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THAILANDE – RETRAITE: Retraite au soleil : Thaïlande, nouvel eldorado ?

Journaliste : Marie Normand
La source : Gavroche
Date de publication : 12/09/2018
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Les oiseaux migrateurs ne sont pas toujours ceux que l’on croit. La communauté expatriée francophone en Thaïlande compte de plus en plus d’hommes et de femmes d’âge mûr, décidés à jeter l’ancre dans un pays où, à les écouter, la vie serait bien plus belle.

 

Chacun a une bonne raison de s’envoler pour l’ancien royaume de Siam. Annie, 62 ans, originaire du Sud-Ouest de la France, vit depuis mars 2004 à Koh Samui. L’exil ne lui a jamais fait peur: «J’ai eu la chance de pouvoir résider longtemps à l’étranger, à Singapour, Hong Kong, Washington et Londres, et c’est pour cela sans doute qu’au moment de la retraite, j’ai recherché en dehors de l’Hexagone un point de chute ensoleillé toute l’année.» Pour Claude, ancien tourneur sur métaux de 70 ans, la décision a été prise à la réception d’une facture d’électricité: «Quand je l’ai lue, je me suis dit: C’est bon, je m’en vais! En trois mois, j’ai plié bagages.» Bénéficier d’un meilleur train de vie sous les cocotiers: la comparaison entre une retraite en Thaïlande et une retraite en France est rapide. Pour Guy, le coût de la vie serait près de quatre fois moindre en Thaïlande: «Nous vivons bien ma femme et moi, avons deux voitures, une femme de ménage, et possédons trois propriétés, dont un spa que nous venons de terminer. Tout cela financé en grande partie sur ma pension de retraite et l’héritage d’un pavillon en France». Pour Jean, c’est l’attrait de la vie moins chère mais aussi la stabilité politique du pays, son hygiène et son climat qui l’ont incité à s’expatrier. Ce baroudeur de 67 ans a finalement posé ses valises dans un pays où, selon ses termes, il pouvait «finir sa vie tranquillement». Sans pour autant s’ennuyer, car ici les activités et les clubs ne manquent pas. Rolfe, 57 ans, énumère à n’en plus finir les différents loisirs disponibles à Pattaya, où il réside depuis deux ans: «On trouve des clubs de sport, mais aussi des regroupements par nationalité, ou même des clubs de végétariens! Sans compter les deux clubs d’expatriés qui sont une vraie mine d’informations et qui sont parfois d’une grande aide aux retraités, depuis les problèmes d’immigration jusqu’aux soucis de santé.»

 

« Il faudrait vraiment avoir un caractère de pit-bull terrier pour ne pas parvenir à s’adapter à la culture “mai pen rai” des Thaïlandais »

 

«Le principal avantage, c’est qu’il y a toujours des choses à faire. A Bruxelles, en novembre, sous la pluie, il y en a déjà moins!» renchérit Philippe. Quant à Michel, installé à Chiangmai avec sa compagne thaïlandaise, il apprécie de vivre comme un «demi-riche» avec sa petite retraite qui lui était à peine suffisante pour subvenir à ses besoins en France. «J’avais à peine de quoi manger une fois le loyer et les charges payées. Ici, je vis bien et je prends l’avion comme on prend le train en France» avance-t-il.

 

Du côté des destinations, les préférences se tournent le plus souvent vers les plages: 42% des retraités français répertoriés seraient installés dans le secteur de Pattaya et Chonburi, et 17% à Phuket selon le consulat de France à Bangkok. Cependant, certains préfèrent d’autres régions plus tranquilles. Jean, par exemple, s’est vite lassé de l’afflux touristique propre aux stations balnéaires: «Phuket n’est plus la Perle du Sud, regrette-t-il. Il y a trop d’étrangers, l’ambiance avec les Thaïlandais s’en trouve dégradée. Je veux me retirer en Issan. Là-bas, je ne trouverai pas d’hôpital international ni de supermarché, mais je retrouverai la vraie Thaïlande.» Michel a préféré l’air peu pollué de Chiang Mai, «une ville qui possède un [hypermarché] Carrefour, de bons hôpitaux, et même certains consulats.» Quant à Claude, il s’est installé à Phitsanulok, «en plein milieu des rizières», pour se rapprocher de sa belle famille. Philippe et Liliane eux ont choisi Bangkok, pour se rapprocher de leur fils, marié à une Thaïlandaise. «Après une dizaine de voyages pour voir notre fils et nos petits-enfants, nous nous sommes trouvés devant un choix: on a hésité deux minutes et demie!», sourit Philippe, qui a pris une retraite anticipée. Le couple a plié bagages et quitté Bruxelles en 2000, bien décidé à «profiter de la vie».

