Pour le Premier ministre Prayut Chan-o-cha, les lumières de l’APEC sont à peine éteintes qu’il doit vite replonger dans la politique intérieure. Les élections générales ont été fixées au plus tard au 23 mai 2023 par la Commission électorale (soit 60 jours après la fin du mandat du gouvernement). Par conséquent, les partis politiques, majorité comme opposition, doivent élaborer leurs plans de campagne pour conserver ou regagner le pouvoir, avec des programmes moins idéologiques qu’en Europe. L’auteur de ces lignes vous écrivait la semaine dernière la forte probabilité que Prayut rejoigne le Ruam Thai Sang Chart Party (Parti thaïlandais de la nation unie). Cette formation politique étant récemment créée pour renforcer le courant pro-militaire incarné par le Palang Pracharat aujourd’hui majoritaire, et donc jouer à la fois sur le scrutin uninominal et de liste pour obtenir le maximum de députés. Or, il semblerait, selon les médias thaïlandais, que des discussions en coulisses sur la stratégie électorale des partis pro-armée aient eu lieu ce dimanche.
Lors d’une rencontre entre Prayut et Prawit dans l’enceinte du 1er régiment d’infanterie à Bangkok. 40 députés actuels du PP pourraient migrer vers d’autres partis, le RTSC (ou le Bumjiathai d’Anutin) et certains suivre ainsi le chef de gouvernement pour donner une véritable consistance politique à ce jeune parti. La raison de la « rupture » du général Prayut avec le PP tient à un désaccord d’un an avec Prawit sur le sort de l’ancien secrétaire général du parti, Thamanat Prompow, qui avait tenté fin août 2021 de mobiliser des votes de défiance contre Prayut. Dans un retournement de situation digne de la commedia dell’arte, Prawit avait finalement dicté aux récalcitrants de soutenir Prayut lors de ce débat de censure et Thamanat en avait payé le prix fort en étant limogé par Prayut de son poste de vice-ministre de l’Agriculture.
Les spéculations sur l’avenir politique du général Prayut ont commencé lorsque la Cour constitutionnelle a décidé en septembre que sa limite de 8 ans au poste de Premier ministre serait techniquement en avril 2025.
Cette décision le met, et aussi le Palang Pracharat, dans une situation difficile car il ne pourrait, en cas de victoire, rester que deux ans au pouvoir. Ce qui n’est qu’une moitié de mandat. Cette perspective a dû jouer pour que de hauts dirigeants du PP fassent valoir Prawit comme candidat Premier ministre privilégié, lui qui a déjà revêtu cet habit lors de son intérim d’un mois en septembre. Cette réticence du PP à nommer Prayut comme son poulain naturel a aussi certainement incité ce dernier à réfléchir à rejoindre le RTSC dirigé par son conseiller, Pirapan Salirathavibhaga, ancien membre des Démocrates. Cette réflexion a été confirmée par Prayut à la presse. Cependant, pour pouvoir nommer un candidat au poste de Premier ministre, le RTSC devra obtenir au moins 25 sièges (5% des 500 sièges de la Chambre), comme l’exige la constitution. Voilà pourquoi ce nouveau parti essaie d’avoir des candidats « musclés et reconnus » pour exister politiquement.
Philippe Bergues