ce qui me concerne, je ne partage pas ce désenchantement. Bien au contraire.

 

La première des évidences est que, en Thaïlande, je suis un Farang. C’est ainsi que tous les Thaïlandais me voient. Et ils n’en démordent pas. Farang je suis, Farang je reste. Tant mieux, ça m’arrange plutôt. J’aime cette idée de la particularité à l’épreuve de l’altérité. Assumer sa condition d’étranger dans un biotope humain si différent de celui de mon origine. L’équilibre à trouver, dans mon intime, entre le for intérieur et l’expression extérieure, forces centrifuges et centripètes, est quelque chose d’enthousiasmant. Je dirais même passionnant.

 

C’est de la psychologie finement ciselée. Cela requiert une grande curiosité intellectuelle, une faculté inlassable d’observation, de découverte et d’exploration ainsi qu’une réelle capacité d’adaptation dans la durée. Une envie inépuisable de compréhension de ce qui, pour tout ressortissant venu d’ailleurs, est au départ une société foncièrement allogène. Rien ne va absolument de soi et rien ne peut s’envisager sans une infinie patience. Incorporer dans ses tréfonds la substance du pays d’accueil sans rien abandonner de son moi profond. C’est quasiment une expérience initiatique.

 

Les Thaïs que je côtoie quotidiennement et qui, de ce fait, me connaissent savent que je suis un “khon Farangset”. A peu près aucun ne sait que c’est Bastille Day aujourd’hui, comme disent les anglo-Saxons. Personne n’a vu hier soir de bal des pompiers sur les berges du fleuve Chao Phraya à Bangkok. Pourtant, ils ont tous entendu parler de Paris. La France, c’est la destination par excellence de la fashion (la mode), ce sont les accessoires Chanel et Louis Vuitton qui emplissent les boutiques de luxe des shopping malls haut de gamme de la Cité des Anges et désormais, dans les grandes villes de province, c’est l’Oréal (véritable torture de prononciation pour une thaïe mais produits capillaires tant recherchés des coiffeuses et stylistes de cette belle contrée orientale) et la France, c’est aussi une large variété de nam hom (parfums) prestigieux. Autant de produits toujours aussi prisés des thaïlandaises indéniablement coquettes.

 

Et, sur un tout autre registre, il suffit d’entonner les premiers couplets de la Marseillaise à un auditoire thaï, en martelant “le jour de gloire est arrivé” pour que ce morceau de bravoure prenne immédiatement un sens très fort. Cette tonalité résonne en écho à l’esprit de l’hymne national thaïlandais. Presque par mimétisme des valeurs. Qui plus est, mes amis siamois s’esclaffent volontiers quand je leur fais remarquer en mode clin d’œil amusé que nos deux drapeaux arborent les mêmes couleurs, bleu blanc rouge, et qu’en plus, ils se complètent. L’un les dispose dans le sens vertical et l’autre dans le sens horizontal.

 

Pour mes relations “thaïes”, cette caractérisation française est donc la première définition qu’ils m’attribuent. Et ils tentent vraiment de saisir ce qui me différencie de tout autre européen. De fait, je suis vecteur d’une langue et porteur d’une culture. Spécifiques. Je suis volontiers laudateur d’un “art de vivre” propre à l’Hexagone. Je tente à l’occasion de leur faire goûter des plats français. Réactions contrastées, mitigées mais toujours intéressées. Fromage ou durian ? Steak frites ou somtam ? Vin de Bourgogne ou alcool de riz ? Piment rouge vif ou moutarde de Dijon ? Rillettes du Mans ou sai krok (saucisses) isaan ?

 

Peu de similitudes entre nos deux cuisines mais chacun consent à quelques révolutions de palais. En définitive, ces contrastes m’enchantent et mon identité française me convient. Il arrive qu’elle me désespère mais bien plus souvent me ravit. Elle est une boussole naturelle, innée, dans mon rapport au monde. Elle me structure mentalement. Ma psyché est un reflet ancestral puisé dans l’imaginaire gaulois. En tant que Terrien, elle exprime ma personnalité intrinsèque.

 

Cette appartenance à l’ensemble français m’agrée parfaitement. J’en suis même fort heureux. Pour tout dire, j’adore être Français en Thaïlande.

 

Pour le reste, il revient aux Français, où qu’ils soient sur la planète, de savoir ce qu’il veulent faire de leur pays. Et de s’accorder sur l’image de la France qu’ils veulent renvoyer au monde.

 

Patrick Chesneau

 

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4 Commentaires

  1. Moi Farang, Jje ne ressens rien de ce que décrit notre auteur, j’ai une femme et une famille thaïlandaise, je suis comme un poisson dans l’eau et les Thaïs me le rendent bien, je crois par-dessus tout à l’unité de l’homme et les différences ne sont que superficielles. On trouve la moutarde de Dijon à Foodland, Je me nourris de Kao Pat et tout va bien. Dans mon village il y a une église catholique avec un clocher… On se croirait en Bourgogne… La vie en Thaïlande ne demande aucun effort. La France conserve un certain prestige parce que les Thaïlandais savent qu’elle est au centre de l’occident, Ce qui nous donne non pas des privilèges, mais ses devoirs et un rang à tenir.