 

L’expatriation des plus de 50 ans : une tendance croissante

 

Vous l’aurez peut-être deviné, l’expatriation est typiquement masculine: le consulat estime que 88,5% des retraités français en Thaïlande sont des hommes. «L’homme seul» pour commencer, est de loin le profil le plus commun. Il vit principalement à Pattaya ou sur les plages de Patong et ne reste pas seul très longtemps, une beauté locale succombant rapidement à ses charmes. Une nouvelle jeunesse! Plus rare, «la femme seule et heureuse de l’être», qui demande tolérance et autonomie. «Ma situation de femme seule est unique, je crois, affirme Annie. Souvent, la présence des jeunes compagnes thaïlandaises de certains “farangs” me met un peu mal à l’aise.» Au contraire, «la femme seule et qui ne souhaite pas le rester» aura, elle, beaucoup de mal à s’installer et à trouver chaussure à son pied. «Les étrangers ont à leur disposition une main d’œuvre locale beaucoup plus attractive, jeune et apparemment soumise», souligne une retraitée. Mais la Thaïlande ne compte pas que des retraités solitaires; certains couples décident aussi de faire le pas ensemble. On rencontre quelques «couples solides», comme Philippe, 56 ans et Liliane, 62 ans. «Pour que ça marche, il faut que l’expatriation soit un projet commun, explique Philippe. Si seulement une des deux personnes veut partir et tire l’autre, le projet est voué à l’échec.» Dernière catégorie malheureusement fréquente, «le couple qui bat de l’aile»: ici, c’est souvent le cas, l’union explosera.

 

Quel que soit leur profil, les retraités français sont visiblement de plus en plus sensibles aux charmes du royaume si l’on en croit les chiffres du consulat de France en Thaïlande. Selon leur registre, le pays compte 685 retraités français (sûrement davantage si l’on tient compte des non-enregistrés). Leur proportion au sein de la communauté des Français en Thaïlande est passée de 4% en 1992 à 10,3% en 2004. Le consulat estime que ce chiffre atteindra 12,8% en 2005. Une donnée qui concerne aussi nos voisins européens. Une source proche de l’ambassade d’Allemagne à Bangkok confie que le vieillissement de la population allemande expatriée commence à poser des problèmes, notamment en terme de personnel susceptible d’assurer les habituels services aux expatriés. Même si la proportion de retraités parmi les expatriés français augmente, le groupe peine cependant à former une véritable «communauté». Pas de clubs de bridge ou de fans de Pyramide réservés au troisième âge, et visiblement, cela ne manque pas. «J’avoue avoir plus de plaisir à rencontrer des touristes en vacances et à recevoir chez moi ma famille et mes amis, consent Annie. Et puis franchement je préfère les jeunes. J’ai aussi quitté la France pour ne pas me retrouver dans la catégorie “troisième âge”, être à la retraite est déjà suffisant!» Michel, retraité de la RATP qui approche des 60 ans, ne recherche pas non plus la compagnie de personnes du même âge: «Je vis seul avec ma compagne, explique-t-il. Au début, je jouais aux boules à l’Alliance Française, mais avec des gens bien plus vieux que moi, ça me mettait le bourdon.» Les clubs de boulistes, comme celui de Pattaya, qui se réunit trois fois par semaine, semblent les seuls à s’adresser spécifiquement aux retraités. Philippe et Liliane avouent qu’une de leur principale activité est de recevoir des invités, famille ou amis, entre quatre et cinq mois par an.

 

Jean-Paul, 59 ans, vit dans un condominium à la périphérie de Chiangmai. Cet ancien fonctionnaire a pris sa retraite à l’âge de 55 ans, après 28 années de travail de nuit à la poste. En 1991, lors d’un voyage organisé, il se rend en Thaïlande pour la première fois. Il est alors divorcé. Ce premier voyage est une révélation pour lui, un vrai coup de foudre. Il visite Chiangmai et dès lors, ne pense qu’à y retourner. Il revient deux ans plus tard. Ensuite, beaucoup d’autres voyages suivront, dont trois très rapprochés pour cause de «rencontre». Jean Paul est très vite «tombé dans le panneau» comme il dit, amoureux d’une Thaïlandaise, rencontrée dans un bar à Bangkok. Le gentil Jean-Paul rembourse encore aujourd’hui les dettes occasionnées par la jolie fille. «Un passage très court, mais pénible, qui m’a laissé sur la paille.» Lorsque la retraite arrive en 2001, Jean-Paul revient encore une fois à Chiangmai et rencontre son amie actuelle, masseuse de profession. Il reste un mois et rentre à Angers, tout en gardant le contact avec la jeune fille et se donne 14 mois de réflexion avant de prendre la décision de tout quitter. Il liquide alors tous ses biens très rapidement et s’installe à Chiangmai, ne rentrant que brièvement en France chaque année.

