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THAÏLANDE – POLITIQUE : Après le Future Forward, le Move Forward est dissous

Date de publication : 07/08/2024
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Une analyse de Philippe Bergues

 

La Cour constitutionnelle a dissous ce mercredi 7 août le parti Move Forward (MFP), le reconnaissant coupable d’avoir mis en péril la monarchie constitutionnelle et la sécurité nationale. De plus, le tribunal a également interdit à 10 dirigeants du MFP qui occupaient des postes exécutifs entre le 25 mars 2021 et le 31 janvier 2024 de se présenter aux élections, de créer un nouveau parti politique ou de participer à la formation d’un nouveau parti politique pendant 10 ans à compter de la dissolution prononcée. Les principaux bannis de toute activité politique sont Pita Limjaroenrat, ancien chef du MFP et conseiller du parti, Chaithawat Thulaton, leader du parti, Padipat Suntiphada, premier vice-président de la chambre des représentants (ou députés) qui devra démissionner de son poste.

 

Cette décision de dissoudre le MFP était-elle prévisible ?

 

Quasiment tous les observateurs avaient anticipé cette décision, à commencer par Gavroche. On sait qu’en Thaïlande tout sujet concernant la monarchie est ultra-sensible et la Cour constitutionnelle l’a encore démontré aujourd’hui, en déclarant n’avoir pas eu d’autre choix que de dissoudre le MFP pour protéger l’institution monarchique.

 

Ce, au risque d’une réprobation des démocraties occidentales partenaires de la Thaïlande, avec des chancelleries qui suivaient de très près le verdict. Car ce qu’ont fait les neuf juges aujourd’hui est d’effacer purement et simplement les 14 millions de voix des électeurs thaïlandais qui s’étaient portées sur le parti « orange » le 14 mai 2023. Ce qui faisait du Move Forward la première formation au Parlement avec 151 députés. Cette victoire n’avait pas été envisagée par les élites militaro-royalistes. Avec la peur du caractère jugé « subversif » des idées du MFP, la seule façon du tribunal de satisfaire le Palais a été d’interdire ce parti. Beaucoup verront, à juste titre, dans ce verdict une justice qui n’est pas équitable, en rayant de la carte politique le parti le plus populaire de Thaïlande.

 

Comment a-t-on abouti a une telle décision ?

 

On peut dire que la dissolution du Move Forward aujourd’hui est une répétition de l’histoire. Déjà en février 2020, le parti prédécesseur du MFP, le Future Forward, avait été dissous par la Cour constitutionnelle, estimant que le prêt de 191 millions de bahts octroyé au parti par son leader, Thanathorn Juangroongruangkit, violait la loi. Seize dirigeants du FFP furent bannis de la vie politique pendant 10 ans, dont les trois fondateurs historiques, Thanthorn, Piyabutr Saengkanokkul et Pannika Wanich (qui depuis ont formé le Mouvement progressiste, plateforme citoyenne de fabrique d’idées).

 

Le FFP s’était réincarné en Move Forward avec un nouveau leader, Pita Limjaroenrat. Les élections de 2023 ont plus que quadruplé les voix du parti « orange », ce qui a pris de court l’establishment, de même que le parti thaksinien, le Pheu Thai, qui se voyait aisément gagner. La manipulation des sénateurs (tous nommés par l’ancienne junte militaire), inversant le résultat du scrutin en refusant de nommer Pita chef du gouvernement, a déjà donné une indication forte sur la non acceptation du Move Forward pour diriger les affaires du pays. Au prix du ralliement du Pheu Thai aux partis de l’armée pour former une coalition, avec le retour d’exil de Thaksin Shinawatra en prime. On peut constater qu’à toutes les étapes clés, l’ensemble de la machine militaro-royaliste, des sénateurs conservateurs aux agences non élues (Commission électorale, Cour constitutionnelle…), a œuvré pour limiter le pouvoir du parti « orange » et le dissoudre aujourd’hui.

 

Quelles peuvent être les répercussions de cette dissolution ?

 

J’ai déjà écrit dans ces colonnes que le MFP avait anticipé toutes les hypothèses et que Sirikanya Tansakul était prête à reprendre le flambeau pour une troisième version du parti « orange ». Sur le plan national, le peuple thaïlandais va bien comprendre que ses aspirations politiques ne sont pas prises en considération. Et sans doute attendre patiemment les prochaines élections pour renforcer le camp progressiste comme vient de le dire Rangsiman Rome, influent député du dorénavant ex-MFP. « Victoire écrasante en 2027 à prévoir » a t-il déclaré.

 

Des manifestations de masse, telles celles que le pavé de Bangkok a connues entre 2020 et 2022, semblent aujourd’hui peu réalistes car les militants pro-démocratie les plus irréductibles ont bien vu que l’arsenal de l’article 112 du code pénal (crime de lèse-majesté) tournait à plein régime pour étouffer et emprisonner la voix de ses leaders. Sur le plan extérieur, les partenaires démocratiques de la Thaïlande vont se dire qu’elle est incorrigible et qu’elle sape ses propres ambitions internationales. Après cette dissolution du Move Forward, on voit mal la Thaïlande obtenir un siège de membre permanent de la Commission des droits de l’homme à l’ONU, souhait qu’elle continue de fortement exprimer. Des ambassadeurs et chargés d’affaires occidentaux (Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Suède, Pays Bas, Union Européenne, Japon, Australie, Corée du Sud) avaient récemment rencontré Pita Limjaroenrat à l’invitation d’Ernst Reichel, ambassadeur d’Allemagne à Bangkok, pour discuter de la crise démocratique en Thaïlande.

 

Le verdict d’aujourd’hui montre le long chemin démocratique qui reste à faire en Thaïlande. Il n’est pas certain que le tribunal ait rendu un grand service au pays aujourd’hui, le ressentiment des Thaïlandais d’avoir été floués ou trompés n’apaisera sans doute pas leur ressentiment envers l’ordre établi et verrouille dans le royaume.

 

Philippe Bergues

 

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