Rama Yade, secrétaire d’État en charge des Droits de l’homme, s’est rendue au camp de Ban Mai Nai Soi, dans le Nord de la Thaïlande, où vivent près de 20 000 réfugiés birmans. Sa visite en Thaïlande du 12 au 14 mars avait pour objectif de “renforcer les relations bilatérales” entre le royaume de Siam et la France, mais aussi de faire le point sur la situation des réfugiés qui fuient la dictature birmane pour s’installer dans le pays voisin.
Rien ne peut arrêter Rama Yade.
Les éléments semblent pourtant s’être ligués contre elle, faisant de sa visite sur la frontière birmano thaïlandaise, samedi 14 mars, sinon une mission impossible, au moins une entreprise difficile.
Des brouillards de fumée, causés par des feux de défrichage dans la région provoquent l’annulation de tous les vols entre Mae Hong Son et Chiang Mai.
Qu’à cela ne tienne, on ira en voiture !
Quatre heures de route à tombeaux ouverts, dans le tangage impitoyable des quelque 1600 tournants qui agrémentent les montagnes entre la Rose du Nord et Mae Hong Son.
La secrétaire d’Etat française aux affaires étrangères et aux droits de l’Homme émerge de sa Toyota, fraîche, ajustant à peine d’un revers de main ses beaux cheveux crépus, prête à visiter le poussiéreux camp Karenni de Ban Mai Sai Noi, à une dizaine de kilomètres de la frontière birmane.
Vingt mille Karennis vivent depuis une quinzaine d’années dans cette ville de bambous accrochée aux flancs des collines de l’extrême nord-ouest thaïlandais.
Comme beaucoup des minorités réfugiées en Thaïlande, ils ont fui les exactions de l’armée birmane et sa guerre impitoyable contre les guérillas ethniques.
Ouvrant ses grands yeux de biche étonnée, Rama Yade interroge les Karennis par le truchement d’une interprète, s’enquière des conditions de vie dans le camp, annonce que la France va donner 150.000 euros supplémentaires pour les réfugiés sur la frontière birmano-thaïlandaise.
« Ouh là, là! J’ai trop chaud », lâche-t-elle.
Mais là où beaucoup de nos ministres se seraient réfugiés dans l’atmosphère climatisée d’un cinq étoiles de la ville, Rama Yade poursuit son programme sans relâche.
Visite de l’atelier d’Handicap International, puis rencontre avec les enfants d’un internat : une cinquantaine de bambins qui ont été séparés de leur famille par la guerre ou le hasard.
14h30 : c’est l’heure du retour si l’on veut attraper le vol pour Bangkok puis celui de Paris.
Et re-quatre heures de route virevoltante à décrocher le cœur des plus valeureux de nos diplomates.
Salon d’honneur de l’aéroport de Chiang Mai.
L’ambassadeur Laurent Bili, qui n’a pas perdu son flegme une seconde de la journée, esquisse un sourire satisfait.
« Rama », comme l’appelle son entourage, se pose sur un sofa et consulte des documents au dessus d’une assiette de gâteaux.
Elle décoche un de ses sourires à faire fondre le plus endurcis des reporters de guerre.
Elle sait qu’elle est devenue aujourd’hui la personnalité politique française la plus populaire parmi les Karennis.
Interview pour Radio France Internationale à une heure du décollage.
La secrétaire d’Etat répond aux questions sur la Birmanie, le Sud de la Thaïlande, évoque le Darfour et l’Afghanistan.
« La lutte contre le terrorisme, c’est normal, mais ce n’est pas incompatible avec le respect des droits de l’Homme », dit-elle à propos du Sud Thaïlandais.
Sa vive intelligence rayonne, sa maîtrise des dossiers est impressionnante.
Une conversation que l’on poursuivrait pendant des heures s’il était permis.
Mais, les impératifs ministériels nous rappellent aux réalités.
L’attachée de presse, attentive, fait signe qu’il faut arrêter l’entretien.
L’avion part dans quelques dizaines de minutes, puis, c’est le retour à Paris dans la nuit de samedi à dimanche.
« J’imagine qu’elle s’est ménagée une journée de repos demain », glisse un diplomate.
Arnaud Dubus (à Mae Hong Son)