Le jugement de la cour constitutionnelle thaïlandaise était aussi attendu comme un verdict sur la démocratie dans le royaume. La décision des magistrats de ne pas prononcer la dissolution de la troisième force politique de Thaïlande sur la base des accusations le présentant comme anti-royaliste prouve que, pour l’heure, le débat politique demeure possible et que l’opposition parlementaire peut jouer son rôle. Ses accusateurs estimaient le «Future Forward Party» lié aux «Illuminati» et coupable d’avoir tenté de renverser la monarchie thaïlandaise. Cette accusation n’a pas été retenue faute «d’élément à charge». Attention toutefois: une second plainte demeure concernant le financement du parti par son fondateur et leader Thanathorn Juangroongruangkit.
Les juges de la cour constitutionnelle thaïlandaise ont tranché sur la première accusation portée contre le parti d’opposition Future Forward (parti de l’avenir). «Il n’y a aucun élément à charge» montrant que des dirigeants clés du mouvement «ont intenté des actions contre la monarchie», a conclu mardi 21 janvier la Cour constitutionnelle, saisie de l’affaire.
Accusation meurtrière
Cette accusation pouvait être meurtrière pour la formation politique arrivée troisième au scrutin législatif de mars 2019 car la monarchie thaïlandaise est protégée par l’une des législations anti-diffamation les plus strictes du monde. Le lien présumé avec les «Illuminati» était destiné à présenter le parti comme une secte qui cherche à déstabiliser le royaume.
La seconde plainte concernant le financement de la formation va continuer d’être instruite et un nouveau jugement sera prononcé. Thanathorn, élu député, avait été déchu de son mandat de parlementaire pour avoir pris des participations dans une société de média et ne pas s’en être séparé avant les élections. Ce mardi, l’organisation de défense des droits de l’homme Amnesty International a appelé «les autorités thaïlandaises à cesser d’instrumentaliser le processus judiciaire pour intimider et harceler les dirigeants et membres de Future Forward».
Décapitation du parti
Une décapitation du parti est aussi possible, si ses dirigeants sont condamnés
L’article 92 de la loi thaïlandaise sur les partis politiques prévoit en effet que lorsque la Cour constitutionnelle dissout un parti, le droit de ses dirigeants à se présenter comme candidats à une élection est révoqué, mais il ne fixe pas de délai.
Dans la dernière affaire concernant la dissolution du Thai Raksa Chart Party au début de 2019, la Cour constitutionnelle a interdit à ses cadres de la politique pendant 10 ans.
Cadres interdits
Les cadres interdits ne peuvent pas non plus s’inscrire pour créer de nouveaux partis, devenir cadres d’un autre parti ou participer à sa création pendant 10 ans. La peine est une peine de prison de 7 à 15 ans et / ou une amende de 140 000 à 300 000 bahts.
Sile parti de l’avenir était finalement dissous, ses députés auraient deux options. Ils pourraient adhérer à d’autres partis, qu’ils soient ou non déjà représentés au Parlement. Ils pourraient également rejoindre un nouveau parti qui n’a pas encore été créé, ce qui pourrait prendre du temps et comporter certains risques.
Une éventuelle dissolution du parti pourrait susciter la colère des électeurs. Des milliers d’entre eux se sont ralliés à Thanathorn Juangroongruangkit lors de manifestations de soutien en décembre et en janvier, les rassemblements les plus importants depuis le coup d’État de 2014 qui avait placé une junte militaire au pouvoir, dirigée par le général Prayut Chan-O-Cha.
Ce dernier, grâce au soutien d’un Sénat nommé entièrement par les militaires, est à la tête du gouvernement civil depuis les législatives de 2019, mais il ne dispose que d’une faible majorité parlementaire.