Belle rencontre que celle organisée par notre ami et chroniqueur François Doré dans sa librairie du Siam et des Colonies à Bangkok, que nous recommandons chaudement à nos lecteurs. Son invité: l’ambassadeur de France en Thaïlande Thierry Mathou. Lequel lui a, entre deux lectures, accordé ensuite un entretien pour Gavroche dans son bureau bangkokois. Une rencontre exclusive de haut vol, entre deux asiates !
Un entretien mené par François Doré, Librairie du Siam et des Colonies
«Je serai un ambassadeur de terrain !»
En ces journées de Nouvel An chinois, son Excellence Monsieur Thierry Mathou, notre nouvel Ambassadeur de France en Thaïlande, nous a fait l’honneur de bien vouloir nous présenter ses souhaits pour les relations à venir entre l’Ambassade de France, la Thaïlande, notre pays d’accueil, et la communauté française, si diverse et précieuse.
Le bureau de l’Ambassadeur de France à Bangkok est vaste, accueillant, éclairé par de grandes fenêtres ouvertes sur les trois côtés de la pièce, et lumineux des glorieuses couleurs du drapeau de notre Nation et de celui de l’Union Européenne.
Une vision :
« Et pourtant, nous dit-il, je sors de ce bureau moins souvent que je ne le souhaiterais car les délais protocolaires imposés par les autorités thaïlandaises et les contraintes sanitaires m’empêchent encore d’organiser mon activité comme je le voudrais afin d’entreprendre tout ce que je souhaite accomplir pour ma mission dans ce pays.
« Un pays attachant, qui est le plus ancien partenaire historique de la France en Asie, mais avec lequel nous devons constater que beaucoup des liens tissés depuis si longtemps, ne sont pas à la hauteur de ce qu’ils devraient être.
« Un pays où j’ai moi-même souhaité venir, ayant pris la mesure de son importance au cœur de cette région Indopacifique qui est une priorité pour la France eu égard à la vision globale qu’il convient d’adopter face à l’évolution du monde à venir.
Une feuille de route:
« Mon action suivra la feuille de route que je me suis fixée avec l’ensemble des services de l’ambassade afin d’optimiser nos actions sur les plans économiques, stratégiques et culturels, une feuille de route qui a vocation à s’articuler autour de trois axes :
– renforcer notre vision transversale d’une zone Indopacifique dont la France est non seulement un partenaire mais aussi un acteur à part entière car, ne l’oublions pas, elle est présente en Océanie grâce à ses territoires, et dans toute la région grâce à ses communautés, en renforçant notre mobilisation en Asie du Sud-Est, région dont la centralité, incarnée par l’ASEAN, est une réalité géopolitique, géographique, économique et culturelle ;
– se mobiliser autour des enjeux globaux, comme la santé, le climat et l’environnement dont la protection de la biodiversité, enjeux majeur en Thaïlande;
– et faire de la jeunesse et de l’innovation la priorité de notre diplomatie d’influence.
Une volonté culturelle réaffirmée:
« La culture, ce lien essentiel qui doit rassembler tous nos compatriotes ainsi que tous nos amis francophones, sera également parmi mes préoccupations premières », un constat qui a conduit l’ambassadeur à visiter rapidement ces pôles de notre culture en Thaïlande, que sont l’Alliance Française, mais aussi la librairie Carnets d’Asie et la librairie du Siam et des Colonies.
« Il est évident que la situation actuelle, difficile sur le plan sanitaire, ne facilitera pas la mise en œuvre de nos projets, mais je reste confiant, enthousiaste et déterminé pour les mener à bien».
Une expérience «d’Asiate»
« Mon parcours personnel m’a depuis le début de ma carrière, attiré vers l’Asie. Déjà jeune voyageur à l’âge de 18 ans, l’envie de découvrir sac au dos d’autres mondes, m’avait entraîné entre autres pays asiatiques vers la Birmanie et la Thaïlande. Rien ne me laissait alors imaginer, que 30 à 40 ans plus tard je représenterai la France dans ces deux pays ».
C’est curieusement lors sa première expatriation aux États-Unis que Thierry Mathou a entrepris la « longue marche » de ses études asiatiques, et plus particulièrement himalayennes, le Bhoutan, dont il étudie la monarchie, la société et les relations étrangères, étant son « jardin secret ». Toujours l’Asie ensuite, avec la découverte de la Chine à travers 3 postes et près de 15 ans de résidence dans ce pays qu’il connaît particulièrement bien et dont il parle couramment la langue. Ensuite, la fascination continue, avec la Birmanie et les Philippines. Il servira pendant près de 5 ans en Birmanie, où il a eu l’occasion d’être très proche d’Aung San Suu Kyi et de la soutenir dans son combat pour la démocratie. Et puis le bonheur d’être si proche de ce monde himalayen qui lui est cher et de la civilisation tibétaine, dont il partageait la passion avec Michael Aris, le défunt mari de la ‘Dame de Rangoon’, qui fut son ami et son « maître en études bhoutanaises ». « Imaginez donc la tristesse et l’inquiétude avec lesquelles je suis les évènements actuels du voisin occidental de la Thaïlande».
Une priorité, la communauté française :
« Ambassadeur de terrain je serai comme je l’ai toujours été, un Ambassadeur désireux d’être au contact des Français de Thaïlande dont je souhaite bénéficier de l’expérience, car pour moi, le suivi de la communauté française en Thaïlande est partie intégrante de ma mission et sera un de mes sujets de préoccupation majeur.
La communauté française de Thaïlande est une des plus importantes en Asie. Sa diversité en est une des richesses.
« J’ai été Consul Général à Shanghai. Je connais particulièrement bien les problématiques auxquelles sont confrontés nos compatriotes à l’étranger et qui vont de pair avec toute expatriation : la santé, l’éducation, l’emploi, et la retraite en sont les enjeux majeurs.
« Mais la Thaïlande a peut-être encore plus besoin de notre action auprès de notre communauté, car ce pays compte une des populations expatriée française parmi les plus âgées au monde. Ses préoccupations doivent être prises en compte.
« C’est la raison pour laquelle je souhaite par exemple que nous regardions comment encourager la création en Thaïlande, d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes sur le modèle de nos EHPAD, un projet qui permettrait à la fois de promouvoir dans ce pays un savoir-faire français mais également de répondre à l’attente de certains de nos compatriotes.
« Dès que la situation sanitaire et administrative le permettra, je souhaite aller à la rencontre de nos compatriotes, aussi fréquemment que possible, aller les voir dans les différentes provinces où ils résident, pour les écouter, et leur dire combien les services de l’ambassade, notamment le consulat sont là pour les aider et répondre aux questions qu’ils ne doivent pas hésiter pas à leur poser, chaque fois qu’ils ont besoin d’aide.
« Afin de permettre à l’ambassade de répondre aux attentes de nos compatriotes, j’invite un plus grand nombre d’entre eux à s’inscrire au registre des Français établis hors de France L’inscription consulaire n’est pas obligatoire, mais elle est vivement recommandée. Cette formalité rapide, gratuite, confidentielle et totalement respectueuse de la vie privée, facilite les démarches administratives à l’étranger, mais permet également au consulat de connaître la communauté et de lui porter assistance, notamment en période de crise.
Connaître nos expatriés, pour pouvoir les joindre là où ils sont quand cela est nécessaire, est indispensable. En ces temps troublés où nous sommes toujours susceptibles d’être confrontés à des moments difficiles, l’ambassade est plus que jamais aux côtés de notre communauté. L’inscription consulaire est à ce titre un geste de responsabilité et de confiance ! »
Propos recueillis par François DORE