London Escorts sunderland escorts
Home Accueil THAÏLANDE – SOCIÉTÉ : Halloween est-il compatible avec le Tom Yum ?

THAÏLANDE – SOCIÉTÉ : Halloween est-il compatible avec le Tom Yum ?

Date de publication : 02/11/2024
1

Halloween Pattaya

 

Une chronique siamoise et sociétale de Patrick Chesneau

 

Pour emprunter à l’immense poète martiniquais Aimé Césaire, les Thaïlandais sont “poreux à tous les souffles du monde”. Ils font leur miel des influences venues des cinq continents. Sans oublier les quatre coins de la planète. En y ajoutant, comme de juste, leur génie propre. Ils tamisent, adaptent, parfois détournent, recyclent et réinterprètent les apports extérieurs. On est là dans une sémiotique extrêmement subtile. Subvertir les codes. La thainess est une formidable machine à intégrer les mouvements du monde et à les assimiler selon les normes et les spécifications psychiques et mentales du peuple du Siam, lui-même d’essence composite. Une tomette supplémentaire dans la mosaïque originelle. Rites et croyances d’ailleurs sont acceptés avec enthousiasme, voire frénésie, pour peu qu’ils entrent en résonance avec les fondements d’une culture orientale séculaire. Jusqu’à former une symbiose harmonieuse à partir du substrat identitaire thaï.

 

Concrètement, tout est bon pour faire la fête. Ce qui donne lieu à célébration sous d’autres latitudes trouve un écho favorable en Thaïlande. Comme si la culture originelle était un terreau se nourrissant à jet continu d’éclectisme.

 

La parenthèse hautement spirituelle de Awk Phansa (prononcer hok pannsa) à peine refermée, marquant la fin de trois mois de carême bouddhique, un autre engouement prend place : Halloween. Tradition anglo-saxonne s’il en est mais ferveur identique partout dans le Royaume. Mention particulière toutefois accordée aux villes et centres urbains.

 

Le peuple du bas Mékong cultive la beauté et la recherche inlassable de l’harmonie. Tendre vers un idéal de concordance, de synchronisme, de corrélation et d’analogie dans la société. Certains y voient une exploration du compromis et de la voie médiane. Simultanément, dans les tréfonds de l’âme thaïe, l’attirance est vivace pour le morbide, ce que l’Ouest américanisé appelle le gore. Cette tendance lourde est maquillée très commodément pour prendre l’apparence d’un jeu de société. “Sanook sanook” (drôle, plaisant). Halloween est rituellement prévue le 31 octobre de chaque année, veille de la fête chrétienne de la Toussaint. Autant dire une coutume pour le moins exotique, exogène et insolite dans un pays bouddhiste à 90%. Qu’à cela ne tienne.

 

Citrouilles évidées

 

Beaucoup s’étaient munis à l’avance de citrouilles évidées, les illuminant de l’intérieur à l’aide de bougies. Précisément là où se situent les orifices des yeux. Indice supplémentaire du goût des thaïlandais pour les créations ludiques. Pour la circonstance, sont convoqués sorcières et fantômes. Squelettes et ectoplasmes sont extirpés du placard. Crânes et figures démoniaques exhibés. A cette précision près que le décorum venu de l’Ouest n’a rien à voir avec les pratiques mystiques des Thaïlandais.

 

Croyances et superstitions abondent. Pour se protéger des mauvais esprits qui hantent leur psyché, les Thaïs portent des amulettes, appelées phra kreuang et se font tatouer des symboles de protection, dont la signification ésotérique échappent aux Occidentaux néophytes. C’est l’univers du Sak Yant, les tatouages bouddhistes. Surtout, les thaïlandais craignent par dessus tout les phii, esprits tourmentés parfois maléfiques et fantômes “punitifs” prenant possession des individus. Il faut s’en prémunir par le biais de moult offrandes et avant tout les amadouer. Désamorcer leur colère et leur ressentiment à l’égard des vivants.

