Filières prestigieuses, classes préparatoires reconnues, grandes universités étrangères : les élèves des lycées français à l’étranger semblent très bien réussir leurs études supérieures. Bangkok ne déroge pas à la règle. Aujourd’hui en faculté de médecine, en école hôtelière ou à Sciences Po, les anciens élèves du LFIB forment un réseau d’alumni très diversifié. Des profils recherchés par les grandes écoles.
Eléonore, 20 ans, a obtenu son baccalauréat scientifique au Lycée français international de Bangkok (LFIB) il y a trois ans. Après deux années de classe préparatoire scientifique intégrée, elle est entrée à l’Ecole nationale supérieure de Chimie et de Physique (ENSPB) de Bordeaux, dans une filière de chimie génie-physique, et envisage de travailler dans la cosmétique en tant qu’ingénieure qualité. La jeune Franco-Thaïlandaise a grandi à l’étranger. « Avoir été scolarisée au LFIB m’a favorisée, Je parle plusieurs langues et ma double culture me donne une ouverture d’esprit », dit-elle.
Comme Eléonore, La majorité des élèves de l’étranger semble ainsi bien réussir leur scolarité. Chaque année, le taux de réussite au baccalauréat des 336 000 élèves enregistrés par l’Agence pour l’Enseignement du Français à l’Étranger (AEFE) se situe autour de 97%, contre 86,6% en France.
Les lycées français du monde affichent presque un quart de mentions « très bien » et de mentions « bien », pour respectivement 7,3% et 14% en métropole. Des résultats qui leur permettent souvent de poursuivre leurs études supérieures dans des institutions prestigieuses telles l’ESSEC, Sciences Po, l’Imperial College ou encore la New York University.
« Beaucoup d’enfants parlent plusieurs langues. D’autres sont issus d’un milieu expatrié soucieux de leur orientation. Parmi ces élèves, certains ont toujours vécu à l’étranger et ont une grande ouverture culturelle. Ce sont autant d’atouts », explique Marcel Guillerot, documentaliste du CDI, en charge de l’orientation au LFIB.
Une ouverture vers le monde qui amène souvent ces élèves à étudier à l’étranger. Tandis que seulement 3,5% des bacheliers de métropole poursuivent leurs études hors de France, ils sont en moyenne 20% chaque année au LFIB à intégrer une université dans le monde anglophone, 10% à rejoindre une université francophone en Suisse ou en Belgique et 15% à rester en Thaïlande, selon les statistiques tenues par le lycée français de Bangkok.
De nombreux élèves qui ont vécu une grande partie de leur enfance en expatriation souhaitent ainsi intégrer un cursus inter-national. « J’ai choisi le Canada parce que c’est le tremplin parfait pour atterrir dans le monde anglophone. Au Québec, la majorité de la population parle à la fois français et anglais et les grandes villes attirent beaucoup d’élèves aux parcours internationaux comme le mien, donc j’ai pu m’y retrouver », explique Romain, étudiant à McGill.
Comme lui, les bacheliers du LFIB choisissent souvent d’étudier au Canada ou au Royaume-Uni. Ainsi, chaque année depuis 2012, entre un et trois élèves du lycée sont admis à McGill, au Canada. Cette université combine des frais de scolarité avantageux pour les ressortissants français tout en étant prestigieuse. Les Etats-Unis sont quant à eux moins demandés en raison de coûts singu-lièrement élevés.
De manière anecdotique, quelques élèves se dirigent chaque année vers les universités des Pays-Bas où un enseignement de qualité est dispensé en anglais. Un nombre important d’élèves choisissent aussi de poursuivre des études en Suisse, notamment à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) ou dans de prestigieuses écoles hôtelières comme celle de Lausanne.
La majorité des élèves choisissent la métropole
Certains décident de faire leur vie en Thaïlande. La plupart sont Franco-Thaïlandais, mais pas tous. Attrait pour le pays, envie de rester proche de sa famille installée sur place ou motifs financiers, les raisons sont diverses. « J’ai choisi de rester dans mon pays natal car mes parents et moi trouvions que c’était peut-être un peu trop risqué et rapide de partir seule dans un autre pays pour étudier », explique Jade, qui a obtenu son baccalauréat au LFIB en 2016.
