Différents parcours ou jeux dans les arbres fleurissent un peu partout en Thaïlande. A l’origine de cette activité, deux jeunes Français, aujourd’hui à la tête d’une société regroupant quatre parcs d’accrobranche. Leur idéal : que le royaume s’approprie le concept d’éco-tourisme.
Baïlan, sur l’île de Koh Chang. De la jungle s’élèvent parfois de grands cris. A vous hérisser les poils sur le dos. Les plus superstitieux des Thaïlandais pourraient croire au retour de leurs fantômes les plus effrayants. Il n’en est rien. Mais il faut s’enfoncer un peu plus dans la forêt pour y voir plus clair. Et attendre qu’un nouveau cri nous fasse lever les yeux au ciel. C’est alors qu’apparaît un être apparemment humain, glissant sur un câble à toute vitesse. Autour de lui, d’autres personnes se jettent dans le vide, marchent sur des petits ponts de bois reliant deux arbres à quinze mètres de hauteur. D’autres encore se suspendent au bout d’une liane comme de vrais singes. Ces derniers semblent s’amuser à voir ainsi des humains retourner maladroitement à leurs racines…
Nous sommes sur les terres du Tree Top Adventure Park. Ici, près de deux mille mètres carrés de jeux sont installés à la cime des arbres. Dans la plus grande sécurité. Les participants sont harnachés à des câbles via des baudriers. Reste juste à trouver le courage de sauter dans le vide, glisser sur un câble à vingt mètres du sol, ou s’asseoir sur un vélo qui vous mènera d’un arbre à un autre. Pour bien faire, les Français qui ont monté cet accrobranche se sont pliés aux normes de sécurité européennes. A sa création il y a sept ans, le parc a reçu l’aval d’une société spécialisée française. Et il est aujourd’hui régulièrement contrôlé par des experts venus d’Europe (certification AFNOR).
Le parc est aussi bien fréquenté par des touristes étrangers que par des Thaïlandais vivant sur l’île ou venus ici en congés. Ce jour-là, nous croisons Jane (son prénom…), assise à la réception. Elle travaille sur l’île et vient ici pour la première fois : « Malheureusement, je n’ai pas osé me lancer, avoue- t-elle. C’est trop impressionnant, j’ai peur. Peut-être une prochaine fois ». Son collègue, Lek, la rejoint : « Moi, je n’ai pas hésité une seule minute ! Mais une fois là-haut, oui, j’ai failli reculer plus d’une fois, surtout quand il a fallu se jeter sur la tyrolienne géante ! Mais je ne regrette rien car j’ai ressenti des sensations très fortes. C’est vrai qu’il faut quand même être sportif car il y a des échelles à monter, se hisser sur des cordes, et avec la chaleur, c’est dur. »
Valeur ajoutée
« Quand nous avons monté ce parc, l’activité en était à ses balbutiements en Asie, nous explique l’un des deux créateurs, Jonathan Odet. Il y avait deux parcs de ce type dans la région, un à Bali et un dans le nord du Laos. » Après avoir parcouru toute l’Asie du Sud-Est et surtout la Thaïlande au cours de nombreux voyages, Jonathan et son associé Ronan Brient ont eu envie de poser leurs valises quelque part. « L’envie de faire quelque chose de bien dans ce pays. On voulait créer une activité qui pouvait apporter une valeur ajoutée au pays. Pas juste monter un restaurant ou un bar. C’était l’envie également de développer le concept d’éco-tourisme en Thaïlande, une manière de lutter contre la croissance exponentielle des hôtels de luxe sur les côtes. Notre parc est installé en bord de mer, mais la nature est restée intacte. Nos jeux s’intègrent dans le paysage et sont invisibles depuis le large. »
Pour monter cette toute nouvelle société, Jonathan et Ronan se sont associés à un Thaïlandais, Nantapol Khaimuk. « C’est ma tante, qui vit en France, qui m’a présenté Jonathan et Ronan. Je voulais à l’époque monter ma propre affaire et travailler avec la nature. Je savais que ce projet serait bénéfique à la Thaïlande. Notre pays possède des paysages et des forêts tropicales humides vraiment uniques, mais malheureuse- ment la plupart des gens pensent que le développement passe par la construction de bâtiments en béton et la destruction des forêts. Un parc d’aventures comme le nôtre prouve que l’on peut s’amuser dans la nature. Et en faire une activité rentable. J’espère que le succès de Tree Top va amener les gens ici à changer d’opinion sur les moyens de développement en Thaïlande. » A ce titre, Nantapol et ses deux associés français ont reçu en 2010 et 2014 une prestigieuse récompense de l’Office du tourisme thaïlandais (TAT).
Savoir-faire local
Aujourd’hui, l’aventure continue. Le parc de Koh Chang a vu le jour début 2007. D’autres ont suivi : à Pattaya, Krabi, et depuis peu à Kanchanaburi. Sur ce dernier, Jonathan est particulièrement fier du travail accompli : « Sur ce parc, nous avons mixé plusieurs savoir-faire, nous sommes à la pointe des nouvelles techniques de construction dans le monde et nous allons toujours plus loin dans la création de nouveaux jeux ludiques et sensationnels. Un autre parcours y sera construit dans six mois, et nous allons y intégrer de la via ferrata, une traversée de la rivière Kwaï et des tyroliennes géantes. »
A chaque fois, le projet se fait en partenariat avec les habitants de la région. A Kanchanaburi, c’est le propriétaire thaïlandais du terrain qui a fait appel à eux. A Krabi, le parc s’est installé sur un terrain communal. A chaque passage, une redevance est reversée à la collectivité. Et à chaque fois, le recrutement se fait sur place. Aujourd’hui, la compagnie embauche, directement ou via ses filiales, vingt personnes dont quinze Thaïlandais, les autres étant Laotiens, Birmans ou Philippins.
Les Français ont mis en place leur propre système de formation, calquée sur le diplôme européen CQP/OPAH. « La qualité et la sécurité sont de niveau européen, affirme Jonathan. Il y a plusieurs échelons, du simple accompagnateur au gérant, en passant par le sauveteur et le constructeur. Aujourd’hui, nous sommes fiers de dire que nous avons formés en Thaïlande de vrais professionnels, de niveau largement équivalent aux Européens. Un spécialiste qui nous a rendu visite récemment m’a même confié que les Thaïlandais travaillaient beaucoup plus vite et plus efficacement. J’affirme même que nos parcs ici en Thaïlande sont beaucoup plus originaux et imaginatifs que beaucoup de parcs français. »
Au Tree top de Koh Chang, la maison mère, l’équipe est quasiment la même depuis le début de l’aventure. Tous sont devenus des spécialistes, mais surtout, des passionnés. Lek, le chef d’équipe, était là à la construction du parc. « J’ai tout appris sur le tas. Ils m’ont choisi, je pense, pour ma connaissance des arbres. Et aussi parce que je savais très bien monter aux arbres à mains et pieds nus. Ça, ça les a impressionnés ! Mais j’ai appris tout le reste avec eux. Aujourd’hui, c’est toute ma vie, je fais ce travail depuis sept ans et je ne compte pas en changer. J’aime travailler dans les arbres et voir les gens s’y amuser. » Une chose est sûre : tous, ici, savent maintenant ce qu’est l’éco-tourisme.
Aurélie Bérard