Gavroche tient parole: toutes les têtes de liste, élus conseillers consulaires ont pris la parole dans nos colonnes, sitôt le résultat du scrutin connus. Nous faisons vivre ainsi le débat au sein de la communauté française de Thaïlande et de Birmanie. Eric Miné, candidat élu du rassemblement national, clôt cette série d’entretiens.
Vous venez d’être réélu conseiller consulaire pour la circonscription Thaïlande-Birmanie. Quels sont vos premiers mots pour vos électeurs ?
Cela ne vous surprendra pas si mes premiers mots à destination de mes électeurs seront ici pour leur réitérer mes remerciements, remerciements déjà exprimés sur les réseaux sociaux voire de vive voix pour certains d’entre eux. La particularité d’un scrutin où les candidats peuvent être élus avec quelques centaines de suffrages est que l’on connaît personnellement un nombre non négligeable de ses soutiens, amicaux comme politiques.
Élu sortant, je ne leur en suis que plus reconnaissant de m’avoir renouvelé leur confiance et, à travers moi, celle qu’ils accordent au Rassemblement National, ma candidature, dès l’élection de 2014, ayant toujours été parfaitement identifiée au mouvement que je représente.
Dans ce sens, qu’ils soient assurés que je continuerai à porter partout avec fierté leur voix et les idées sur lesquelles j’ai été élu.
Vous avez pris, vis à vis des électeurs, plusieurs engagements durant la campagne. Pouvez-vous nous redire quelles sont vos priorités, maintenant que vous êtes élu ?
La singularité en ce qui me concerne de cette campagne est que, hormis cette représentation affirmée de mon courant politique auprès des diverses autorités qu’en tant qu’élu je suis amené à côtoyer, je n’ai pris aucun engagement en termes de réalisations ou de projets relevant de cette fameuse « proximité » censée être l’alpha et l’oméga du mandat. Je m’en suis longuement expliqué avant le vote, pointant l’hypocrisie d’une présentation purement locale des enjeux de cette élection alors que l’administration dispose seule dans les faits du pouvoir de décision dans les conseils consulaires. Je n’allais pas en conséquence faire de vaines promesses sur ces bases illusoires.
En revanche, avec les quelques conseillers RN sortis des urnes à travers le monde, avec nos amis indépendants aussi, élus sur d’autres listes, je compte bien m’employer à muscler notre influence encore trop faible dans le collège électoral de l’AFE et des sénateurs des Français de l’étranger. C’est pour moi une priorité politique, les vrais arbitrages possiblement en faveur de nos compatriotes ressortant au minimum de ce niveau et pas, on peut le regretter, de celui des conseillers « de base » élus ce dimanche, en dépit de la légitimité que devrait pourtant leur conférer le suffrage universel.
Une vraie réforme démocratique devrait selon moi avoir lieu dans ce sens, mettant fin au concept délétère d’élus légitimes mais impuissants, si le pouvoir voulait réellement illustrer l’attention qu’il porte à ses administrés du lointain. Cette approche, je l’ai dit aussi, relève là du plus haut niveau, celui du chef de l’État et des grandes orientations qu’il donne pour son quinquennat.
Favoriser là l’alternance au pouvoir LREM en place, dans le cadre de mon mandat et en l’accompagnant auprès de mes compatriotes de la circonscription, participera quand le temps en sera venu de mes priorités.
Que vous inspirent les résultats de ce scrutin ? Le paysage politique de la communauté française de Thaïlande-Birmanie vous surprend-t-il ?
Je suis frappé, mais je ne dois pas être le seul, par le très faible taux de participation à ces élections. 22,7% des inscrits, nettement moins qu’en 2014 où nous étions à plus de 25%, ce n’est pas une réussite. On peut bien sûr incriminer les dysfonctionnements, bien réels, du vote internet, beaucoup des connexions ayant échoué à la première tentative du fait essentiellement d’un problème d’envoi du mot de passe par SMS. On peut aussi dénoncer la peur du Covid qui aurait freiné la venue dans les bureaux de vote. Je pense que la raison plus profonde de ce désintérêt de nos concitoyens pour ces élections réside, je l’ai dit plus haut, dans la présentation du mandat, la plupart des abstentionnistes ne comprenant pas, pour ce faible enjeu annoncé, leur intérêt.