 

Jean-Paul trouve en Thaïlande de nombreux avantages: le coût de la vie, qui lui permet de vivre beaucoup mieux ici avec sa retraite, le côté affectif aussi, la facilité pour rencontrer des jeunes filles, tout en ne se laissant pas griser par le décor, l’exotisme et la beauté des créatures locales. «Pour nous les hommes, ici, il y a le choix. Mais à manipuler avec prudence et à consommer avec précaution. Maintenant, j’ai pris du recul, je donne de l’argent à ma copine pour l’aider, mais une somme établie, elle vient quand j’ai envie de la voir.»

 

Il apprécie aussi le calme des Thaïlandais, cette absence de stress. «Quand je suis revenu en France, je n’ai plus supporté le comportement colérique des gens». Il aime bien son quartier, complètement thaïlandais, et apprend le thaï pour pouvoir communiquer. L’intégration? «Franchement, je n’ai pas éprouvé beaucoup de problèmes d’intégration parce que j’avais cette passion du pays et je l’ai toujours.» Chiangmai ? « J’aime beaucoup Chiangmai, mais je vais parfois à Pattaya, quand la mer me manque.» Les inconvénients? «Le comportement sur la route des Thaïlandais qui m’empêche de faire du vélo dans la ville. J’aime le cinéma et je regrette de ne pas pouvoir voir davantage de bons films. J’aimerais qu’un vidéo-club français ouvre à Chiangmai.» Les amis? «Quand je vais en ville, je vais voir les gens de la communauté française qui ont des affaires, sinon je reste dans mon quartier.» Le futur? «J’aimerais bien trouver une occupation. C’est actuellement mon souci. J’ai été dirigeant du SCO (le club de foot d’Angers) pendant 8 ans, j’ai lu dans Gavroche qu’une école de foot s’était créée, j’aimerais bien les contacter et proposer mes services…»

 

Alain, 63 ans, Belge, à la retraite depuis 6 ans, marié depuis 41 ans à Clara, une Française, a toujours beaucoup voyagé. Il connaît la Thaïlande depuis 68 et a toujours vécu à l’étranger et le couple arrive d’ailleurs d’Australie «Et surtout, on n’a jamais vécu en Europe, j’étais cadre de société d’assurance. J’ai vécu 22 ans en Afrique, 22 ans dans le Pacifique, 7 ans en Australie. Avec notre mentalité de nomades, qui pour moi a commencé avec mes parents que j’ai suivis en Afrique, on a toujours un besoin de changer d’air.»

 

Pourquoi la Thaïlande ? «Des raisons économiques bien sûr, on a ici une qualité de vie ici supérieure à l’Europe. Des raisons géographiques aussi, la Thaïlande est bien placée entre l’Europe et le Pacifique. Des raisons pratiques enfin, un bon réseau routier et ferroviaire, une qualité de service médical. Donc en faisant un bilan, le côté positif est plus important que le négatif. Pour le moment!»

 

Alain et Clara sont arrivés dans le royaume en novembre 2001. «Nous avons passé cinq mois dans un hôtel à Bangkok et nous avons analysé, demandé conseil à des amis.» L’intégration? «Difficile à cause de la différence de culture et le comportement des gens ici qui nous partage «entre la haine et l’amour» comme disait un ami.»

 

Chiangmai ? «Le négatif, je le vois surtout à Chiangmai.» Alain a des mots très durs pour la ville, qu’il juge totalement «sinistrée» . «A cause de l’indiscipline des Thaïlandais qui jettent leurs sacs poubelle partout, de la difficulté pour marcher en ville, véritable parcours du combattant, de la pollution qui en quatre ans a énormément augmenté, du manque de transports publics, etc. Sincèrement, c’est la seule ville au monde possédant de tels atouts, une très belle ville qui pourrait être un bijou. Il faudrait tout repenser, les gens s’ennuient. Il y a des gens bien ici, mais on ne les voit jamais. Le Français est individualiste et n’a pas l’esprit «club» comme l’Anglo-saxon.»

