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THAÏLANDE – HISTOIRE : Je me souviens du tsunami comme si c’était hier…

Date de publication : 09/12/2024
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Tsunami

 

Plusieurs lecteurs nous ont adressé leurs témoignages sur le tsunami du 26 décembre 2004. Faites de même. Nos colonnes vous sont ouvertes.

 

Voici le témoignage de Louis

 

Cela fait vingt ans déjà que ce tsunami dévastateur a marqué la Thaïlande et ma vie, mais je m’en souviens encore comme si c’était hier…

 

Avec ma compagne thaïlandaise, nous étions descendus à Khao Lak en voiture de Bangkok ; pour aller passer Noël sur les îles Similan. Le voyage fut long de la capitale par la route et nous sommes arrivés à l’hôtel Khao Lak Paradise qu’à la nuit tombée. Nous n’y avions passé qu’une seule nuit. Le lendemain nous sommes allés prendre le speed boat pour aller sur les îles. C’était le 19 Décembre 2004.

 

Le séjour sur l’île a été paradisiaque avec une veillée de Noël passée sur la plage en tête à tête, avec une bonne bouteille et un petit sapin factice emmenés dans nos bagages pour l’occasion.

 

Comme nous devions reprendre tous les deux notre travail le 28 Décembre, nous avions décidé d’écourter notre séjour sur l’île d’une nuit. Nous avions donc rejoint la terre ferme le 25 Décembre soir. Ma compagne avait refait une réservation pour la nuit au Khao Lak Paradise. Il y a eu un loupé de la part de l’agence et il n’y avait plus de bungalow sur la plage de disponible. Mais étant donné que nous étions dans ce même hôtel 6 jours avant, le staff nous a donné la dernière chambre qu’il leur restait.

 

Cette chambre était perchée à flanc de colline pas trop loin du lobby. Étant donné que nous avions juste besoin d’une chambre pour nous reposer et prendre une bonne douche chaude avant de reprendre la route le lendemain, nous avions accepté l’offre. Nous avions pris que le strict nécessaire pour passer la nuit, ainsi que mon sac de matériels photos dans la chambre. Le reste de nos bagages est resté dans la voiture, sur le parking.

 

Notre bungalow qui comportait 2 chambres à louer, était construit autour d’un très grand arbre et supporté par des piliers en béton. Cette construction était située à une hauteur d’à peu près 20 mètres par rapport au niveau de la plage.

 

Au cours de la nuit, il y a eu quelques incidents un peu bizarres. La centrale de commande électrique, sur la table de nuit, allumait les lumières de notre chambre intempestivement. Le plancher avait beaucoup grincé comme si quelqu’un marchait dans la chambre. Dans mon demi-sommeil, je croyais que quelqu’un était en train de nous prendre en photo !

 

Au petit matin, ma compagne s’est réveillée en pleur, car elle avait rêvé de milliers de morts. Vers 8h, alors que nous trainassions encore au lit, nous avions ressenti comme une vibration sourde le secouer. Un peu étonnés du phénomène, nous nous sommes dit que cela doit être dû à un gros camion qui circulait sur la route passant devant l’hôtel. Comme cela se passait souvent chez nous à Bangkok sur Nang Linchee street !

 

Le 26 matin, nous sommes donc descendus à la salle à manger, située en bord de plage, pour prendre notre petit déjeuner. La vue était splendide. La plage était pleine de gens et surtout d’enfants en train de ramasser des coquillages car la mer était basse. J’avais remarqué que l’eau s’était retirée très loin du rivage. Mais ne connaissant pas les amplitudes des marrées dans la région et j’avais pensé que c’était normal à cet endroit.

 

Lors du petit déjeuner, un couple voisin avait envoyé leur fils aller jouer à une machine de jeux électroniques située au lobby de l’hôtel. Le gamin était très dissipé et odieux avec ses parents. Et ils voulaient apprécier leur petit-déjeuner en paix…

 

Avant de remonter à notre chambre pour faire le check-out, nous avions profité pour faire des photos de ce magnifique hôtel construit au milieu des arbres et des plantes luxuriantes et des fleurs.

 

Arrivé à la chambre, je me suis senti d’une envie pressante… Nos 3 petits sacs étaient déjà prêts. En attendant que je fasse ma « petite affaire », ma compagne s’est allongée sur le lit pour regarder un peu la télévision. Assis sur mon trône, je pouvais la voir à travers les volets qui séparaient la chambre de la salle de bain.

 

Tout d’un coup, j’ai été trempé par l’eau qui refoulait en force de partout ! L’eau giclait par les lavabos, le bidet ainsi que par les toilettes sur lesquelles j’étais assis. Je ne comprenais pas ce qu’il se passait ! Ma compagne avait alors fait irruption dans la salle de bain avec nos 3 sacs sur le dos. Elle m’a extrait de mon siège en criant : « cours ! cours ! il y a de l’eau ! ». Moi, trempé par le séant, lui ai répliqué : « oui il y a de l’eau et alors ! ». Elle m’a tiré avec force vers la sortie. Et c’est là que, par porte fenêtre du balcon, j’ai vu arriver un mur d’eau au loin.

