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THAILANDE – VISA: La galère !

Journaliste : Angélique Berhault et Pauline Blistène
La source : Gavroche
Date de publication : 12/09/2018
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Chacun sa route, chacun son chemin… Les Français comme les Thaïlandais sont régulièrement confrontés aux galères des services de l’immigration. Certains veulent rester, d’autres essaient de partir. Lumière sur deux « parcours du combattant » où le dépaysement est supplanté par le découragement.

 

Dix jours de blocage des aéroports ont suffi à gripper la machine touristique thaïlandaise. Dans un contexte de crise économique, rassurer les étrangers s’impose comme le nouvel impératif de l’administration Abhisit. Ainsi, le visa touriste délivré dans toute ambassade ou consulat thaïlandais est gratuit pendant trois mois (jusqu’au 4 juin 2009).

 

Le gouvernement semble aussi déterminé à assouplir les conditions d’obtention de visa pour les résidents « longue-durée ».

 

Du côté des touristes thaïlandais désireux de se rendre en France, les choses se sont compliquées. Il semble de plus en plus difficile de pénétrer la forteresse Schengen (1), même pour y passer de simples vacances.

 

La tension est palpable au Bureau de l’Immigration de Sathorn à Bangkok. Des centaines de personnes attendent nerveusement sans l’espoir d’obtenir le précieux sésame.On se lève, on s’assoit, on soupire, on scrute les numéros qui défilent lentement. Les «Je ne comprends rien !» fusent. Toutes nationalités confondues, la masse s’agglutine entre le guichet d’information et les bureaux des officiers. Le célèbre “You are welcome with our smiles” (Nous vous accueillons avec le sourire) semble incompatible avec l’accueil plutôt distant réservé aux étrangers excédés.

 

Eve et Loïc, deux touristes français s’exaspèrent: «On arrive du Laos. On ne savait pas que le “visa gratuit” délivré à la frontière thaïlandaise était de 15 jours. C’est la galère! On n’avait pas prévu de rester aussi peu de temps dans ce pays.On va devoir sortir pour éviter de payer 500 bahts par jour d’overstay !». En effet, la circulaire du 25 novembre 2008 précise que la durée maximale de séjour sans visa dans le royaume ne peut pas dépasser 15 jours lorsque l’on rentre par voie terrestre.

 

Au moment où la crise politique secouait le royaume, cette décision est passée inaperçue. Le directeur des services consulaires du ministère des Affaires étrangères thaïlandais explique qu’il s’agit avant tout de prévenir «le problème des “touristes illégaux” dans le royaume». Il est en effet fréquent que des étrangers vivent et travaillent sous le couvert de l’exemption de visa. En octobre 2006, les autorités ont décidé de remédier à ce phénomène. mais les modifications apportées ont touché bien plus de touristes que les travailleurs sans visa.

 

DEUX ANS DE CONFUSION

 

Permettre un séjour maximum de 90 jours sur une période de six mois a entraîné de multiples complications. De nombreux voyageurs réguliers sont restés aux portes du royaume. Il était alors fréquent d’assister à des confusions sur la somme des jours passés en Thaïlande. Un témoin raconte: «Munis de leurs calculatrices, les douaniers faisaient des allers retours entre leurs supérieurs et les touristes. Ensemble, ils recomptaient inlassablement le nombre de jours passés.»

 

Avant cette mesure, il était facile de sortir du pays chaque mois (le fameux «visa run»). C’est de nouveau possible, mais le passe-droit accordé à une frontière terrestre ne sera désormais que de 15 jours. Selon un professeur de français résidant en Thaïlande, cette décision est facilement contournable: «Il suffit de faire un aller-retour en avion, par exemple à Singapour.Le prix du billet sur les compagnies low-cost est souvent intéressant. Ainsi, on obtient un visa de transit de 30 jours à l’aéroport». En effet, l’exemption de visa (ou visa de transit) est délivrée lors d’une entrée sur le territoire thaïlandais par voie aérienne. Elle est désormais renouvelable sans limite de temps (voir encadré).

 

Aujourd’hui, la simplification est de retour. Une autre manière de rejoindre les rangs de ces «touristes longue durée»: la prolongation du visa. D’une durée initiale de deux mois, le visa de tourisme peut être étendu à 30 jours auprès des autorités thaïlandaises, moyennant 1900 bahts. D’autres préfèrent contourner les bureaux de l’Immigration en sortant du royaume.

 

Damien Lecompte, président de l’Association des francophones enseignant dans les écoles publiques (AFEP) explique la situation des enseignants en situation irrégulière: «La majorité des professeurs français travaillent dans plusieurs écoles à temps partiel. Les établissements sont donc réticents à faire les démarches pour obtenir des permis de travail qui coûtent cher et prennent surtout beaucoup de temps.» Bien qu’ils soient employés par l’État, ces enseignants sont néanmoins dans l’illégalité au regard de la loi thaïlandaise. En effet, tout étranger exerçant une activité professionnelle en Thaïlande doit obtenir un permis de travail. Depuis janvier 2009, les démarches ont d’ailleurs été assouplies.

 

Retour aux bureaux de l’Immigration de SuanPlu: «Pourquoi a-t-on obtenu seulement une semaine de prolongation alors que pour 1900 bahts, on devrait avoir droit à un mois!, s’étonnent Farah et Ana, deux touristes polonaises. A croire que c’est à la tête du client !». Pauletta Sanchez, stagiaire dans une petite entreprise française de Bangkok, a été plus chanceuse: «Un jour, j’ai craqué ! J’avais patienté tout l’après-midi pour voir une des responsables du l’Immigration qui ne s’est jamais manifestée. Alors le fonctionnaire, gêné, a pris mon passeport, m’a donné un reçu de paiement et m’a donné un tampon de 15 jours gratuitement.» Un peu plus loin, des Français perdus dans la foule s’exclament: «Je ne veux même pas imaginer en France les étrangers confrontés à l’immigration choisie !»

