Notre ami et chroniqueur Philippe Bergues poursuit son exploration des méandres de la politique thaïlandaise avec un nouveau portrait. Cette fois, coup de projecteur sur Jurin Laksanawisit, leader du parti démocrate.
Jurin Laksanawisit, seul candidat des Démocrates au poste de chef de gouvernement, espère que les élections du 14 mai prochain ne tourneront pas au fiasco pour sa formation comme celles de 2019. Le plus ancien parti politique de Thaïlande avait alors perdu tous ses sièges de députés à Bangkok, son bastion traditionnel de longue date, et n’avait remporté que 53 sièges à l’échelle nationale.
Jurin, chef du Parti démocrate par défaut ?
Jurin est devenu chef du parti après la démission de son prédécesseur Abhisit Vejjajiva pour assumer la responsabilité de la défaite humiliante du parti à ces élections de 2019. Depuis cet échec électoral, bon nombre de figures du Parti démocrate ont quitté le navire comme Korn Chatikavanij, Witthaya Kaewparadai, Thavorn Senneam ou Pirapan Salirathavibhaga. Alors qu’Abhisit avait fait campagne en excluant de participer à un gouvernement dirigé par les militaires, Jurin a finalement soutenu Prayut Chan-o-cha dans sa coalition ce qui lui a permis d’être nommé vice-Premier ministre et ministre du Commerce. Mais aux yeux des électeurs et du public, cette volte-face a brouillé la lisibilité des orientations du doyen des partis politiques thaïlandais. Ce qui explique le faible impact du Parti démocrate sur la campagne électorale actuelle dont la performance mesurée par les sondages le fait arriver au mieux au cinquième rang. Pour pallier à ce déficit d’image et, peut-être à son manque de charisme, Jurin cherche à impliquer dans la campagne du parti trois de ses anciens chefs qui ont conservé leur adhésion démocrate : l’ancien Premier ministre Abhisit, le président de l’Assemblée Nationale sortante, Chuan Leekpai et Banyat Bantadtan.
Jurin, un homme politique pourtant expérimenté
Né le 15 mars 1956 dans le district Thai Muang de Phang Nga, Jurin a obtenu son baccalauréat en sciences politiques à l’Université Thammasat et une maîtrise en administration publique à l’Institut national d’administration du développement. Jurin a été élu député onze fois jusqu’à présent, six fois en tant que représentant de Phang Nga et cinq fois en tant que député de liste.
Dans le gouvernement Abhisit (2008-2011), Jurin a respectivement été ministre de l’Éducation nationale puis de la Santé publique. Durant cette campagne de 2023, Jurin veut s’appuyer sur son électorat conservateur et rester dominant dans le Sud tout en essayant de retrouver son fief de Bangkok. Ses principales propositions s’articulent autour des questions agricoles : poursuivre la garantie des prix des produits, soutenir les exportations et mettre le lait scolaire gratuit toute l’année.
Jurin va-t-il réussir son pari de redonner des couleurs aux Démocrates ? Dans la compétition politique présente, limiter la chute et mieux performer qu’en 2019 sera déjà un premier objectif à atteindre pour le plus ancien parti thaïlandais. Jurin a récemment déclaré qu’il n’entamerait aucun accord de coalition avec quiconque avant que le peuple ne vote et que les résultats du scrutin soient publiés. Retour au premier plan (comme pendant des décennies) ou parti affaibli à l’ancrage régional sudiste, tels sont les enjeux du 14 mai pour Jurin et le Parti démocrate.
Philippe Bergues