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THAÏLANDE – POLITIQUE :  Les partis politiques thaïlandais fourbissent leurs armes avant les urnes

Journaliste : Philippe Bergue Date de publication : 22/03/2022
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Thammanat Prompao

 

Une analyse de Philippe Bergue

 

Les arcanes de la politique thaïlandaise ressemblent souvent à un jeu de poker menteur. Le député et chef du New Democratic Party, Suritan Pichan, prédit que le général Prayut dissoudra la Chambre des représentants avant qu’elle ne se réunisse à nouveau le 22 mai prochain, déclenchant une élection générale en juin ou juillet 2022. Cela survient alors que l’ennemi juré du Premier ministre, Thamanat Prompow, a pris vendredi un poste clé au sein de la direction du New Economics Party récemment relancé qui, sur le papier, reste un partisan de la coalition gouvernementale actuelle.

 

Une série d’indices concordants pour des élections générales anticipées.

 

Les chances qu’une élection générale soit déclenchée en Thaïlande avant la réouverture du Parlement le 22 mai prochain augmentent compte tenu de la confluence des facteurs qui sont apparus. La principale d’entre elles est une série de lois organiques qui progressent dans le processus parlementaire. Celles-ci révolutionneraient le système de vote et la répartition des sièges pour la prochaine Chambre des représentants. L’adoption de cette mesure verrait le pays revenir à un système à deux tours pour différents types de sièges à la Chambre avec 400 sièges de circonscription et 100 sièges de listes de parti remplaçant les 350 sièges et 150 sièges de liste de parti en 2019. Projet grandement soutenu par les « grandes formations » politiques qui se verraient avantagées par leur solide ancrage local.

 

Le parti pro Thaksin

 

Rappelons que lors de l’élection législative partielle dans la 9ème circonscription de Bangkok, le 30 janvier dernier, le parti pro-Thaksin a écrasé la concurrence en faisant quatre fois plus de voix que le Palang Pracharat, parti à la tête de l’actuelle coalition gouvernementale. Se refusant à tout commentaire sur une possible dissolution, le Premier ministre Prayut réfléchira jusqu’au 22 mai prochain, pour prendre sa décision finale, d’écourter ou non son mandat qui court jusqu’en mars 2023. Car sa coalition de seize partis est gravement affaiblie, avec une capacité rapportée à présenter 248 députés lors d’un vote critique à la Chambre des représentants, 208 étant contrôlés par l’opposition.

 

La question cruciale est de savoir que feraient les 21 députés, proches de Thamanat Prompow, exclus du Palang Pracharat en début d’année ? Continueraient-ils à soutenir Prayut lors d’un vote de défiance ou provoqueraient-ils la chute du gouvernement ? Dix-huit d’entre eux ont suivi Thamanat dans son aventure au New Economics Party dont il est devenu le secrétaire général, trois ont rejoint Anutin dans les rangs du parti Bhumjaithai. Il se murmure que même le chef du Palang Pracharat, le puissant vice Premier-ministre Prawit Wongsuwan, frère d’armes de Prayut et l’ayant sauvé d’une motion de censure fin août 2021, ne serait pas en capacité certaine de trouver une majorité si un nouveau vote de défiance avait lieu. Et évidemment, Prayut ne se risquera pas à une telle humiliation ce qui pourrait le contraindre à la dissolution de la Chambre basse.

 

Les premiers ministrables dans les starting blocks

 

Les partis se préparent donc en attendant de voir si Prayut va dissoudre. Chaque Premier ministrable potentiel semble dans les starting-blocks. Ce dimanche à Udon Thani, Paetongtarn Shinawatra a été présentée comme la cheffe de projet d’une campagne visant à attirer de nouveaux membres pour le Pheu Thai. Entrée en politique au second semestre de 2021, la fille aînée de Thaksin a refusé de dire si elle pourrait éventuellement se présenter comme candidate du parti à la tête du pays. Elle a déclaré que « le Pheu Thai doit non seulement gagner les élections, mais aussi être le parti central d’un nouveau gouvernement afin que la politique du parti soit mise en œuvre ». Les intentions sont on ne peut plus claires d’autant qu’elle souhaite « renforcer le nombre de militants du parti ». Est-elle partie sur les traces de Thaksin ou de sa tante, Yingluck, pour amener une Shinawatra aux plus hautes responsabilités dans le royaume ? Néanmoins, d’autres hommes politiques influents regardent aussi de près cette possible convocation d’élections générales et y pensent « en se rasant ». A commencer par le vice-Premier ministre détenant le portefeuille de la santé publique, Anutin Charnvirakul, leader du parti Bhumjaithai.

 

Celui-ci n’a pas caché son ambition de devenir un jour Premier ministre et le rôle pivot de son parti dans l’échiquier politique thaïlandais pourrait le conduire à marchander au mieux sa place dans une future coalition. Quant au Move Forward Party, révélation des élections de 2019 sous son ancien nom Future Forward (dissous en février 2020 en même temps que ses trois principaux dirigeants se soient vus interdits d’exercer un mandat), ses leaders actuels Pita Limjaroenrat et Rangsiman Rome s’opposent à une réforme du scrutin électoral car une baisse de députés élus à la proportionnelle handicaperait leur représentation à la Chambre basse.

 

Quelle issue finale ?

 

Dissoudra ? Dissoudra-pas ? Prayut possède toutes les cartes en main pour choisir, ses prérogatives constitutionnelles lui permettent. S’il estime qu’une forte probabilité existe à voir son gouvernement renversé, il gardera le contrôle de la situation en décidant d’une dissolution. Et travaillera sa campagne pour de nouvelles élections dans un contexte économique morose, avec une baisse de la croissance et des Thaïlandais mécontents de ne pas voir l’industrie touristique vite repartir. Il lui faudra alors compter avec des adversaires politiques solides qui ont anticipé ce scénario.

 

Philippe Bergue

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