En réponse à la peine de prison record infligée à Anchan P. par un tribunal thaïlandais ce mardi 19 janvier après sa condamnation pour lèse-majesté et crimes informatiques, Amnesty International vient d’émettre un communiqué particulièrement virulent.
Nous reproduisons ici un communiqué d’Amnesty International
“Cette affaire choquante est une nouvelle atteinte grave à l’espace de liberté d’expression qui disparaît en Thaïlande peut on lire dans le communiqué. Le nombre croissant de personnes accusées et détenues en vertu de la loi de lèse-majesté démontre la volonté implacable des autorités thaïlandaises de faire taire la dissidence. La peine extrême prononcée aujourd’hui en est un bon exemple et montre pourquoi cette loi est incompatible avec le droit international des droits de l’homme. La diffamation ne devrait jamais faire l’objet d’une condamnation pénale au départ, et encore moins d’une peine de prison extrêmement longue comme celle d’aujourd’hui»
“Anchan a déjà subi un traitement épouvantable depuis son arrestation en 2015, y compris une détention préventive de plusieurs années, dont certaines au secret.
“La manière dont elle a été condamnée est également effrayante. La façon dont les autorités ont manifestement cherché à maximiser les peines en multipliant les accusations criminelles envoie un message clair de dissuasion aux 50 millions d’internautes thaïlandais.
“Les autorités thaïlandaises doivent mettre un terme à leur répression de la dissidence pacifique. Le gouvernement doit abroger ou réviser de manière significative les lois qui bâillonnent la liberté d’expression en ligne et hors ligne, comme l’infraction de lèse-majesté et la loi sur la criminalité informatique utilisée dans le verdict d’aujourd’hui”.
Contexte de la condamnation
Anchan P., un vendeur de nourriture et ancien fonctionnaire, a été accusé de 29 chefs d’accusation d'”insulte à la monarchie”, ou lèse majesté, en vertu de l’article 112 du code pénal thaïlandais et des dispositions de la loi sur la criminalité informatique. Elle a été arrêtée en janvier 2015 et détenue pendant près de quatre ans jusqu’en novembre 2018, date à laquelle elle a été libérée sous caution.
Anchan a d’abord été détenue au secret dans un camp militaire pendant cinq jours avant d’être transférée dans un centre de détention et s’est vu refuser à plusieurs reprises la mise en liberté sous caution.
Le tribunal a condamné Anchan pour avoir prétendument partagé et téléchargé sur des médias sociaux des clips d’un talk-show en ligne qui aurait fait des commentaires diffamatoires sur la monarchie.
Anchan a plaidé coupable aux accusations et a reçu une peine consécutive de trois ans pour chacune des 29 infractions à la lèse-majesté, soit 87 ans – la condamnation la plus sévère au titre de l’article 112 à ce jour.
La peine a été réduite de moitié, à 43 ans et demi, en raison du plaidoyer de culpabilité d’Anchan. L’article 112 du code pénal prévoit une peine de trois à quinze ans d’emprisonnement par infraction.
Alors que les protestations pacifiques s’intensifient tout au long de l’année 2020, les autorités thaïlandaises ont repris l’utilisation du délit de lèse-majesté en novembre de la même année, n’ayant pas porté de nouvelles accusations en vertu de la loi depuis mars 2018.
Plus de 220 personnes, dont des enfants, sont actuellement poursuivies pour leur participation présumée à des manifestations pacifiques tout au long de l’année 2020. Parmi elles, des dizaines ont été accusées de sédition et de lèse-majesté.
La Thaïlande est un État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui protège le droit à la liberté d’expression en vertu de l’article 19. Le Comité des droits de l’homme des Nations unies, l’organe de traité chargé d’interpréter le PIDCP, a déclaré que “l’emprisonnement n’est jamais une peine appropriée” pour les délits liés à la diffamation tels que la lèse-majesté.