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THAÏLANDE – SOCIÉTÉ : Lesbiennes et tomboys, de l’ombre à la lumière

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 27/11/2020
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Dans certains villages, les lesbiennes se heurtent au mieux à des commérages, au pire on les harcèle ou on les force à avoir des relations sexuelles avec un homme.

 

« Des hommes viennent souvent vers nous en disant : « Essaie-moi et tu changeras d’avis ! » J’ai déjà essayé et je ne changerai pas. » Sumon Unsathit est une tom, une identité facilement reconnaissable chez les lesbiennes.

 

Tom est le diminutif du terme anglais tomboy. Le mot tomboy date des années 1980 mais la tendance serait née dans les années 1950. En français, on le traduirait par des termes moins précis comme « hommasse » ou « garçonne » : une femme qui s’habille comme un homme et en adopte un certain nombre d’attributs : cheveux courts, vêtements, démarche… « Je ne me sentais pas en phase avec ma féminité. Ma poitrine me dérangeait. Peut-être que j’ai voulu devenir un homme mais, en étant tom, je m’accepte mieux comme femme. Je n’ai pas eu recours à la chirurgie comme cela arrive parfois pour se faire enlever la poitrine ou changer de sexe. » Une opération coûteuse et douloureuse.

 

Une tom est le plus souvent accompagnée d’une dî, contraction du mot lady ; une lesbienne qui apprécie les tomboys. Le couple traditionnel tom-dî applique un modèle hérité de l’hétérosexualité, dans tout ce qu’il a de plus conservateur. L’homme dirige et prend en charge financièrement le couple. La femme s’efface. Mais ce modèle est aujourd’hui beaucoup plus diversifié. « On parle aujourd’hui de tom gays pour les couples composés de deux toms. La tomboy n’est plus obligatoirement réfractaire au fait d’être touchée, comme ce fut longtemps la définition. Mais beaucoup refusent toujours d’être vues comme des femmes. » Si Sattara Hattirat et Wissuta Prasertpol adoptent un peu le look tom, elles ne se définissent pas ainsi. « Je me sens bien en tant que femme », note Sattara. Elles sont lesbiennes. Un mot encore tabou dans la société thaïlandaise. « Il est associé à la pornographie, car c’est ainsi qu’il est entré dans le vocabulaire. »

 

Contrairement à Sattura qui a reçu un accueil plutôt positif, l’annonce de son homosexualité à la famille de Wissuta a été plus rude. «Ma mère a été choquée, bien qu’elle le suspectait. Elle disait que ce n’était pas le vrai moi ! Un accueil chaleureux, on ne voit cela que dans les films. Les parents pensent que l’amour véritable ne peut exister pour les lesbiennes. » Sumon s’est elle aussi, heurtée à un mur d’incompréhension. « C’est plus difficile dans les familles d’origine chinoise comme moi. Les traditions sont plus sensibles. On est cinq filles et mes sœurs non plus n’ont pas compris. L’une d’entre elles m’a même souhaité de rester seule pour toujours. »

 

« A Bangkok, il est plus facile de se fondre dans la masse », constate Sattura. Dans les villages, les lesbiennes se heurtent au mieux à des commérages, au pire on les harcèle ou on les force à avoir des relations sexuelles avec un homme. « C’est notamment le cas pour les plus jeunes », remarque Sumon. « Certaines filles, une fois installées à Bangkok pour suivre leurs études par exemple, refusent de retourner dans leur village », approuve Sattura.

 

Le coming-out n’est pas nécessaire quand on est tom. « Ça a un côté positif : il est plus facile de trouver quelqu’un car mon apparence parle pour moi. » Les tomboys deviennent un phénomène de mode. « Il y a eu un gros changement depuis une vingtaine d’années. Il y a encore dix ans de cela, on utilisait « mot » à la place de tom dans les discussions. Une manière de contourner le tabou. Aujourd’hui, on voit des filles de 12 ou 13 ans s’habiller en garçon, avec les cheveux courts. Je dirais que 70% d’entre elles ne sont pas vraiment des toms. Il y a un aspect tendance. Le côté positif, c’est que les jeunes s’expriment de plus en plus facilement. »

 

L’habit ne fait pas la nonne. De plus en plus populaires, les toms ont même des magasins spécialisés. Mais les mentalités, contrairement à la mode, prennent leur temps pour évoluer. La discrimination peut intervenir pour certains types de carrière. « Notamment pour un travail en relation avec le gouvernement, où le code vestimentaire est très strict, note Sattura. Et c’est aussi le cas de certaines universités. » Pour Wissuta, « il n’y a pas vraiment de grosse discrimination. Mais le plus handicapant, c’est le fait de voir associer systématiquement dans les médias le mot lesbienne à des histoires glauques. »

 

Nicolas Blandin

 

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