Le gouvernement thaïlandais a décrété hier l’état d’urgence dans la capitale thaïlandaise pour 60 jours. Cette mesure, qui donne des pouvoirs étendus aux forces de sécurité, répond avant tout aux menaces d’attentats qui visent les manifestants depuis les attaques du week-end dernier et implique un peu plus l’armée dans le conflit. Explications.
Prayuth, le chef de l’armée, qui s’était jusqu’à maintenant opposé au décret de l’état d’urgence, estimant que la situation sécuritaire ne le justifiait pas, s’est finalement résigné.
Si d’aucuns pourraient y voir un rapprochement de l’armée avec le gouvernement, il n’en est rien.
Le soutien de l’armée, qui a la confiance des opposants, contrairement aux forces de police, est avant tout dissuasif. Il va permettre de renforcer le dispositif sécuritaire autour des manifestations et de déterrer d’éventuelles attaques contre les manifestants.
Prayuth l’a encore affirmé ce matin, les soldats n’interviendront qu’en cas de nécessité, à savoir comme force d’interposition entre les deux camps si la situation venait à s’aggraver.
Les attaques à la grenade du week-end contre les manifestants (un mort et des dizaines de blessés) et la tentative d’assassinat de ce matin contre un leader des Chemises rouges pro-gouvernementales à Udon Thani, gravement blessé par balle, rapprochent pourtant un peu plus les miliaires d’une intervention dans un conflit politique où ils ne voulaient pas être mêlés, du moins sur le terrain.
Ces groupuscules armés non identifiés, qui cherchent à faire basculer le conflit dans la violence, ont déjà sévi lors des événements précédents, en 2007 et 2008 contre les Chemises jaunes anti-Thaksin et en 2010, quand des soldats anti-émeutes avaient été la cible d’une attaque par des « hommes en noir » venus se mélanger à la foule de Chemises rouges.
Les auteurs et les commanditaires n’ont jamais été identifiés, même si de nombreuses hypothèses ont été émises ou que certains groupuscules extrémistes sont connus des services de sécurité du gouvernement et de l’armée.
Ce que l’on peut affirmer avec certitude, c’est que ces hommes qui agissent dans l’ombre sont présents des deux côtés du conflit.
L’état d’urgence entré en vigueur hier ne devrait pas pour autant entraîner de changements majeurs dans la stratégie passive des autorités pour faire face aux milliers d’opposants qui bloquent plusieurs artères de Bangkok depuis plus d’une semaine et qui tentent, sans grand succès pour le moment, de paralyser l’administration en assiégeant les agences gouvernementales un peu partout dans la capitale et dans le sud du pays.
Suthep, le chef de file de la rébellion, a répondu hier soir à Yingluck en déclarant devant ses supporters que l’état d’urgence ne les empêchera pas de mener leurs opérations et qu’ils forceront chaque barrage que les forces de l’ordre mettront en travers de leur route.
Il a toutefois incité ses partisans qui craignent de se faire arrêter de rentrer chez eux.
L’état d’urgence donne de nombreuses prérogatives aux forces de sécurité qui peuvent détenir toute personne soupçonnée de participer aux manifestations, décréter le couvre-feu, interdire à tout étranger de quitter le territoire et contrôler la presse.