Les élèves qui restent en Thaïlande intègrent souvent de grandes universités comme Thammasat ou Chulalongkorn, ou des antennes d’écoles internationales. C’est le cas de Céline, qui a obtenu son baccalauréat littéraire en 2013 et étudie depuis au Raffles Design Institute, dont le campus principal est à Singapour. « Souvent, les universités favorisent les élèves venant d’écoles internationales car elles pensent que les résultats y sont plus élevés, affirme-t-elle. Peu importe si c’est vrai ou non ! »
D’autres, comme Kevin, ont directement intégré la vie active : « Je joue dans plusieurs groupes de musique et je suis en parallèle bénévole pour une association locale qui supporte les artistes indépendants. Cette vie me serait impossible en France. Et puis, le quotidien ici est beaucoup moins stressant ! »
Mais la majorité des élèves enregistrés par l’AEFE, qu’ils soient Français ou non, poursuivent des études supérieures en métropole. La France reçoit ainsi 273 000 étudiants étrangers chaque année, troisième pays d’accueil au monde après la Grande-Bretagne et les Etats-Unis.
« J’ai choisi d’étudier en France car ses diplômes d’ingénieurs sont très réputés. Et c’est plus simple pour moi de rester dans le système français dont je connais les méthodes d’enseignement », explique Éléonore, qui étudie à l’ENSBP. « Je me sentais Française, mais je n’avais jamais vécu en France. Y étudier était le seul moyen de découvrir mon pays natal », pense de son côté Maïté, en première année à l’EDHEC Business School de Nice. Les élèves étrangers de l’AEFE qui souhaitent étudier en France peuvent tenter d’obtenir une bourse Excellence Major, à l’instar de la Belgo-Thaïlandaise Nathalie, qui a obtenu son baccalauréat scientifique il a deux ans.
Un environnement propice
Être inscrit dans un lycée français à l’étranger a un prix : les parents déboursent en moyenne 5000 euros par année scolaire. En contrepartie, les élèves bénéficient de conditions d’études avantageuses tout au long de leur scolarité : petites classes, ouverture culturelle, langues multiples, aide à l’orientation soutenue…
« Grâce aux petits effectifs, les enseignants sont proches de leurs élèves, peuvent mieux s’occuper d’eux et prendre en compte leurs particularités, constate Marcel Guillerot, le responsable de l’orientation au LFIB. Il y a une véritable souplesse dans le travail des professeurs. » Ce que confirme Nils, aujourd’hui étudiant à l’IEP de Rennes : « Les lycées français à l’étranger comme celui de Bangkok font très attention à l’orientation de leurs élèves, notamment par l’intermédiaire du CDI et des cours dispensés. »
Marcel Guillerot pointe également le fait qu’en France, les conseillers d’orientation doivent s’occuper de plusieurs établissements à la fois et voient des centaines d’élèves. « Ici, le personnel est sur place toute l’année. Au lycée français, nous organisons un forum des carrières tous les ans. Ce qui est impensable en France où les élèves doivent parfois voyager plus de 100 km pour se rendre à un tel forum. »
Les élèves de l’AEFE bénéficient par ailleurs d’avantages sur le site Admissions Post Baccalauréat (APB). En effet, ces derniers sont automatiquement rattachés à l’académie de la formation demandée quand ils l’inscrivent dans leur liste de vœux. C’est un facteur décisif d’admission dans certaines filières très demandées comme médecine ou psychologie qui vont donner la priorité aux élèves de leur académie. Beaucoup de bacheliers de la filière scientifique du réseau AEFE rejoignent ainsi les classes préparatoires scientifiques pour suivre une formation d’ingénieur.
Les bacheliers peuvent aussi intégrer des filières prestigieuses hors-APB. Certains élèves du LFIB sont par exemple admis dans de grandes écoles de commerce telles l’ESSEC, l’EM Lyon ou l’EDHEC, où leurs compétences linguistiques sont très valorisées. Ils peuvent aussi bénéficier de procédures spécifiques au recrutement d’élèves internationaux. Les grandes écoles françaises ont compris tout le potentiel des élèves de l’AEFE et rivalisent pour leur proposer un recrutement spécifique : sur dossier, lieu d’examen adapté, démarchage des écoles…
« Cette année, nous avons reçu des personnels de Sciences Po, l’EHDEC, l’IESEG, entre autres, témoigne Marcel Guillerot. Ils font le tour des établissements français du monde. » A Sciences Po Paris, les élèves de l’étranger sont exemptés d’examen écrit s’ils choisissent d’intégrer un campus régional. Entre 2012 et 2017, six élèves du LFIB ont été ainsi admis à Sciences Po Le Havre. Et pour la première fois cette année, l’Ecole Polytechnique propose une licence que peuvent intégrer sur dossier les élèves de l’étranger.