 

Les amis ? Il aimerait créer un groupe sélectionné de francophones avec lesquels il aurait des affinités, avec comme pôles d’intérêt des activités touristiques et physiques. «Faire des voyages, en Birmanie ou en Malaisie, il y a plein de possibilités et je me sens tout à fait capable d’organiser cela.» Le futur ? «Pour nous, la seule option, c’est d’alterner ici et ailleurs. Ne pas rater la saison fraîche, la meilleure, et partir ensuite quatre ou cinq mois. Il faut trouver une solution… L’esprit nomade, c’est de ne jamais vouloir se fixer, acheter ou investir. On a deux enfants qui vivent dans le Pacifique Sud et un jour ou l’autre, on reprendra nos bagages.»

 

Clara ne fait que confirmer les propos de son mari mais en insistant sur les inconvénients: la barrière du langage qui réduit beaucoup les contacts, le tissu social francophone peu développé et surtout l’éloignement familial qui l’empêche de voir grandir ses petits-enfants. Elle ne pense pas forcément avoir fait le bon choix en s’installant à Chiangmai et pense à la Nouvelle-Zélande…

 

Faire le grand saut

 

S’installer en Thaïlande ne vient souvent à l’idée de ces expatriés qu’après plusieurs voyages. «On est d’abord touriste, séduit par le pays, les gens et en particulier les filles pour ces messieurs, l’environnement, la qualité de vie, la mer, les cocotiers et la valeur de nos euros» confie Annie. Sauter le pas et s’expatrier est pourtant bien différent d’un séjour dans le pays. Même si la vie semble plus facile à l’ombre des cocotiers, il n’est pas aisé d’abandonner famille, amis, petites habitudes et tout le confort de l’Hexagone. Sans compter que les inconvénients de l’expatriation ne se décèlent souvent qu’une fois installé: la Thaïlande des vacances est très différente de la Thaïlande au quotidien. Pour commencer, la chaleur, comme prévient Annie, de Koh Samui: «Avoir chaud en vacances c’est normal. D’un bout de l’année à l’autre, même avec les ventilateurs et la climatisation, cela peut être un inconvénient majeur pour beaucoup, car on devient plus fragile avec l’âge.» Un autre point faible, à en croire plusieurs témoignages, se trouve être les relations avec la population locale. «En vacances, on a apprécié le personnel des hôtels et les gentilles serveuses qui ont un beau sourire et sont toujours prêtes à nous aider. Mais dans la vie de tous les jours, la population locale est beaucoup plus distante» déplore cette même retraitée. Beaucoup regrettent de ne pas compter de véritables amis parmi leurs voisins. «Les coutumes sont différentes, les références scolaires aussi, on ne rit pas des mêmes choses», confie un retraité de 72 ans qui souhaite conserver l’anonymat. Un point de vue partagé par Michel, 59 ans: «Il ne faut pas se leurrer, on sera toujours considéré comme des étrangers.» «Le problème, renchérit Jean, c’est qu’on n’est jamais accepté comme un véritable résident. On doit aller pointer à l’immigration tous les trois mois et on doit toujours payer les entrées de parcs nationaux plein pot. Ma femme ne paye pas, mes enfants non plus, mais moi oui!» Cependant, Philippe note que les Thaïlandais ont beaucoup de respect pour les gens âgés, «un respect qui n’existe plus en Europe» selon lui. Guy se veut rassurant en indiquant qu’il «faudrait vraiment avoir un caractère de pit-bull terrier pour ne pas parvenir à s’adapter à la culture “mai pen rai” des Thaïlandais.»

 

Une retraite en Thaïlande ne s’improvise pas, et ceux qui sautent dans le premier avion à destination de Bangkok après un séjour d’une semaine dans le royaume ne peuvent s’attendre qu’à de sérieuses déconvenues. La plupart des retraités interrogés conseillent aux personnes intéressées de commencer par un essai «grandeur nature» (louer une maison pendant plusieurs mois afin de s’habituer au climat, aux gens, à la vie de tous les jours) pour voir si les inconvénients n’anéantissent pas les avantages. D’autres recommandent de conserver un logement en France et de ne passer en Thaïlande que six à huit mois par an, pour ne pas totalement rompre avec ses racines.

 

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