 

Dans le cas d’Halloween, on cherche à faire peur, à effrayer mais tout aussitôt, il est impératif de neutraliser l’angoisse. Le rire est l’unique finalité. On s’amuse de ces rituels abracadabrantesques venus de si loin. On se déguise, façon de se prouver qu’il n’y a rien à craindre. L’accoutrement qui sied à Halloween, capes et chapeaux pointus, endosse une valeur cathartique. Sans oublier le masque, peut-être un vestige de l’époque COVID, histoire de compléter la panoplie de circonstance. Provoquer sur commande des frissons d’horreur. Les échines saisies d’effroi. Comment apprivoiser et adoucir les esprits très intrusifs puisant leur origine dans les contes et légendes populaires d’Europe et d’Amérique ?

 

Incidemment, observons que l’univers fantasmagorique farang se fracasse dans l’inévitable confrontation avec les traditions du Siam. Il est désorienté quand ces dernières, à l’inverse, ont l’avantage d’être à domicile, terrain familier. A peine débarqués dans le biotope tropical, des escouades de lutins et de gnomes effrayants, se sont folklorisés sans coup férir et, ce faisant, rendus inoffensifs.

 

Divertir et réjouir

 

On leur assigne une unique mission : divertir et réjouir les foules, friandes par nature d’intense jubilation. Constat imparable : la signalétique quelque peu macabre d’Halloween devient tout de suite prétexte à une forme d’enchantement et de joie insouciante. Pour s’en convaincre, il suffit d’une déambulation dans les quartiers fréquentés par les jeunes et dans les moyens de transport qu’ils empruntent. Dans le métro aérien BTS ou souterrain MRT de Bangkok, on croise de bien étranges silhouettes. De fait, la tradition locale résiste aux modes du grand large avec une stupéfiante vitalité.

 

Mieux encore : la thainess embellit.

 

Patrick Chesneau

 

Chaque semaine, recevez Gavroche Hebdo. Inscrivez vous en cliquant ici.

1 COMMENTAIRE

  1. Une confusion ou du moins une inexactitude semble exister chez notre chroniquer insuffisamment informé sur les fêtes chrétiennes et les rites qui les accompagnent. La “Toussaint”, au 1er novembre, est la fête de “tous les saints”. Le jour suivant, le 2 novembre c’est la fête des morts. Encore un indice de l’américanisation rampante et certains diront de la “déchristianisation” galopante que Jérôme Fourquet analyse si finement pour la France.

    Voir Arnold Van Gennep : ” Le folklore français”, ed R. Laffont, coll. bouquins, 1999, 4 volumes et “les rites de passage”, 1924, disponible en édition électronique sur le site de l’Université de Quebec : “UQAC”.

    Si un parallèle hardi peut être fait avec “Halloween” c’est avec le 2 novembre, un recyclage planétaire de traditions anglo-saxonnes vaguement anti-chrétiennes, sataniques pour certains, et un indice fort de l’américanisation du monde. Un autre indice de l’américanisation “culturelle” de l’Europe fût l’ouverture de Disneyland à Marne-la-Vallée le 10 avril 1992.

    Mais, sans doute, par delà les cultures, la perpétuation de l’art d’apprendre à être mort, un art de poser et cultiver un continuum entre les vivants et les morts, tous les morts et chacun de nous. Le fantôme ou l’esprit rôdeur et omniprésent est l’intercesseur entre les mondes, aussi faut-il le circonvenir et le célébrer. Ici et là, partout. Ici dans les plus petites offrandes de nourriture et de boissons que des pailles lui permettront d’absorber par sa bouche presque entièrement obturée puisqu’il ne parle plus ; là par la substitution de nourriture, dont l’offrande est encore pratiquée dans les vieux cimetières d’Athènes, remplacée par nos chrysanthèmes génétiquement modifiés.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Les plus lus