Les experts des droits de l’homme des Nations unies ont exprimé aujourd’hui leur profonde inquiétude face à l’utilisation de plus en plus sévère par la Thaïlande des lois sur la lèse-majesté pour limiter les critiques à l’encontre de la monarchie. Ils se sont déclarés alarmés qu’une femme ait été condamnée à plus de 43 ans de prison pour avoir insulté la famille royale.
Nous reproduisons ici un communiqué du Haut Commissariat de l’ONU pour les droits de l’homme
Le 19 janvier, Mme Anchan Preelert, une ancienne fonctionnaire de 60 ans, a été condamnée à ce que l’on pense être la peine la plus sévère du pays en vertu des dispositions sur la lèse-majesté, pour avoir, selon certaines informations, publié des clips audio critiquant la monarchie sur sa page Facebook entre 2014 et 2015. Son cas a été soulevé pour la première fois par les experts indépendants de l’ONU en 2016. Elle a d’abord été jugée par un tribunal militaire et condamnée à 87 ans de prison. Sa peine a été réduite de moitié lorsqu’elle a avoué les violations alléguées après que son affaire ait été transférée à un tribunal civil à la mi-2019. La décision a fait l’objet d’un appel.
“Nous demandons instamment à la cour d’appel de réexaminer le cas d’Anchan Preelert conformément aux normes internationales en matière de droits de l’homme et d’annuler la lourde peine» estime le comité des experts de l’ONU
“Nous avons souligné à plusieurs reprises que les lois de lèse-majesté n’ont pas leur place dans un pays démocratique”, ont déclaré les experts de l’ONU. “Leur application de plus en plus sévère a eu pour effet de refroidir la liberté d’expression et de restreindre davantage l’espace civique et la jouissance des libertés fondamentales en Thaïlande”.
Profondément troublés
“Nous sommes profondément troublés par l’augmentation du nombre de poursuites pour lèse-majesté depuis la fin de 2020 et par les peines de prison plus sévères”, ont-ils déclaré.
Tout en soulignant leur dialogue constructif et continu avec le gouvernement sur cette question, les experts ont rappelé qu’en vertu du droit international des droits de l’homme, les personnalités publiques, y compris celles qui exercent la plus haute autorité politique, comme les chefs d’État, sont légitimement sujettes à des critiques. “Le fait que certaines formes d’expression puissent être considérées comme offensantes ou choquantes pour une personnalité publique ne suffit pas à justifier l’imposition de sanctions aussi sévères”, ont-ils déclaré.
“Nous demandons aux autorités de réviser et d’abroger les lois sur la lèse-majesté, d’abandonner les charges contre tous ceux qui font actuellement l’objet de poursuites pénales et de libérer ceux qui ont été emprisonnés pour avoir exercé leurs droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique”, ont déclaré les experts.
En savoir plus:
Les experts :Mme Irene Khan, Rapporteur spécial sur le droit à la liberté d’opinion et d’expression, Mme Leigh Toomey (Présidente-Rapporteuse), Mme Elina Steinerte (Vice-Présidente), Mme Miriam Estrada-Castillo, M. Mumba Malila, M. Seong-Phil Hong, Groupe de travail sur la détention arbitraire, M. Clément Nyaletsossi Voule, Rapporteur spécial sur les droits de réunion pacifique et d’association.
Les rapporteurs spéciaux et les groupes de travail font partie de ce que l’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Les procédures spéciales, le plus grand organe d’experts indépendants du système des droits de l’homme des Nations unies, est le nom général des mécanismes indépendants d’enquête et de surveillance du Conseil qui traitent soit de situations spécifiques à des pays, soit de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire ; ils ne font pas partie du personnel des Nations unies et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et travaillent à titre individuel.
Remerciements à Philippe Bergues