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THAÏLANDE – TOURISME : Chachoengsao, la terre des deux sources d’eau

Journaliste : Lionel Corchia
La source : Gavroche
Date de publication : 07/05/2020
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Entre ses productions de noix de coco et de mangues, ses mangroves, ses sites préhistoriques et sanctuaires sacrés, Chachoengsao est une région dont la fertilité agricole n’a d’égale que sa richesse culturelle. Alimentée par la rivière Bang Pakong et ses canaux, elle a pour cœur la ville de Chachoengsao. Ce reportage de Lionel Corchia est issu de nos archives.

 

Chachoengsao est un mot khmer qui signifie « canal profond ». La ville est aussi connue sous le nom de Paet Rio, qui se traduit littéralement par «huit tranches», expression qui vient de la façon de préparer ce poisson géant à tête de serpent très répandu sur les côtes et spécialité locale. La plupart des habitants se sont installés près de la rivière Bang Pakong et le long des canaux. A juste 50 kilomètres à l’est de Bangkok, de vastes plaines séparent cette ville touristique de 80 000 habitants à la capitale.

 

De nombreuses habitations s’étalent le long des bras de rivière qui découpent la province, rendant indispensables pour les villageois les barges à rames ou à moteur lors de leurs déplacements quotidiens. « Ce lieu de vie fluvial paisible demeure hermétique au tourisme de masse et les habitants sont toujours étonnés de voir débarquer quelques farangs perdus en quête de plus de simplicité », explique un commerçant. Cette région est connue comme « la terre des deux sources d’eau », en raison de la singularité de la rivière Bang Pakong, point de rencontre entre les eaux douces dévalant du nord et les eaux salées remontant de la mer.

 

Sur le marché, des étals de fruits de mer remplissent l’air d’effluves salés. Ils fournissent de nombreux restaurants alentours fréquentés par une clientèle d’habitués. Bien que dès l’aube, des embarcations sillonnent les canaux, c’est surtout le week-end que ce marché bat son plein. Autre le fait d’être un lieu de pêche unique, cette zone riche de Bang Khla abrite une agriculture basée sur la production de noix de coco et de mangues. D’autres spécialités de Bang Khla, terrestres celles-ci, sont le Aan Chan, un pigeon asiatique, et le Thoowa Pap, un plat local sucré-salé à base de cacahuètes, de fleurs de jasmin, sucre de palme, feuilles de pandanus et noix de coco râpée avec de la farine de riz. L’ancien marché flottant de week-end, le Talat Ban Mai, est aussi un lieu traditionnel aux abords de la rivière Bang Pakong reflétant le mode de vie des habitants depuis le XVIIIème siècle. Sino-Thaïs, bouddhistes et musulmans composent cette communauté et vivent en harmonie dans un environnement comme figé dans le temps.

 

Le psychédélique Wat Saman Rattanaram

 

De nombreux touristes, lors d’excursions sur la rivière Bang Pakong, accostent sur l’une des rives de l’affluent afin de rejoindre le « Big Pink » Phra Pikhanet, un lieu empreint d’une douce folie. Du haut de ses 16 mètres et 22 mètres de largeur, cette représentation géante de Ganesh est la plus imposante de Thaïlande. Cet enfant de Shiva et Parvati à tête d’éléphant, possédant quatre bras, est vénéré à travers l’Inde, le Népal et dans toute la Thaïlande, où les traditions hindouistes font partie intégrante de la dévotion des bouddhistes.

 

Trente-deux formes iconographiques multicolores de Ganesh, le long d’un socle de 39 mètres de circonférence sur lequel l’édifice repose, représentent les actions de la divinité, chacune surmontant une urne récoltant les aumônes des disciples. « Beaucoup viennent en famille ou entre amis. Nous tournons en priant dans le sens des aiguilles d’une montre autour de l’édifice renfermant un temple consacré à Phikanet », confie un visiteur.

