Une analyse de Philippe Bergues
Alors que tous les yeux sont fixés sur le sort du parti Move Forward qui sera connu ce mercredi 7 août, la classe politique thaïlandaise regarde aussi avec grand intérêt la date du 14 août. Ce jour-là, le tribunal devrait rendre sa décision sur la destitution ou non de l’actuel premier ministre Srettha Thavisin au sujet de l’affaire Pichit. La controverse l’impliquant concerne la nomination de l’ancien détenu Pichit Chuenban au poste de ministre du cabinet du Premier ministre lors du dernier remaniement, bien que Pichit ait rapidement démissionné. Qui pourrait devenir chef de gouvernement au cas où Srettha soit empêché ?
Anutin, un accord avec le Pheu Thai pour diriger le futur gouvernement ?
Dans la coalition gouvernementale actuelle, les possibles recours à la fonction ne sont pas légion. Le Pheu Thai avait nommé Chaikasem Nitisiri et Paetongtarn Shinawatra au poste lors des dernières élections de 2023 en compagnie de Srettha Thavisin. Or, il se dit que Chaikasem, qui va avoir 76 ans le 26 août, à la santé fragile et que Paetongtarn, la cadette des Shinawatra, serait gardée comme la solution du Pheu Thai pour les prochaines élections, sur les conseils de son père. Le temps d’acquérir davantage d’expérience. Anutin Charnvirakul, leader de Bhumjaithai, deuxième plus grand parti de la coalition, qui rêve depuis longtemps du poste, a déclaré le 3 août que « les spéculations selon lesquelles il assumerait le rôle de premier ministre étaient basées sur le pire des scénarios et qu’ il n’y croyait pas réellement ».
Peut-on le croire ?
Car bien souvent chez les politiciens thaïlandais, le déni est un aveu de culpabilité ! D’autant que des photos d’Anutin avec Thaksin Shinawatra et sa famille, prises le 2 août à Khao Yai, ont fuité. Cette rencontre entre le leader de facto du Pheu Thai et le ministre de l’Intérieur, sur un lieu de villégiature, pourrait signifier un accord politique entre les deux partis qu’ils représentent, au cas où Srettha devrait renoncer à son poste.
Au moment où l’étoile du Bhumjaithai brille à double titre : avoir le plus de sénateurs issus de ses rangs lors du scrutin récent et avoir sans doute gagné la « bataille du cannabis ». N’oublions pas que la légalisation du cannabis était une idée d’Anutin et du BJT et que la re-criminalisation, fortement envisagée par Srettha, a finalement évolué vers un projet de loi visant à réglementer son utilisation. On peut donc penser qu’il sera exclu de la liste des stupéfiants. Anutin et Srettha ont donc trouvé un compromis sur cette question, compromis qui apparaît politiquement solide.
J’écrivais lors de la campagne électorale en mai 2023 dans ces colonnes, dans le portrait qui lui était consacré, qu’Anutin Charnvirakul était le faiseur de rois de la politique thaïlandaise et qu’il se voyait en pivot du futur gouvernement. Ce qu’il a été. Avec les aléas judiciaires pouvant toucher Srettha Thavisin le 14 août prochain, et le contexte du moment favorable, l’ambition d’Anutin pourrait monter d’un cran pour occuper le poste dont il rêve secrètement.
Philippe Bergues
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