Nous avons évoqué dans nos colonnes certains évènements et certaines personnalités, tels Kosa-Pan, cet ambassadeur siamois envoyé à la cour de Versailles par le roi Narai. Mais qui était au juste ce roi Naraï dont la tiédeur bouddhique allait faire tourner bien des têtes chrétiennes et musulmanes se berçant de rêves de conversion ?
Physiquement, plusieurs témoignages français nous le décrivent ainsi: «Le roi est d’une stature médiocre, ni blanc ni noir, âgé de quarante ans, un visage large et riant, grand front, point de barbe, le nez camus et épaté qui remue tant soit peu dans son parler. Ses lèvres sont assez grosses» (André Deslandes-Boureau) ;
«Comme j’ai eu l’honneur de voir ce prince d’assez près, je puis vous faire ici son portrait. Il a la taille médiocre, les épaules un peu hautes, le visage long, le teint basané, des yeux vifs et pleins de feu qui marquent beaucoup d’esprit, et dans toute sa personne il y a un certain air de grandeur et de majesté accompagné de tant de douceur et de bonté, qu’il est impossible de le voir sans le respecter beaucoup, et sans l’aimer encore davantage» (Nicolas Gervaise) ; et «Il est assez maigre ; a de grands yeux noirs, vifs, pleins d’esprit. Il parle vite, et bredouille» (Abbé de Choisy).
Intellectuellement, il semble qu’il ait été plutôt intelligent, cultivé, grand amateur de lecture et même poète à ses heures. Choisy, encore lui, en parle ainsi : « Enfin ce roi a beaucoup d’esprit, et est fort habile. Depuis plus de trente ans qu’il règne, il a toujours fait toutes les affaires de son royaume, est tous les jours plus de huit heures à différents conseils ; est l’homme du monde le plus curieux. »
Son règne est considéré comme celui de l’apogée de la littérature classique thaïlandaise.
Mais avant d’être roi, Naraï a été jeune et son accession au trône n’était pas courue d’avance. De fait, l’absence de règles précises régissant les successions royales au trône d’Ayutthaya. Elles donnaient traditionnellement lieu à des bains de sang à la mort du souverain régnant. Il lui fallut donc faire table rase de prétendants divers dont il se débarrassa avec un opportunisme tout politique et un savoir-faire tout oriental.
A la mort du roi Prasat Thong, en août 1656, c’est son premier fils, le prince Chaï, le frère aîné de Naraï, qui se saisit du pouvoir. Pas pour longtemps, puisque dès le lendemain Naraï le dépose et le fait mettre à mort conformément à la loi du Palais édictée au XVe siècle selon laquelle un membre de la famille royale devant être exécuté est enfermé dans un sac de velours rouge et frappé à mort sur la nuque avec un gourdin en bois de santal sans qu’une goutte de sang ne soit versée.
Né en 1632, le nouveau roi a alors 24 ans ; son règne durera jusqu’en 1688, soit 32 ans.
Il commence par des guerres qui le rendent maître du fond du golfe de Martaban ainsi que de l’embouchure du Sittang et, en 1662, il occupe temporairement Chiang Mai.
Afin de trouver les fonds nécessaires à ces expéditions, Naraï réorganise les échanges commerciaux du Siam. Les hollandais ayant arraché des privilèges en faisant le blocus du Chao Phraya, Naraï prend conscience de la nécessité de trouver des concurrents à ces européens trop exigeants. Les relations avec les anglais étant tendues, il va se tourner vers les français et, en 1680, la Compagnie des Indes orientales ouvre une loge à Ayutthaya.
De 1684 à 1687, le Siam et la France échangent des ambassades qui débouchent sur la signature d’un traité. Les préoccupations de la France et du Siam sont toutefois loin d’être seulement commerciales. Naraï désire avant tout une alliance contre la Hollande ; l’ambassade française a pour mission première de convertir Naraï au catholicisme.
Ayant obtenu le droit de tenir garnison à Songkhla puis à Mergui, les français décident de poster aussi des troupes à Bangkok pour mieux contrôler le pays. Mais cette présence militaire étrangère non justifiée par les circonstances provoque une réaction nationaliste des Siamois en 1688.
En mai, Naraï tombe malade. Phaulkon, son premier conseiller, est exécuté ainsi que trois prétendants potentiels au trône et Phra Phetracha, un frère de lait du roi, se saisit du pouvoir.
Quelques persécutions contre les catholiques et les français sont perpétrées mais les soldats du fort de Bangkok sont autorisés à se replier sur Pondichéry.
Xavier Galland
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Ce roi ne dit ni oui ni non ce qui vu d’un côté c’est oui, d’un autre non, et d’un autre encore pt’et qu’oui pt’et ben qu’non. Dire oui ou non c’est risquer un conflit, une guerre, une rupture de l’ordre naturel mais avant tout social. Chacun sa place ! Le siamois d’hier et d’aujourd’hui fait tout pour éviter l’éviter au mieux il sourit (de moins en moins), le plus souvent vous ignore ou feint de vous ignorer ; aujourd’hui il est aidé de son portable. Peut être vous regarde t’il mais sur son écran. Surtout ne pas insister ça peut tourner mal, très mal. Pas de contact physique, le wai, le sourire paratonnerre. Le Farang, lui, indigné vitupère contre le manque de politesse généralisé… grandeur et misère de l'”Autre”, cet autre si lointain… la tenue des moines locaux et certains de leurs rites ont pu faire penser à nos missionnaires d’antan, ignorant que l’habit ne faisait pas toujours le moine, qu’une partie du chemin vers la “vraie religion” était faite. Un peu de latin et d’eau bénite devaient suffire… Eh bien non ! Au diable les billevesées venue d’ailleurs… et que ça décampe et vite !
A lire à ce propos ” histoire du Siam et de la Thaïlande ” de Jean Michel Kaufmann pour ceux qui seraient intéressés… je précise n’avoir aucun intérêt particulier dans la vente de ce livre ; Je l’ai lu et pour quelqu’un qui ne connaissait rien à l’histoire du royaume, c’est une bonne initiation.
Ce qui n’est pas dit dans cet article est que l’ambassadeur de Louis XIV emportait quelques pieds de vigne dans ses bagages qui furent, les vignes, pas les bagages, à la base de la viticulture thaïlandaise. J’ai oublié le nom du cépage qui est devenu aujourd’hui le ‘White Malaga”