Mardi 19 décembre, le journaliste thaïlandais, Pravit Rojanaphruk, éditorialiste politique du site Khaosod English et nominé au prix « Reporters sans frontières » en 2016, a posté sur les réseaux sociaux la teneur de ses échanges avec Jaran Ditapichai, exilé politique en France et président de l’association des « Démocrates thaïlandais sans frontières », déposée en préfecture.
Pravit a déclaré : « je suis venu chercher le Fantôme de l’opéra (de Paris) et il s’est avéré que j’ai vu un visage familier passer. Jaran Ditapichai m’a dit que les réfugiés politiques thaïlandais en France étaient entre le rouge (le Pheu Thai) et l’orange (le Move Forward Party). En panne au point de ne plus pouvoir travailler ensemble. Environ trois sont rouges et le reste est principalement orange. Mais certains ne croient plus aux élections ».
Gavroche n’est pas réellement étonné par ces propos. Nous avions fin septembre dernier interviewé en exclusivité Jaran Ditapichai et deux membres du groupe Faiyen exilés, Khunthong et Chom, à Paris. Ils nous avaient longuement fait part de leur appréciation de l’évolution de la vie politique thaïlandaise et de leurs conditions de vie en France, leur pays d’accueil. Tous les trois ont obtenu le statut de réfugié politique et Jaran Ditapichai a depuis lors obtenu la citoyenneté française. Et ils avaient, lors de cet entretien, communément remercié « le pays des droits de l’Homme » fort de sa tradition d’hôte des persécutés politiques. Pour combien de temps encore ?
Philippe Bergues
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Ce monsieur est Thaï d’origine chinoise
La question posée en fin d’article mérite d’être posée mais peut-être pas au sens de Gavroche. L’interrogation concernant l’avenir du droit d’asile en France mérite d’être posée. En effet le détournement de ce droit risque de conduire à sa limitation si ce n’est sa disparition. L’asile est du point de vue juridique régi par des traités internationaux et des règles nationales de mise en œuvre. Beaucoup de pays ont ratifié ces textes ce qui n’est pas le cas de la Thaïlande. Il vise à protéger toute personne victime de persécutions politiques (personnelles et prouvées) en lui attribuant la qualité de réfugié, un droit au séjour dans le pays d’accueil ainsi que d’autres droits économiques et sociaux (variables selon les États). L’attribution de la citoyenneté n’a rien a voir : elle est régie par le droit de la nationalité. Pour un réfugié les deux voies possibles sont soit l’obtention de la nationalité par mariage avec un ressortissant français, soit par naturalisation. A l’exception des étudiants, des salariés et du regroupement familial la demande d’asile est la seule voie d’accès au séjour en France soit à partir d’un visa- asile soit en rentrant illégalement sur le territoire. Dans les 2 cas la demande du statut de réfugié doit être immédiatement déposée auprès d’une préfecture. Depuis une vingtaine d’années ces demandes qui sont en augmentation croissante dissimulent un motif en réalité économique ce qui conduit à une proportion importante de déboutés. En ce qui concerne la “loi immigration et asile” en voie d’adoption (et sous réserve de censure possible du conseil constitutionnel) l’impact, sauf erreur, sur le droit d’ asile porte sur deux points : La création de cours régionales du droit d’asile et la réduction de 3 à 1 la formation de jugement. Le but attendu est d’accélérer la prise de décision sur la demande afin de ne pas conduire à une installation de fait (mariage, famille, etc) et donc illégale de déboutés sachant que les recours devant la justice administrative restent un droit. Le nouveau texte réintroduit le délit de séjour irrégulier (d’application plus large que l’asile) assorti d’une amende (mais pas d’une peine de prison comme c’était le cas avant 2012) en cas de non exécution de l’OQTF qui serait automatiquement prononcée en cas de rejet de la demande et une fois la décision devenue définitive. Il est connu que les OQTF ne font l’objet que de 7 % d’exécution faute d’obtenir un laisser passer du consulat du pays (pays du Maghreb notamment) de l’intéressé. L’exécution qui suppose un contrôle d’une autorité de police, forcément aléatoire, faute d’un emprisonnement à partir duquel la décision d’expulsion pourrait être effectivement mise en œuvre (mais qui n’obtiendra pas, la plupart du temps, de laisser passer consulaire) conduit à produire des immigrés illégaux. De ce point de vue, la loi nouvelle ne semble rien changer au dispositif ni à la situation qui risque d’en résulter. La crainte exprimée dans l’article pourrait être réelle si, sur la base d’un dévoiement constaté et partagé du droit d’asile, les États, signataires de la convention, n’en viennent à revoir une convention qui, faite, après la 2èmé guerre mondiale et la guerre froide visait une catégories assez circonscrite et limitée de personnes. Et la réécrire dans un sens plus restrictif…
à première vue, il y en a de trop !
Trop de quoi ? d’être persécuté pour leurs idées ? Vrai. Le crime dit de lèse majesté utilisé contre les opposants est un outil terrifiant. Et heureusement qu’il y a des pays comme la France pour protéger les victimes de cet outil. Les derniers réfugiés politiques au Laos ont été retrouvés dans l’eau, cimentés.