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THAÏLANDE – POLITIQUE: Qui est le Général Apirat Kongsompong, patron de l’armée et pilier du pouvoir ?

Journaliste : Philippe Bergues
La source : Gavroche
Date de publication : 18/12/2019
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Alors que la Commission électorale thaïlandaise vient de demander à la Cour constitutionnelle de dissoudre le Future Forward Party, un éclairage sur le rôle et le parcours du Général Apirat Kongsompong, commandant en chef de l’armée royale est particulièrement intéressant. Notre collaborateur Philippe Bergues, enseignant passionné par le royaume, s’est plongé dans le discours prononcé le 11 octobre par le général Apirat au QG de l’armée à Bangkok. Une lecture qui permet, rétrospectivement, de contextualiser la proposition d’interdire le «Future Forward Party».

 

Une contribution éditoriale de Philippe Bergues, enseignant et chercheur

 

Le Général Apirat Kongsompong sert la monarchie Thaïlandaise depuis longtemps. Il est le fils aîné du Général Sunthorn Kongsompong, leader du coup d’État de 1991 qui renversa le gouvernement de Chatichai Choonhavan. Diplômé de la Chulachomklao Royal Military Academy en 1985, il suivit ensuite des cours de spécialisation dans deux écoles d’aéronautique militaire aux États-Unis. Cela lui valut d’occuper un poste d’assistant auprès de l’attaché militaire de l’armée royale thaïlandaise à Washington en 1990.

 

Avec cette formation personnelle, Apirat a toujours baigné dans le discours anti-communiste dans le contexte des dernières années de Guerre froide. Après divers postes qui le virent grimper dans la hiérarchie, il fut promu chef de la 1ère division de la Garde du Roi en 2016 et a aussi commandé le 11éme Régiment d’infanterie. Apirat joua également un rôle clé dans l’intervention de l’armée contre les «Chemises rouges» à Ratchaprasong au printemps 2010 alors qu’il n’était encore que colonel. Il comptait parmi les détracteurs les plus fervents du Major Général Khattiya «Seh Daeng» Sawasdipol (dit « le commandant rouge »), partisan des chemises rouges et accusé par ses pairs de violer le code de conduite et les règles militaires. «Saeh Daeng» périt, touché par une balle en pleine tête tirée par un sniper au pied du métro aérien. C’est à la suite de cet épisode que le colonel Apirat se rapproche du chef de l’armée royale de l’époque, le Géneral Anupong Paochinda.

 

Le 11 octobre dernier, le Général Apirat Kongsompong a dressé les premiers contours du plan de sécurité nationale publié ensuite par la gazette royale, pour la période allant de novembre 2019 au 30 septembre 2022. Ce document constate que la menace géopolitique extérieure demeure insignifiante au contraire des préoccupations intérieures liées à la baisse de la foi en la monarchie et aux divisions politiques du royaume. Le plan note que la monarchie demeure le principal pilier de la nation mais que certains développements domestiques et internationaux peuvent engendrer des risques pour l’institution. L’opposition parlementaire, surtout le «Future Forward Party», et les exilés politiques, qui ne se privent pas d’utiliser les réseaux sociaux pour exprimer une voix -et une voie- différente, sont clairement en ligne de mire.

 

Complot des communistes et des gauchistes

 

Dans une conférence de presse inédite qui a suivi, le général Apirat a déclaré, dans une rhétorique rappelant la Guerre froide, que le pays était menacé par un complot orchestré par « des communistes et des gauchistes » qui cherchent à renverser la monarchie et veulent créer un soulèvement à la hongkongaise. Une accusation envers tous ceux qu’il soupçonne de vouloir démilitariser la politique thaïlandaise. Le général Apirat s’en est aussi pris à certains universitaires accusés de sympathies communistes depuis les années 1970 pour enseigner « de mauvaises choses ». Ce raisonnement manichéen, qui est le fruit d’une éducation militaire dans le contexte opposant les blocs américain et soviétique, ne peut être mis sur la place publique sans arrière-pensée.

 

Que cherche le chef de l’armée royale ?

 

En fonction jusqu’en octobre 2020, et à la condition qu’il ne soit pas renouvelé, le général Apirat ne peut, en théorie, entrer en politique qu’en 2022 si tant est qu’il le veuille et qu’il s’affilie à un parti, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à maintenant. Néanmoins, ses prises de paroles très politiques, montrent qu’il joue un rôle clé dans le paysage post-élections depuis le passage de la junte au régime de « démocrature » dirigé par Prayuth Chan-ocha. Dans une interview accordée par le leader du Parti de l’avenir Thanathorn à la revue en ligne Asia Times, celui-ci déclarait que la seule possibilité pour le général Apirat de devenir Premier ministre serait une situation de chaos qui engendrerait un coup d’État.

 

Des vues sur le pouvoir

 

Depuis, la Cour constitutionnelle thaïlandaise a destitué Thanathorn de son poste de député le 20 novembre et malgré les nombreuses remarques atterrées à l’intérieur du pays sur Twitter avec les hashtags #SaveThanathorn et #RIPThailand, force est de constater que la mobilisation de rue commence à être significative avec deux manifestations sans heurts devant le Monument de la Démocratie et devant un centre commercial de la capitale…

 

En cas de chaos grandissant, que ferait le général Apirat ? Laisserait-il Prayuth Chan-ocha, son prédécesseur et actuel Premier ministre gérer la situation ou serait-il tenté par une solution à l’ancienne, maintes fois utilisée en Thaïlande pour protéger la monarchie et les élites de l’establishment militaro-royaliste, le coup d’État ? A la lumière du passé, ces questions ne peuvent pas être évacuées

 

Philippe Bergues
Diplômé de l’Institut Français de Géopolitique – Paris 8
Professeur de lycée d’histoire-géographie

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