C’est avec enthousiasme que Gavroche vous propose une série historique en trois épisodes, fruit de la collaboration entre Eiman Caze et la rédaction. Eiman Caze est auteur d’un documentaire remarqué sur les relations entre le Siam et la France durant la Première Guerre mondiale.
Épisode 2 / Juillet 1918 : le débarquement à Marseille
Le 30 juillet 1918, 1284 soldats siamois débarquent au port de Marseille. Leur mission est de soutenir les forces alliées engagées sur le front en France. Mais les choses ne se passent pas comme prévues. Les soldats français sont dépassés par cette présence siamoise qui tient plus de raisons diplomatiques que stratégiques.
Le 22 juillet 1917, la Thaïlande annonce officiellement entrer en guerre contre l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie. Immédiatement, les autorités réquisitionnent les entreprises et une douzaine de navires allemands présents sur place. Tous les ressortissants ennemis présents dans le royaume, un peu plus de 300 personnes sont mis sous surveillance.
Deux mois plus tard, le gouvernement lance un appel à volontaires afin de constituer le corps expéditionnaire qui partira combattre sur le front en France. Au total 1284 hommes seront sélectionnés. Ils sont divisés en deux groupes, un corps d’aviation constitué de 414 pilotes et mécaniciens et le corps des transports fort de 870 personnes : des conducteurs, des mécaniciens, ainsi que du personnel médical et de soutien.
Une fois l’entraînement et les préparatifs terminés, le corps expéditionnaire, sous le commandement du général Phraya Bijai Janriddhi, embarque le 20 juin dans le SS Empire et arrive à Marseille le 30 juillet 1918. Une fois sur place, le corps d’aviation est envoyé dans les camps d’entraînement d’Istres, Avord et de Pau, tandis que le corps de transport est transféré dans un camp à Lyon, où il reçoit une formation de base avant de rejoindre la Champagne, derrière le front.
Sur place, les troupes siamoises sont très mal accueillies par les Français. Les supérieurs de l’armée tricolore confondent les Thaïs avec les troupes indochinoises. Et ce n’est que le début. Les relations entre les soldats siamois et les officiers français vont être de plus en plus tendues. Malgré le fait qu’il y avait beaucoup d’interprètes sur place, la communication restait quand même extrêmement difficile. Il faut dire que les Français ne comprennent pas très bien la raison de la présence de ces soldats qui s’explique davantage par des considérations diplomatiques que stratégiques.
Les archives font état de comportements condescendants voire racistes de la part des officiers français à l’égard de leurs hôtes. Dans son livre Siam and World War I : An International History, l’historien Stefan Hell raconte qu’une unité de soldats siamois désespérément perdue sur les petites routes de la campagne française n’avait plus rien à manger. Tous les Français qu’ils rencontrent sur leur chemin refusent de les aider, si bien qu’ils risquent la famine. Le groupe est finalement sauvé par des soldats américains qui acceptent de partager leurs rations.
Cette anecdote est choquante et est malheureusement loin d’être isolée. La situation sur place devient de plus en plus intenable, si bien que le Rama VI et ses conseillers envisagent même, au début de l’automne 1918, de rapatrier prématurément le corps expéditionnaire. On est clairement aux bords d’une crise diplomatique.
Eiman Caze
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