Certains lycées, à l’instar du lycée français de Pondichéry, ont développé des filières d’excellence. Le but ? Encourager des élèves brillants à poursuivre leurs études en France. La filière a été conçue en lien avec le réseau des écoles des Mines, et a aussi bénéficié du concours du lycée Louis-le-Grand, qui a travaillé à l’élaboration des tests de sélection, précise le rapport d’activité 2015-2016 de l’AEFE.
Ces tests permettent de choisir des élèves indiens et étrangers anglophones aptes à suivre, à partir de la troisième et jusqu’en terminale, un cursus scientifique d’excellence bilingue français/anglais débouchant sur le baccalauréat scientifique assorti d’une mention européenne. Les élèves suivent alors un apprentissage intensif en langue française en vue de poursuivre leurs études en France.
Ces orientations diversifiées contribuent à la création d’un riche réseau d’alumni de par le monde. Il se constitue depuis quelques années via des plateformes comme l’Association Générations Orientations Réseau AEFE (AGORA), ou l’Association des Anciens des Lycées Français du Monde (ALFM).
Agora est une mine d’informations, hébergeant de nombreux témoignages vidéo d’alumni qui font part de leurs parcours. « Beaucoup d’anciens élèves reviennent faire part de leur expérience, ce qui est rare en France, constate Marcel Guillerot. En métropole, les bacheliers n’ont en général pas le sentiment d’appartenir à une communauté. C’est tout le contraire dans les lycées français à l’étranger.»
Une exigence pas toujours facile
Mais faire partie d’une communauté ne garantit pas toutefois de bons résultats académiques et un avenir radieux. Certainsne se retrouvent pas dans les filières générales (L, ES, S) proposées à l’étranger, d’autres ne veulent pas intégrer des classes préparatoires au rythme intense et stressant.
« Les lycées français te poussent vers la « voie royale » – classes prépa, grandes écoles… On entend beaucoup moins parler de l’université, ou des BTS et DUT, observe la Belgo-Thaïlandaise Nathalie. Tous les élèves ne sont pas faits pour les études très académiques, et beaucoup pâtissent du manque d’information et de la pression qui pèse sur leurs épaules. »
Lycée Français Jean Monnet à Bruxelles
De son côté, Marcel Guillerot s’interroge : étudier dans un lycée à l’étranger pourrait-il désavantager les élèves faits pour des orientations professionnelles ? « Très peu d’élèves pensent poursuivre une licence en université alors que c’est l’orientation la plus commune en France. Mais d’où vient cette particularité ? Est-ce l’établissement qui pousse vers les grandes écoles ? Les parents ? Y a-t-il une envie d’imiter leurs camarades ? »
Par ailleurs, certains élèves ne saisissent pas le potentiel de leur éducation dans un lycée français à l’étranger. « Tous ne se rendent pas compte de leur chance, observe le documentaliste. Pour eux, les petits effectifs, la proximité avec les professeurs, les excellents niveaux en langue représentent la normalité. Ils n’ont aucun point de comparaison avec la France où la norme est à trente-cinq élèves par classe. »
Leur scolarité dans un univers protégé peut toutefois les desservir quand ils rentrent en France. « Les élèves de l’étranger sont en général bien entourés. Quand ils rentrent en France, ça peut être compliqué d’être autonome, constate Marcel Guillerot. Pour faciliter la transition, nous conseillons toujours aux élèves de choisir une ville dans laquelle ils ont de la famille ou des relations. »
Pour des élèves ayant grandi loin de la métropole, le changement de style de vie peut effectivement être rude. « L’arrivée en France n’a pas été facile, confirme Éléonore. Les deux premières années étaient très dures, et la nourriture et la chaleur de Bangkok me manquent encore. »
Alice Jetin Duceux (www-gavroche-thailande.com)
Article paru dans le mensuel Gavroche Thaïlande en juin 2017 (N°273)
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