Phénomène étonnant, ces trois dernières années plusieurs youtubeurs français ont choisi de faire rayonner leurs chaînes à partir du pays du Sourire. Ces animateurs vidéo aux profils divers semblent avoir trouvé en Thaïlande un point d’attache en commun, à 9400 kilomètres de leur audience. Raisons économiques, pratiques ou artistiques ? Découvrez ce qui pousse ces jeunes entrepreneurs numériques à s’expatrier.
Biologie, animalerie et développement personnel : a priori, rien ne relie les trois Youtubeurs français des chaînes « Dirty Biology », « Toopet » et « Vert Feuille ». Pourtant, ces trois hommes ont décidé de tourner une partie de leurs vidéos et faire fructifier leurs projets en Thaïlande. Le pays n’a pas été pour eux l’élément déclencheur de leur vocation ou l’objet de leur travail. Il leur a servi de refuge privilégié, où réaliser leurs vidéos était encore plus excitant et stimulant. Un hazard pour Léo Grasset de Dirty Biology, une envie ancienne pour Tanguy de Saint Sauveur de Toopet ou un véritable tremplin pour Emilio Abril de Vert Feuille, la Thaïlande se pose en terrain fertile pour les graines du web.
Comme un décor de cinéma, le pays est vidéogénique. Les temples feuillus du Nord ou la forêt d’immeubles de Bangkok dépaysent l’internaute français devant son écran. « Pour une prochaine vidéo sur la perception de la couleur, je vais montrer que le rose n’existe pas. L’épisode sera en partie au lac Talay Bua Dang à côté d’Udon Thani, fameux pour ses lotus roses », détaille Léo, fondateur de Dirty Biology.
Une échappée créative à faibles coûts
A cette époque, Léo avait déjà entretenu un blog sur ses recherches au Zimbabwe dont il avait ensuite tiré un livre, Le coup de la girafe. Avec des sujets abordés comme : « Quel rapport entre une foule de supporters sportifs et un troupeau de gazelles ? » ou «le point commun entre les tétons humains et le pénis des hyènes », le ton accrocheur et accessible de Dirty Biology était donné. «J’avais déjà envie de faire une chaîne Youtube avant de vivre en Thaïlande, mais c’est parce que je vivais là-bas que j’ai pu réaliser ce projet, explique-t-il. Comptant uniquement sur mes économies, j’aurais tenu trois mois en France. En Thaïlande j’en ai tenu douze. »
Le faible coût de la vie thaïlandaise a aussi été un coup de pouce pour Emilio Abril. Sa chaîne de bien-être Vert Feuille traite de développement personnel, de nutrition et de sport (« Comment réduire le stress? », « Sortir de sa zone de confort », ou « Muscu vegan : quelles protéines choisir », par exemple). Elle a atteint les 100 000 abonnés en un an et demi. Le jeune Bordelais avait démarré en France avec quelques vidéos sur l’arrêt du tabac. Quelques mois plus tard, observant d’autres youtubeurs-voyageurs, il arrête ses études d’informatique et prend un aller simple pour Bangkok. Son pari : s’investir à 100% dans le life-coaching via ses vidéos et les formations en ligne qu’il développe. « Au début, j’étais assez stressé par le manque d’argent, mais j’ai réussi à vivre pour pas cher ici et à lancer mon projet entrepreneurial », confie-t-il. Emilio gagne dorénavant sa vie confortablement grâce à ses formations. Son best-seller, le programme de douze semaines « Booster sa confiance en soi » comprend aujourd’hui 220 membres. « Mes vidéos Youtube sont des capsules. En dix minutes, elles donnent seulement un aperçu de mes connaissances », précise-t-il.
Ce terreau d’idées et d’impulsions nouvelles, le vidéaste scientifique Léo l’a lui aussi ressenti : « Comme je venais de débarquer dans un nouveau pays, je me posais beaucoup de questions et ça a généré plein d’idées d’épisodes. En plus, j’étais en colocation avec d’autres Français du milieu de la composition sonore et de l’animation. C’était comme une colonie de vacances créative. »
Nomade, showman et businessman
De nouveaux pays, Léo en a visité beaucoup pour sa chaîne mais revient au moins une fois par an en Thaïlande. Islande, Birmanie, Madagascar, Canada. Le Youtubeur de 28 ans parcourt le monde, l’appareil photo sur l’épaule, sans jamais vraiment poser bagage. Quant à Emilio, il déménage tous les trois mois. Vivant aujourd’hui à Bangkok, le jeune homme embarque aussi son baluchon et son business dans différents pays de la région.
Ses allers-retours avec la Thaïlande datent de plusieurs années. « Dès l’âge de 13 ans, j’y allais tous les ans en vacances. J’ai eu un coup de foudre pour le pays, et pour ses animaux », explique le passionné. Aujourd’hui âgé de 34 ans, il compte bien s’installer à plein-temps à Bangkok et y cherche actuellement une maison. « Je vais pouvoir y continuer mes activités pour Toopet mais aussi d’export de poissons d’aquarium, projette-t-il. Il y a un énorme dynamisme dans ce secteur en Thaïlande et un vrai essor de l’affection pour les animaux de compagnie. »
Ce qu’ils apportent à la Thaïlande
Cet animateur vidéo hyperactif a déjà réalisé de nombreuses vidéos en Thaïlande. On le suit faire une randonnée nocturne dans la forêt à la recherche de reptiles et d’insectes, visiter un parc de réhabilitation d’éléphants ou encore remettre des dons à une femme qui recueille les chiens de rue. « Je souhaite m’investir dans la cause animale en Thaïlande et renseigner au mieux les touristes français sur les endroits à privilégier pour respecter et observer les animaux », raconte Tanguy.
Si la Thaïlande a beaucoup apporté à ces trois Youtubeurs, ils lui offrent en retour plus de visibilité. Ces créatifs numériques qui partagent leurs connaissances partout dans le monde forment un nouveau genre d’expatriés économiques. A leur échelle, ils symbolisent la mondialisation des services, du divertissement et de la science. Et la Thaïlande a son rôle à jouer.
Gaëlle Caradec (http://www.gavroche-thailande.com)
Article à retrouver dans le Gavroche de juillet, n°285, disponible ici
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