    • Tenir son rang pour “le” farang est parfois un objectif difficile, inatteignable, une gageure. Malgré les intentions, l’ambiance tropicale vient à bout des plus fermes résolutions. La déliquescence prend le pas et le farang s’approche de la dissolution, de la liquéfaction. Le terme est proche s’il vient à confondre l’église proche avec la cathédrale Saint-Bénigne. Le recours à la moutarde de Dijon risque d’avoir le même effet que la chloroquine. La jungle des tentations fait insidieusement son œuvre, il s’enfonce inexorablement comme absorbé par une espèce de ‘trou noir” à moins qu’une église catholique proche et son desservant habile remettre le farang dans le rang… au moins jusqu’à la prochaine absolution. Marcher droit, ne pas tituber, le rang vous dis-je !

  2. Au delà de l’exercice d’auto-admiration, le plus exacerbé qu’il nous a pu être donné de lire chez notre chroniqueur patenté et bien-aimé l’angoisse s’insinue chez son lecteur assidu. Ou habite t-il se demande t-il ? Si l’on a réussi à aller jusqu’à la fin de sa rubrique surchargée on est rassuré. Il est Terrien, la terre est son ‘biotope”… le nôtre aussi…
    On l’est moins lorsqu’évoquant le “Bastille day” notre chroniqueur s’étonne, semble même ‘offusqué, par l’ignorance historique de ses interlocuteurs locaux. Il serait sans doute étonné de la même ignorance de ses congénères “gaulois”. Cette expression ne résonne pas dans leur imaginaire tel qu’il a été progressivement forgé. Il sait qu’une prise de la bastille eut lieu le 14 juillet 1789. L’évènement, assez insignifiant fût hissé au rang des mythes révolutionnaires dans leur version “sans culottiste” puis “romantique”, il suffit de lire Michelet. Le roman d’Eric Vuillard en est une version récente, et brillante (Eric Vuillard “14 JUILLET” Ed Actes Sud, 2016, 208 pages).
    Cette date, effectivement retenue comme celle de la “Fête nationale”, ne le fût qu’en juillet 1880. Ses concepteurs de la IIIème République se mirent d’accord sur cette date, sans en préciser l’année, celle -ci renvoyant à deux moments : le 14 juillet 1789 et le 14 juillet 1790. La seconde, “Fête de la Fédération”, date anniversaire de la première, visait à éclipser quelque peu la symbolique trop sanguinaire de la première, son cortège de morts et la tête du gouverneur De Launay au bout d’une pique. .Le 14 juillet 1790 signifiait surtout l’unité de la Nation réunie sur le champ de mars dans une phase d’apaisement des passions. La Bastille fût presque immédiatement rasée et sa mémoire visuelle fût reléguée dans les multiples estampes qui suivirent. La littérature s’en empara et une certaine historiographie en fît le moment premier de la Révolution et la glorifia. Nos livres d’école étaient remplis de la légende, E. Lavisse y pourvoyait dans son cours élémentaire d'”Histoire de France” de 1913 – le même actualisé en 1954 et bû comme le petit lait de P. Mends-France – disponible sur internet). Mais la “version rouge” du mythe révolutionnaire dans la geste républicaine fût mise en veilleuse. La prise de la bastille fût dans une version plus “libérale” présentée comme la fin de l’arbitraire politique et religieux ainsi que des privilèges réservés à deux ordres et l’avènement des droits et des libertés que la déclaration du 4 aout formalisera.
    L’expression de “Bastille day” renvoie plutôt à une stigmatisation de l’évènement et à ses connotations sanglantes de la part des détracteurs de cet épisode historique surtout lorsqu’il est vu au regard de ses suites.
    Que les sujets du Royaume de Siam ignorent la signification ne serait-ce pas parce que cet évènement est l’emblème mythique de la fin de la monarchie française et de l’exécution de Louis XVI en 1793 ? La fin d’un corps politique dont le Roi était la tête ? L’ignorent-ils ou veulent-ils l’ignorer ? Il n’y a pas si longtemps encore, la France n’ était pas le pays le plus recommandé pour un un jeune Thaï pour y aller faire ses études: la France comme mauvais exemple. Certains en revinrent avec des idées “avancées”, un peu “trop”. Plutôt l’Angleterre bien que ce pays mit à mort Charles III en 1649.
    Chaque monarque connait intimement au moins inconsciemment la menace mortelle que la prise de la Bastille déclencha jusqu’en 1794 : une concurrence débridée des ambitions et des rivalités révolutionnaires conduisant à la mort du Roi et… de la Reine.
    la France des parfums et des fromages, des rillettes du Mans et de la moutarde de Dijon plutôt que celle d’un roi supplicié… un totem ici, un tabou là…

  3. Excellent mot de Patrick Chesneau, reflétant parfaitement selon moi les pensées, attitudes que je tente d’adopter dans mon pays d’accueil.
    Fier d’être un français de l’étranger tout en respectant la culture locale mais en tentant d’apporter une petite touche qui nous différenciera amicalement des autres farangs.
    Bravo.

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