Ce week-end est apparue sur la plateforme Youtube la chanson « We are refugees » interprétée par Romchalee Yammi Faiyen et produite par Yan Marchal, adaptation d’une chanson du chanteur français HK.
Romchalee Yammi Faiyen est une réfugiée politique thaïlandaise à Paris qui appartient au groupe folk-rock Faiyen (« Feu froid » en thaï). Menacés dans leur exil laotien à cause de l’acidité de leurs paroles contre la monarchie siamoise, ce groupe a fait l’objet d’une campagne de sensibilisation internationale pour les sauver d’une issue dramatique. Ils ont obtenu en juillet 2019 l’asile politique en France après que trois militants républicains thaïlandais aient disparu le 11 décembre 2018 à Vientiane.
Yan Marchal, expatrié français en Thaïlande depuis 2003 s’est fait refouler fin novembre 2021 à l’aéroport de Phuket lors de sa ré-entrée sur le sol thaïlandais alors que ses vidéos parodiques contre les militaires et le gouvernement Prayut atteignaient les 600 000 followers sur TikTok. Craignant d’être accusé de crime de lèse-majesté, il avait préféré sur le moment ne pas faire appel de son expulsion. A ce jour, il n’a pas reçu de charges officielles contre lui de la part des autorités thaïlandaises et son avocate à Bangkok, Natalie Bergman, suit son dossier.
La chanson « Réfugiés », une idée commune des deux protagonistes
Ayant l’habitude de travailler ensemble sur des clips parodiques diffusés sur les réseaux sociaux, Romchalee Yammi Fayen et Yan Marchal ont eu l’idée d’adapter cette chanson française en l’honneur des exilés politiques thaïlandais, de leur combat militant contre la monarchie et pour les libertés démocratiques. Le clip montre Yammi assise en position du lotus chanter cette balade « accusatrice » et mélancolique, accompagnée d’un défilement d’images où l’on peut voir l’histoire tragique personnelle des réfugiés politiques thaïlandais depuis le coup d’Etat de 2014.
On peut y voir entre autres la militante Ancharn Preelert, condamnée à 43 ans de prison pour avoir partagé du contenu sensible sur les réseaux sociaux, Ampon Tangnokappul condamné à 20 ans de prison pour quatre SMS envoyés et mort d’un cancer lors de son incarcération. De même que Daranee Charnchoengsilpakul, plus connue sous son surnom « Da Torpedo », morte d’un cancer en mai 2020 après 8 ans de détention pour des discours lors de manifestations contre la junte.
Le clip rappelle aussi que depuis le début du règne du roi Varajilalongkorn, 9 réfugiés politiques ont disparu au Vietnam, au Laos et au Cambodge sans que ces affaires n’aient été élucidées. Le dernier cas concernant le militant pro-démocratie Wanchalearm Satsaksit, enlevé à Phnom Penh le 4 juin 2020 et non réapparu depuis.
Nous reproduisons ci-dessous les paroles (traduites en français) de cette chanson postée sur la chaîne Youtube du groupe Faiyen :
« Réfugié / Réfugié
Au revoir les parents. La chasse avant la famille.
Adieu rêves et bonheur
Quand avoir raison se transforme en peur
Alors faut se séparer et dire au revoir
Nous ne sommes pas les premiers, nous ne sommes pas les seuls.
Nous ne sommes pas premiers, nous ne sommes pas derniers.
Réfugié… Nous sommes les réfugiés.
Ohhh réfugié… Nous sommes des réfugiés (répétez)
Voici le diable sur le trône
Il avale la fraternité, suçant le sang des gens.
Abattage sans âme et sang froid.
Qui leur a donné l’arme ?
C’est cruel C’est du sang froid.
Qui diable lui a donné une arme ?
Nous ne sommes pas les premiers, nous ne sommes pas les seuls.
Nous ne sommes pas premiers, nous ne sommes pas derniers.
Réfugié… Nous sommes les réfugiés.
Ohhh réfugié… Nous sommes les réfugiés.
“Allez, chérie. Donne-moi ta main. ”
Aujourd’hui nous allons au bout du tunnel ensemble.
Prends ma main, tiens-la si fort
Peu importe à quel point ça fait mal, nous nous en sortirons ensemble. ”
Nous ne sommes pas les premiers, nous ne sommes pas les seuls.
Nous ne sommes pas premiers, nous ne sommes pas derniers.
Réfugié… Nous sommes les réfugiés.
Oh réfugié… Nous sommes les réfugiés. »
En deux jours, la chanson a été vue plus de 10 000 fois et Yan Marchal explique que « la réaction de ceux qui l’ont vu est très positive. La chanson émeut son public, nous avons été applaudi par le chanteur original HK ». Pour le moment, elle est toujours accessible depuis la Thaïlande. En collaborant avec le groupe exilé Faiyen, Yan Marchal montre, que depuis la France, son engagement militant siamois demeure une réalité, ce dont il nous avait assuré par son désormais célèbre « Je ne vais pas me taire », deux jours après son arrivée sur le sol français.
Philippe Bergues