 

J’ai remis mon short aussi vite que j’ai pu, pris tous les sacs et nous avons commencé à courir hors du bungalow, puis sur la rampe d’escalier qui menait jusqu’au lobby. Par chance cette rampe était construite sur de très hauts pilotis en béton plantés solidement dans la colline. Pendant notre course vers le lobby, le paysage basculait de chaque côté de la rampe. Les arbres étaient couchés par la force de l’eau. Il y avait, des gens qui essayaient d’y surnager. Je garderais imprimé pour toujours dans ma mémoire, l’image d’une personne en tee-shirt rouge, criant au secours dans les flots !

 

Arrivés au niveau du parking, j’ai mis ma compagne en sécurité dans la voiture et suis retourné vers l’accueil de l’hôtel, malgré ses injonctions de ne pas le faire. Je n’avais pas encore réalisé ce qu’il s’est passé et je me devais de comprendre. Par chance, la vague qui avait percuté la colline, s’était arrêtée juste en dessous du bâtiment du lobby. La vue du balcon du lobby de ce qu’il restait de l’hôtel était abominable ! Tout n’était que chaos. L’eau avait tout détruit. Des gens apparaissaient ça et là et tentaient de surnager. Le gamin, odieux avec ses parents au petit déjeuner, hurlait à la mort à côté de moi agrippé à la rampe du balcon. Les 3 réceptionnistes de l’hôtel étaient complètement hystériques et paniquées.

 

Soudain arrive un client de l’hôtel, un japonais, je vais vers lui pour voir s’il allait bien et essayer de comprendre ce qu’il vient de se passer. Il me dit en anglais, « C’est un tsunami ! Il faut partir d’ici et chercher un point plus haut pour se protéger, car la prochaine vague risque d’être plus haute ! » Dès qu’il a prononcé le mot « tsunami », j’ai vite compris et tout ce que j’ai pu lire à ce sujet sont remontés dans ma conscience.

 

Je lui ai dit que j’ai une voiture et qu’il devait venir avec nous. Il a refusé car il veut retrouver sa famille, qui était partie en excursion tôt le matin. J’ai insisté pour qu’il vienne avec moi afin de nous éloigner avant l’arrivée de la 2ème vague. Il a catégoriquement refusé. La mort dans l’âme, j’ai embarqué de force le gamin. Et me suis dirigé vers le lobby pour faire de même avec les 3 réceptionnistes. C’est alors que j’ai fait quelque chose de vraiment aberrant étant donné les circonstances : j’ai voulu payer ma nuit d’hôtel ! Devant les réceptionnistes effarées et paniquées, j’ai mis l’argent dans leur caisse, l’ai refermée et je les ai embarquées dans ma Honda CRV ! Elles ont dû me prendre pour un fou !

 

Longtemps après, je me suis demandé pourquoi j’ai fait cela. En réfléchissant bien, j’en ai conclu que je me devais, à ce moment-là, faire quelque chose de tangible, de logique, afin de « simbleauter mon esprit » pour avoir les idées claires afin de faire face au danger. Réaction instinctive du militaire de carrière que j’étais, dans des circonstances exceptionnellement dangereuses, sans doute…

 

Après avoir embarqué les rescapés de l’hôtel, nous avions essayé de prendre la route pour tenter de trouver un point plus haut que celui sur lequel était l’entrée du Khao Lak Paradise. En descendant vers le village de Khao Lak, nous n’avons pu constater que la route a été coupée par la vague et encombrée de débris, dont un gros camion-citerne. Faisant demi-tour nous prenons la direction du port de Phang Nga, où nous avions prévu acheter des crabes pour les ramener à Bangkok pour la fête du Nouvel An. Là aussi, la route a été coupée par les eaux. Force a été pour nous de nous réfugier en haut d’un éperon rocheux qui est le point le plus haut, situé au milieu et dominant les 2 baies.

 

Beaucoup de gens se sont joints à nous à cet endroit, pour attendre l’arrivée de la 2ème vague. De là-haut je pouvais voir toute la baie de Khao Lak et l’ampleur de la catastrophe. On dirait qu’une main géante avait balayé tous les hôtels et habitations de la baie ! En constatant cette ampleur, j’avais acquis la certitude que le nombre de victimes allait être inimaginable. Étant donné que la veille, nous avions tenté d’aller dîner dans une pizzeria au village de Khao Lak. Tellement qu’il y avait de monde, nous n’avions pu manger qu’au 3ème service. Tous les hôtels étaient pleins, beaucoup de têtes blondes nordiques. Khao Lak était un lieu de vacances apprécié pour des familles avec des enfants, loin de bars bruyants de Phuket…

 

La 2ème vague était arrivée après un temps d’attente qui me paraissait indéfinie. Elle a été moins haute et moins violente. Peu à peu la mer s’est retirée et la route côté port a été de nouveau accessible et carrossable. Nous avions confié le gamin aux autorités et avions pris la route en direction de Bangkok. Nous avions pris une dizaine de personne dans notre voiture pour les déposer en chemin car elles vivaient dans la direction où nous allions.