L’autre réflexion que m’inspirent ces élections, si l’on prend cette fois les suffrages exprimés, est l’inversion apparente du rapport de forces dans le paysage politique de notre communauté française en Thaïlande.
La gauche arrive en effet largement en tête avec la liste menée par M. Bauchet qui gagne ainsi deux sièges. Les listes que nous menions, M. Chevrier pour LR et moi-même pour le RN, étant distancées bien que totalisant plus de voix dans leur ensemble.
Les nouveaux venus dans la course, LREM et EELV font des scores honorables mais qui ne leur permettent pas d’avoir des élus.
À première vue, si l’échec du parti présidentiel apparaît consécutif de l’appétit fiscal manifesté par son chef de file pour ces élections, Mme Genetet, dans son désormais célèbre rapport, celui du candidat vert étant quant à lui sans doute en parti lié à son choix générationnel peu favorable à nos aînés, cette nouvelle hiérarchie entre gauche et droite aurait, elle, de quoi surprendre en Thaïlande si l’on n’y regardait de plus près.
Davantage qu’un succès de la gauche et d’un échec de ses concurrents directs écologistes et En Marche, il faut en effet, je pense, saluer là plutôt l’habileté des représentants de Français du Monde-ADFE qui ont su cacher l’inclination partisane bien connue de leur association sous une approche « apolitique » bien moins clivante. On peut aussi donner crédit à M. Bauchet d’un indéniable travail de communication et d’une grande présence dans cette campagne, il y a là pour nous tous une leçon à tirer de ce scrutin.
Le « bloc des droites », toutefois, reste stable dans ces élections avec un rééquilibrage au profit de la formation que je représente. L’établir durablement en faisant du Rassemblement National la première force politique des Français de Thaïlande reste pour moi l’objectif militant de ces prochaines années dans la circonscription.
Êtes-vous prêts à travailler ensemble avec les autres conseillers consulaires ? Sur quels dossiers pensez-vous pouvoir avancer ensemble ?
La première mandature issue du scrutin de 2014 m’a semblé exemplaire à cet égard. Passées les joutes électorales et la confrontation des idées, la réalité du travail d’un conseil consulaire porte à une grande concorde entre les élus, les questions abordées étant communes à nous tous, Français de l’étranger en général et établis en Thaïlande ou en Birmanie en particulier, indépendamment de toute idéologie.
Nous sommes trois conseillers sortants dans cette nouvelle mandature, nous nous connaissons donc et sommes rompus à cette approche collective. Les rapports avec Mme Thatsanavanh Banchong, nouvellement élue et récente présidente de l’ADFE-Français du Monde, ont été parfaitement cordiaux dans les réunions consulaires que nous avons pu avoir ensemble au titre de sa présidence, il n’y a pas de raison que cela change maintenant qu’elle fait partie de ce conseil.
La petite réforme du mandat qui entre en vigueur permet d’en désigner désormais le président au sein des élus, l’ambassadeur ou le consul n’exerçant plus cette fonction mais restant l’autorité de rattachement. J’invite donc toutefois mes deux collègues élus sur la liste Solidarité, Écologie et Démocratie à ne pas briguer ce poste, faute de donner l’impression d’un conseil consulaire moins collectif et plus partisan qui nuirait probablement à l’image de neutralité qu’il a su conserver jusqu’ici.
En pratique, je le rappelle, il s’agit de valider des soutiens divers pour nos compatriotes, des accès aux bourses scolaires ou des aides pour les cotisations de la CFE notamment, il n’y a rien là qui ne soit pas consensuel et le cadrage budgétaire est de toute façon imposé.
Sur beaucoup de principes mêmes, comme la sauvegarde du service public ou l’aide à nos compatriotes les plus en difficulté, nous avons toujours eu une grande communauté de vue, bien que cela n’ait jamais rien changé à la politique menée par l’administration.
Tant pour la sauvegarde de notre système représentatif que pour l’intérêt de nous tous qui vivons dans cette région du monde, souhaitons donc que ce mandat de conseiller des Français de l’étranger évolue et que nous puissions prendre un jour, tous ensemble au sein de nos conseils consulaires respectifs, de réelles mesures propres à faciliter la vie de nos concitoyens.
Propos recueillis par la rédaction.