Avez-vous réussi à éviter les jets d’eau pour le nouvel an Thaïlandais ? Si oui, bravo. Mais vous avez aussi (peut-être) raté l’essentiel. Notre chroniqueur Patrick Chesneau raconte…
par Patrick Chesneau
La Thaïlande inondée de bonheur
Suk San Wan Songkran
Heureux Nouvel An Thaï
Ce 13 avril a inauguré un cran supplémentaire dans le calendrier bouddhique. On est en 2566. C’est aussi la fête de l’eau.
La Thaïlande se purifie de la tête aux pieds et rit de se voir si belle. Une nation rutilante.
Trois jours de festivités intenses, jusqu’au 15 avril et parfois au delà, en tous points du Royaume. Jours fériés. Liesse générale. Période de foi, ponctuée par les rythmes immémoriaux d’une spiritualité étonnamment préservée. Cette liturgie aqueuse est symbole de renouveau. Le Nouvel An Thaï, marqué par d’innombrables célébrations. Les foules se pressent dans les quelques quarante mille temples qui parsèment cette contrée du bas Mékong. Mais l’aspect le plus visible, ce sont à l’évidence, les batailles d’eau magistrales partout en terre de Siam. Pugilats homériques et joyeux dans les rues et dans tous les espaces publics. Tout le monde s’asperge. Des trombes liquides sont déversées au moyen de fusils-mitrailleurs en plastique, munis de réservoirs apparemment inépuisables. Certains s’affublent de containers portatifs pour ne jamais être à court de munitions. Jeudi, vendredi, samedi…ablutions quasiment ininterrompues. Les foules dégoulinent. Villes, villages, bourgs, hameaux et campagnes: le pays est livré à un déluge bon enfant.
Après trois ans de privation due à la pandémie, les vannes sont à nouveau grandes ouvertes. Sourires resplendissants sous les cataractes. Bangkok est détrempée. La capitale, ordinairement pleine de ses douze millions d’habitants, s’est miraculeusement vidée. Chaque année, à pareille époque, l’exode est massif. Par millions, les Thaïs s’extraient frénétiquement de Krungthep Mahanakorn. Chaussent leurs bottes de sept lieues pour rejoindre leurs provinces d’origine. Tous les moyens de transport sont pris d’assaut. L’obsession d’un peuple, retrouver les familles restées au pays profond. Le lieu des racines ancestrales. Mosaïques de la ruralité, les 77 jangwat (provinces) sont la matrice de la culture vernaculaire.
Dans la Cité des Anges ne reste que la fête. Et les dizaines de milliers d’hectolitres pulvérisés, projetés, arrosés pour la cause. Ça gicle à tout va. Mégapole éclaboussée. Le macadam en est presque spongieux.
Un aspect pittoresque
Aspect pittoresque s’il en est, un peu partout à travers le pays, les éléphants sont de la partie. On a enrôlé l’animal emblématique sous cette latitude orientale pour doucher les foules : Thaïs, expatriés et touristes venus en hordes imbibées. Les pachydermes barrissent toutes trompes dressées, semblables à des lances à incendie brandies pour noyer un méga brasier. Leur gabarit impressionnant garantit le haut débit de ces algarades aquatiques.
Trois jours durant la Thaïlande, toutes générations confondues, se noie dans les flots impétueux d’une joie revigorante. Séquence réjuvénation à laquelle nul ne déroge vraiment.
Le Royaume tout entier exulte à l’orée d’une nouvelle année.
Patrick Chesneau