 

Autour de cette scène centrale, les fidèles murmurent à l’oreille de grands rats enluminés, destriers mythologiques de Ganesh, après leur avoir laissé une obole et les avoir recouverts d’une couronne de fleurs « On leur confie nos secrets, nos souhaits et ambitions, leur demandant protection et chance dans nos affaires autant que dans nos vies privées », avoue un jeune couple. Certains sont munis d’un escabeau afin de grimper jusqu’à leurs oreilles tendues, abrités par plusieurs ombrelles chamarrées. Ces montures atypiques, intermédiaires divins, transmettront alors leurs confessions à un Ganesh compatissant et pluriculturel. Un marché flottant alimenté de nombreux stands de nourriture et d’objets de culte côtoie sanctuaire chinois consacré à Guan Yin et temples bouddhistes. De nombreuses autres sculptures colorées bordent le bras de la rivière, tels que deux gigantesques nagas, serpents mythologiques gardant cette enceinte sans cesse en construction.

 

Un monde de spiritualité

 

A quelques enjambées du Wat Saman, en remontant la rivière Bang Pakong vers Chachoengsao, se trouve le plus ancien temple de la région, construit à la fin de la période Ayutthaya sous le règne du roi Ramathibodi Ier. Le wihan du Wat Sothon Waramram Woraviharn, construit lui au siècle dernier, considéré comme le plus grand en Thaïlande avec ses 84 mètres de hauteur, abrite le Luang Phor Sothon, une image sacrée en stuc et bronze censée porter chance et éloigner la maladie. Du haut de ses deux mètres en posture de méditation, il fut recueilli selon l’histoire alors qu’il flottait sur la rivière. Il a depuis trouvé sa place au centre de l’édifice en 1770. Deux festivals annuels en avril et novembre s’y déroulent autour de danses et de processions. C’est l’un des plus grands événements de la province où se pressent des fidèles de toute la Thaïlande qui viennent rendre hommage à Luang Phor Sothon.

 

Un autre temple situé à 23 km de la ville fut édifié par le roi Taksin durant la même période. Le Wat Pho Bang Khla, ou temple des chauves-souris, s’inspire des styles décoratifs des époques Ayutthaya et Rattanakosin. Il renferme une statue d’un bouddha couché atteignant l’éveil. Dans l’enceinte du temple, de multiples icones picturales retracent la vie de Siddhârta Gautama.

 

Un paysage rendu encore plus étonnant par la présence de centaines de chauves-souris frugivores, dites roussettes, perchées dans les arbres. Cette singularité attise la curiosité autant que la crainte des visiteurs locaux qui s’y déplacent en masse pour observer ces hôtes bruyants et recevoir la bénédiction des bonzes. Une croisière organisée le long de la rivière Bang Pakong passe par ce temple où les visiteurs peuvent débarquer sur simple demande.

 

A un kilomètre de l’Hôtel de Ville, sur la route Supphakit, se trouve le Wat Chin Pracha Samoson, un temple bouddhiste chinois construit en 1906 durant le règne du Roi Rama V, censé apporter bonne fortune, chance et richesse à chaque fervent visiteur. Communément nommé « temple du dragon », il contient son corps, sa tête se situant au Wat Long Yi Noei à Bangkok et sa queue au Wat Long Yi Hua à Chanthaburi. Le dragon, omniprésent dans ces trois lieux, sème sur les terres abondance et richesse.

 

Des hommes d’honneur

 

Plusieurs monuments historiques à la gloire des bâtisseurs de la région ont été édifiés à Chachoengsao, comme le grand stupa commémoratif dédié au roi Taksin situé près de l’embouchure de la rivière Cholo. Taksin prit repos en ces lieux après avoir vaincu les Birmans et une pagode y fut construite pour célébrer sa victoire. Une zone érodée par les courants qui eurent raison de celle-ci en 1948 et où le mémorial actuel la remplaça.

 

Phraya Sisunthonwohan, homme érudit originaire de Paet Rio, possède lui aussi son monument sur la route Si Sothon Tat Mai. Sa statue célèbre son empreinte au sein de la cour royale de Rama III, Rama IV et Rama V. Homme de littérature, il est également l’auteur de nombreux ouvrages sur la langue thaïe à des fins pédagogiques, dont certains manuels scolaires sont encore utilisés aujourd’hui.

