Notre chroniqueur, Patrick Chesneau, a décidé de nous raconter ses Noëls Thaïlandais. Et vous, qu’en pensez-vous ? Santa Claus est-il siamois ? Gavroche est en tout cas dans son traineau…
Un constat en guise d’introduction. Ce rite ancestral puisé aux racines de la chrétienté s’est formidablement adapté en Thaïlande, pays à 95% bouddhiste. Ici, Noël n’est évidemment pas une tradition séculaire. On chercherait en vain une cheminée dans les foyers. Sauf peut-être chez quelques Farang excentriques, nichés dans les cimes du Triangle d’Or.
Mais ce beau Royaume, bien qu’arc-bouté aux valeurs intransigeantes de la thainess s’est toujours nourri d’éclectisme. Toutes les influences étrangères sont accueillies à bras ouverts. Surtout si elles sont synonymes de business.
Le génie thaï est de les embrasser sans les étouffer. Surtout de les digérer. Recycler. Remodeler. N’importe quel rituel allogène peut faire l’objet d’une appropriation en règle. Sans doute, le goût pour la fête de ce peuple du bas Mékong y est-il pour beaucoup. La proportion de noceurs invétérés dans la population globale est presque une donnée sociologique. Tout est occasion de festoyer. Rigoler, Se déguiser, Ripailler… Il faut dire que le décorum ambiant pousse à la liesse.
A Noël, les décorations sont partout. Des milliers de sapins poussent consciencieusement depuis des mois en maints endroits de l’ancien Siam. Comme par enchantement. Leur terreau d’acclimatation naturelle est invariablement les centres commerciaux. Tous rivalisent dans le faste de créations hautement artistiques. Les arbres de Noël géants “narguent” avec bonhomie les conventions bouddhistes. Personne n’aurait l’idée de s’en offusquer. Partout, ce n’est que boulimie de guirlandes, profusion de boules multicolores empruntées aux ambiances occidentale et chrétienne.
Certains poussent l’audace jusqu’à construire un bonhomme de neige, carotte comprise. Snowman, mascotte incontestée. Et il faut le reconnaitre sans mégoter, la symbiose fonctionne à merveille.
Les anthropologues parleraient volontiers de syncrétisme culturel. Plus prosaïquement, c’est une manifestation joyeuse de la tolérance des Thaïs. La magie de Merry Christmas illustre une symbiose très aboutie au pays des orchidées. Jingle bells jingle bells, les ritournelles de saison mobilisent des contingents de haut-parleurs. Shopping Malls et selfies de circonstance.
Les enfants, thaïs comme étrangers, posent pour l’incontournable cliché sur les genoux du Père Noël. Sanglé dans sa tenue rouge trop molletonnée, il s’efforce de faire bonne figure grâce à une clim qui tente d’être résolument hivernale.
Le show, lui, est identique. A chacun son bonnet rouge. Des tenues de lutin virevoltent dans la foule. Les filles du cru, jamais en reste quand il s’agit de jeux et facéties, arborent de drôles de coiffes en forme de bois de cervidé. Les enfants particulièrement espiègles s’enhardissent à farfouiller dans la fausse barbe blanche de l’illustre patriarche et puisent dans sa hotte en osier “made in Isaan”.
Distribution de cadeaux sur fond d’opération commerciale. Une aubaine pour les grandes marques. Dans les supermarchés, même les victuailles sont estampillées “réveillon du 24 décembre “. Les marchés de Noël ne désemplissent pas. Tel ce marché solidaire à l’initiative de l’association Bangkok Accueil, prisé des francophones.
De fait, tous les expatriés venus de l’Ouest sont ravis et joviaux de pouvoir faire bombance comme au pays de leurs frimas mais, à vrai dire, les Thaïs ne sont pas en reste. Les restaurants affichent leurs menus gastronomie de Noël. Une clientèle consistante existe bel et bien. Il n’est que de voir le nombreux public, thaï dans une proportion non négligeable, qui se presse d’un bout à l’autre de l’année dans les cathédrales et les églises du Royaume. Bangkok, Chantaburi… Traditionnellement, il y a affluence pour la messe de minuit.
Les croyants en Thaïlande vivent leur foi chrétienne sans l’once d’une anicroche, et côtoient sans encombre les fidèles de toutes les religions en coexistence pacifique dans le Royaume. Harmonie. Partage. L’œcuménisme est de mise et par delà les particularités confessionnelles, bouddhiste, musulmane, chrétienne, hindouiste, shintoïste et tant d’autres, tout le monde communie devant Bangkok en phase accomplie de scintillement.
The Big Mango et ses parures de lumière incendient les prunelles émerveillées. Enfants, parents, tous subjugués. Quelques artères de la capitale ont enfilé leur tenue d’apparat. Par endroits, les badauds sont récompensés dans leur déambulation, par un ruissellement d’enluminures. Il semble même que depuis quelques jours se lève une génération spontanée de crèches. Miracle de la nativité sur les bords du grand fleuve Chao Phraya. Jingle bells, jingle bells…
” Melli Kismas ” tuk khon.
Patrick Chesneau
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Sapins enguirlandés empruntés aux ambiances occidentales et chrétiennes… c’est le “monde d’avant”… celui post-moderne expulse les sapins naturels pour cause d’atteintes à l’environnement, les sapins en plastique pour cause de pollution… Noël est, ici et là, le terme devenu tabou pour une population post-moderne. Il offusquerait la “laïcité”, cette même laïcité honnie et négatrice des identités, identités dont le culte devenu un mantra. Cacher ce terme que je ne saurais voir, trop connoté, une atteinte à l’identité de certains. Le triomphe de l’intersectionnalité confusionnelle. Le père Noël lui, est doublement “tabouisé”, stigmatisé, au pire doit-on dire la mère Noël, féminisme oblige. Au diable, les “marchés de Noël” rebaptisés “marchés d’hiver”. Le grand remplacement lexical s’étend : plus de “joyeux Noël” mais “joyeuses fêtes” ou mieux “très bon hiver”. Cet hiver qu’au Siam on peut apprécier dans les centres commerciaux qui vous proposent des tenues polaires avec passe-montagne et mitaines. Il ne manque plus que la neige… j’en ai rêvé, ce matin, à l’aube, la ville était blanche. Vive la magie de Noël et joyeux Noël ! Buon Natale ! Feliz navidad ! Fröliche Weihnachten ! สุขสันต์วันคริสต์มาส!