Les réactions de la presse thaïlandaise sont virulentes et négatives face au fait que la chaîne Thai PBS ait décidé de retirer son interview avec le ministre des Affaires étrangères de Taïwan, Joseph Wu, suite aux injonctions de l’ambassade de la République Populaire de Chine à Bangkok.
Sur le site Thai Enquirer, l’éditorialiste politique Erich Parpart affirme que « la Chine n’a pas le droit de dicter aux médias d’autres pays lesquels ils peuvent ou ne peuvent pas interviewer ». Et ajoute que cette décision du retrait de cet entretien avec Joseph Wu est liée à la gestion gouvernementale (thaïlandaise) de la chaîne Thai PBS. Tout en précisant qu’il s’agit d’une grave atteinte à la souveraineté nationale. « La Thaïlande n’est pas une province chinoise et le gouvernement doit cesser de traiter le pays comme tel simplement pour obtenir des gains économiques provenant des investissements et des touristes chinois » ajoute Erich Parpart. Cette affaire se juxtapose à une autre hier où, le Tourism Authority of Thailand (TAT) avait annoncé un peu rapidement qu’il autoriserait des patrouilles de la police chinoise sur le sol thaïlandais pour protéger les touristes chinois des escrocs et mafieux provenant du pays de Xi Jinping. Mais cette proposition avait été vite contredite par le général Torsak Sukmivol, chef de la police royale (RTP), lors d’une conférence de presse conjointe avec le président de la Commission de la sécurité de la Chambre des représentants, Rangsiman Rome (du MFP). Et confirmée plus tard par le Premier ministre Srettha Thavisin en personne.
La Chine veut imposer à l’extérieur de ses frontières une omerta sur toute discussion sur Taïwan
Ce qui a déplu à la République Populaire de Chine dans l’interview est que « Wu a propagé des arguments fallacieux en faveur de l’indépendance de Taïwan et a visiblement attaqué la proposition de réunification pacifique de la Chine », tel écrit sur la déclaration de l’ambassade de Chine à Bangkok. Ce à quoi, le ministre des Affaires étrangères taïwanais a répondu, non sans humour, sur le réseau social X (ex Twitter), « trop drôle pour être vrai ! La Chine se classe parmi les pires pays du monde en matière de liberté de la presse, mais donne des leçons à la presse thaïlandaise sur la manière d’être libre. Portons un toast à la Milk 8 Tea (Alliance des militants pro-démocratie en Asie) et disons à la RPC de m’embrasser les pieds et de quitter la ville ».
Selon le dernier rapport de Reporters sans Frontières, la Chine se place à la 179ème place sur 180 pays évalués pour la liberté de la presse. Elle ne devance que la Corée du Nord dans ce classement. « La Chine n’a aucune raison de faire la leçon à un autre pays sur la liberté de la presse, car il n’y a pas de liberté de la presse en Chine ; c’est vraiment inacceptable » enfonce Parpart, l’éditorialiste de Thai Enquirer. La Chine peut rejeter l’interview aussi fermement qu’elle le souhaite, mais cela ne signifie pas que Thai PBS devrait la retirer simplement pour plaire au gouvernement chinois. Le peuple thaïlandais a le droit d’entendre les deux côtés du débat, et les deux gouvernements n’ont pas le droit de censurer l’un des deux côtés », clame Erich Parpart.
Cette ingérence de la Chine sur la liberté de la presse thaïlandaise a entraîné beaucoup de réactions outrées d’internautes thaïlandais et même des soutiens à Taïwan sur le Facebook de l’Ambassade de la République de Chine Populaire. Le journaliste-star thaïlandais, Pravit Rojanaphruk, figure de la liberté d’expression et reconnu comme tel, a réagi ironiquement par ces mots : « nous devons nous demander ce que les médias thaïlandais vont offrir à propos de Taïwan à l’avenir. Devons-nous appeler l’ambassade de Chine pour l’approbation d’abord ? »
Philippe Bergues