 

Au cœur de la ville, une ancienne forteresse située sur l’allée Maruphong nous replonge en 1794 sous Rama III. Après avoir repoussé les Birmans et lutté contre les rebelles Ang Yee, ce même bastion militaire resta en activité jusqu’à la fin du règne de Chulalongkorn (Rama V). Des rangées de canons encore intacts peuvent être vus sur ses murailles fortifiées. Le parc public Suan Somdet Phra Srinagarindra avoisinant ces murs d’enceinte fut créé en mémoire de la mère du roi Bhumibol. Situé face à l’Hôtel de Ville où sommeillent quelques marchés, de nombreux visiteurs viennent s’y détendre autour d’un grand lagon entouré de sentiers pédestres ombragés.

 

Le festival annuel de châteaux de sable a su aussi conquérir le cœur des habitants, attirant des centaines de participants venus du monde entier pour cet événement atypique où les bouddhas et dragons traditionnels se mêlent volontiers aux Avengers et autres extra-terrestres de cultures plus exotiques.

 

De l’écologie à la préhistoire

 

Située entre deux eaux, la province abrite un précieux barrage sur Ban Phai Sawek, à 6 km au nord de Chachoengsao. Le projet Bang Pakong River Development sert de mur de protection entre les diverses sources d’eau afin de développer la consommation d’eau potable et l’irrigation des champs. Riche en production de mangues, la superficie consacrée à ce fruit très apprécié en Thaïlande avoisine les 14 000 hectares. Quelques touristes visitent parfois ces vergers considérés comme les plus importants du pays. D’autres villages tels que Muban Namtan Sot, sur la route Wanaphuti, cultivent la sève de palmier afin de la transformer en sucre brut ou de l’embouteiller avant d’en inonder le marché, les Thaïlandais étant aussi très friands de cet élixir sucré.

 

Plus à l’Est, entre Chachoengsao et la cité de Panom Sarakham, le Centre d’études et de développement royal Khao Hin, ouvert en 1979, dispose de milliers d’hectares où tout un écosystème a été recréé. Un aménagement de terres et sources d’eau qui n’a cessé de s’étendre, entre amélioration des conditions forestières, élevage, conservation d’espèces animales menacées et aquaculture. De nombreux organismes gouvernementaux et privés collaborent à ce projet d’expérimentation et d’aménagement du territoire. Plus de 700 espèces de plantes y sont cultivées pour des recherches sur les traitements médicaux. Un bâtiment expose arts et artisanat local et accueille un musée d’Histoire naturelle. Une visite de leurs ateliers et laboratoires est même prévue chaque week-end, servant parfois de centre de recherches pour étudiants.

 

Khao Ang Rue Nai Wildlife Sanctuary est une autre zone de conservation couvrant une superficie de 100 000 hectares au cœur d’un vaste territoire forestier reliant les cinq provinces de Chachoengsao, Chonburi, Rayong, Chanthaburi et Sa Kaeo. En partie recouverte de prairies, de forêts tropicales humides, mixtes et sèches, cette réserve de basse altitude accueille aussi de grandes variétés d’animaux comme des gibbons, cerfs, buffles, éléphants, porcs-épics et de nombreux oiseaux. La rivière Bang Pakong à Chachoengsao, le canal Tanot à Chanthaburi et la rivière Prasae à Rayong coupent ce biotope unique, le sommet du Khao Sip Ha Chan au sud-est étant le point culminant du haut de ses 800 mètres.

 

Une région débordant de surprises, dont certaines arrivent tout droit de l’âge de pierre. Le site archéologique de Khok Phanom Di, situé dans les plaines longeant la rivière Bang Pakong, en bordure de Chonburi, s’invite dans l’histoire de la province. Un passé néolithique datant de 5000 ans où furent trouvés des centaines de vases mortuaires, ornements céramiques et tombes remarquablement intactes. Des vestiges abondant mis à nu pour la plupart en 1984 lors de premières fouilles menées avec l’aide du département des Beaux-Arts de l’université Silpakorn et des professeurs de Chachoengsao. De nombreuses excavations furent depuis découvertes.

 

Lionel Corchia

 

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