 

Durant le temps que nous attendions la 2ème vague en haut de cette colline, nous avions tenté de joindre l’Ambassade de France pour donner l’alerte. Mais les réseaux étaient saturés. Militaire en poste à L’Ambassade c’était mon devoir de le faire et aussi je voulais avoir la permission de rester sur place afin de donner un coup de main. Je sais qu’il y aurait beaucoup de victimes de nationalité française, car j’en avais rencontré un certain nombre durant ces vacances sur l’île. Je connaissais le Consul Honoraire de Phuket et de par mon métier j’avais l’habitude de gérer des situations extrêmes. Malheureusement je n’ai pu joindre personne avant 3 à 4 heures après avoir quitté Khao Lack. Nous n’avons pu avoir des contacts téléphoniques que vers Surat Thani.

 

Le gendarme de permanence n’avait toujours eu vent de la catastrophe et m’avait souhaité un joyeux Noël !! J’ai eu du mal à le convaincre ainsi que la 1ère Conseillère de l’ampleur de la catastrophe car aucune nouvelle n’était arrivée à Bangkok. J’ai su plus tard que les autorités locales avaient bloquées toutes communications afin de ne pas affoler le public, notamment les touristes…

 

J’ai appris aussi plus tard que la station de détection d’Hawaï avait alerté les autorités thaïlandaises d’un risque de tsunami. Mais que l’alerte, qui aurait sauvé beaucoup de vies, n’avait pas été diffusée car les hautes autorités étaient en vacances et qu’on ne pouvait pas les déranger pour un « risque » de tsunami. Mais surtout, qu’il ne fallait pas affoler les touristes en pleine période des fêtes !

 

Après avoir alerté l’Ambassade, nous avons contacté le maximum de nos amis, pour d’abord nous assurer qu’ils sont sains et saufs. Et que s’ils sont à Bangkok, qu’ils se rendent à l’Alliance Française pour se mettre à la disposition des autorités françaises, qui vont certainement avoir besoin d’aide. Quand j’ai pu joindre mon patron, j’ai demandé de retourner à Phuket pour aider, après avoir mis ma compagne dans l’avion à Surat Thani pour Bangkok. Il avait refusé et m’avait donné l’ordre de rejoindre Bangkok au plus vite.

 

Arrivé à Hua Hin, où nous avons fait étape pour laisser reposer la voiture et nous restaurer un peu (même si ça ne passe pas). J’ai pu joindre par téléphone ma petite sœur en France pour la mettre au courant et pour la rassurer. Elle m’avait lancé un « Joyeux Noël mon frère ! ». Les nouvelles du tsunami n’avaient pas encore été diffusées au public en France…

 

Rentrés dans la nuit à Bangkok, incapables de dormir, nous sommes allés à nos bureaux respectifs afin de donner un coup de main. Je suis allé à la Mission Militaire et ma compagne à son bureau de l’IRASEC situé à l’Alliance Française.

 

Pour moi, cela a été une des périodes les plus pénibles et stressantes de ma vie, que celle de l’après tsunami. Le plus affreux c’est de répondre par téléphones aux familles qui sont à la recherche de leurs proches disparus. L’angoisse après coup, c’est de savoir qu’on s’est échappé d’une catastrophe de cette ampleur sans une égratignure. Et que l’on est en vie, alors que des milliers d’autres ont perdu la leur.

 

Quelques semaines après, on m’a renvoyé à Phuket pour assister et soutenir logistiquement les équipes françaises de la Gendarmerie et de la Police d’identification des victimes de catastrophes. Nos équipes étaient les premières arrivées sur place dès le 29 Décembre 2006, dont un Breguet Atlantique et un Transall venant de Djibouti avec un hélicoptère à bord. Ils ont participé aux premières recherches. La Thaïlande nous a demandé notamment de retrouver le corps du petit-fils du roi qui faisait du jet-ski escorté de 2 vedettes devant le Khao Lak Paradise où nous prenions notre petit-déjeuner.

 

La procédure d’identification des corps, auquel j’ai participé, a duré un peu plus d’un an. Les équipes qui se sont relayées tous les 3 mois ont fait un travail long et difficile, avec ses images douloureuses, ses moments de désespoir mais aussi d’espoir, et ses anecdotes… Mais ceci est une autre histoire !

 

Voilà le témoignage d’un rescapé chanceux, 20 ans après. Louis

 

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1 COMMENTAIRE

  1. Ce récit est bouleversant. Je me souviens très bien de ce jour. Le hasard m’a également sauvé du Tsunami, j’avais initialement prévu de passer mes vacances à Koh Phi Phi, mais ensuite, j’ai changé d’avis et suis allé à Koh Chang avec ma compagne. C’est là que nous avons appris le désastre et mesuré la chance que nous avions eue.

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