 

PARCOURS DU COMBATTANT

 

«On est reçus comme des moins que rien, on nous regarde de haut, regrette un Thaïlandais désireux d’obtenir un visa de tourisme pour la France. Il est bien plus simple de choisir d’autres destinations plus proches en Asie du Sud-Est.» Les plaintes de ce genre sont fréquentes sur les forums de discussions du royaume. Certains, découragés par les démarches, compliquées et exigeantes, abandonnent leur projet de voyage: «C’était tellement difficile pour obtenir un visa que j’ai laissé tomber !», raconte Lek, 40 ans, responsable d’un magasin de vêtements à Bangkok.

 

A l’ambassade de France de Bangkok, il faut désormais remettre le dossier de demande de visa dûment complété au cours d’un rendez-vous en tête à tête avec un représentant des services consulaires. Avant, les demandeurs faisaient la queue aux guichets selon l’affluence. «Les entretiens ont été mis en place depuis février 2008 afin de remédier aux files d’attente et d’améliorer les conditions d’accueil des visiteurs», explique Jean-Jacques Pothier, consul adjoint de France à Bangkok. «Le seul inconvénient du système est un allongement des délais pour bénéficier d’un rendez-vous en période de forte demande.»

 

Des délais acceptables? Ceux-ci ne font pourtant pas l’unanimité. Un lecteur de Gavroche, Benjamin X., a fait parvenir à la rédaction un courriel révélateur:

 

«Aujourd’hui, 19 mars, le prochain rendez-vous disponible pour mon amie thaïlandaise est le 5 mai. Cela fait presque huit semaines, ce qui est inadmissible !» Selon le vice-consul, «une demande de rendez-vous peut être instruite trois mois avant la date de départ.Ainsi, les périodes de pic peuvent être évitées.» Délais qui rendent aujourd’hui pratiquement impossible toute idée de séjour impromptu dans l’Hexagone.

 

Cependant, une adresse e-mail ainsi qu’une ligne téléphonique d’urgence ont été mises en place pour toute question ou impossibilité d’attendre jusqu’aux dates proposées par le site internet. Mais bien souvent les appels restent sans réponse directe: une boîte vocale se charge de renvoyer le demandeur vers le site internet. «Je n’ai jamais réussi à joindre quelqu’un sur ce numéro, se plaint NicolasV., et tous mes courriels sont restés sans réponse.»

 

Le précieux rendez-vous est aussi l’occasion pour l’ambassade «de vérifier si le type de visa demandé correspond bien aux attentes de la personne concernée», explique Jean-Jacques Pothier. Même si la Thaïlande n’est pas un pays à haut risque migratoire, le service consulaire se doit de vérifier le profil du demandeur ou de la personne qui l’accueille quand des doutes ou contradictions apparaissent», précise-t-il. My Text Here. Il s’agit surtout d’éviter des drames comme l’alimentation d’un réseau de prostitution à grande échelle. L’affaire des deux prostituées thaïlandaises poignardées à Paris en décembre dernier a rappelé une bien triste réalité qui nuit à l’image des femmes du royaume.

 

DE NOMBREUX JUSTIFICATIFS

 

En 2008, sur 29.849 demandes de visa pour la France, seulement 2,5% ont été refusées. Raison invoquée la plupart du temps: non-conformité du dossier. Kanchana P., avocate, a abandonné les démarches lui permettant d’obtenir un visa Schengen. «Je devais fournir trop de documents. On me demandait même d’énumérer dans une lettre les raisons qui me poussaient à aller en vacances en France, déclare-t-elle découragée. Ce n’est pas cette fois-ci que je rencontrerai la famille de mon fiancé !» La démarche à entreprendre est pour le moins stricte. Outre la preuve de souscription d’une assurance médicale couvrant le voyageur dans tout l’espace Schengen et pour toute la durée du séjour à hauteur de 30 000 euros, il faut aussi fournir la preuve de son hébergement. Des réservations d’hôtels sont exigées pour la totalité du voyage. Or, la plupart des touristes qui ont obtenu un droit d’entrée en profitent pour visiter d’autres pays que la France. Il faut donc prévoir chaque étape du circuit dans l’espace Schengen. Autant dire qu’il vaut mieux bien préparer son voyage…

 

Mais il est pourtant plus simple pour un Thaïlandais de résider dans un hôtel plutôt que de se faire inviter par un particulier. Il faut alors joindre au dossier déposé à l’ambassade une Attestation d’accueil, document officiel délivré par la mairie de l’hébergeant. Des démarches kafkaïennes doivent être engagées par la famille d’accueil auprès de la mairie dont elle dépend. «C’est hallucinant! On va jusqu’à me demander des actes notariés et des relevés cadastraux pour prouver que je suis bien propriétaire de mon domicile, s’étonne Bernard B. Ces pièces ne sont pourtant pas précisées dans la liste des documents à fournir mais ont quand même été exigées par le maire.» Et ce n’est pas tout: «On me réclame mes derniers relevés de compte en banque afin d’établir si je peux subvenir aux besoins de la copine de mon fils», continue-t-il.

 

Plus incroyable encore, le maire a tout pouvoir sur l’issue du dossier. Ce dernier peut demander aux agents chargés des affaires sociales de vérifier la «sécurité, salubrité et confort du lieu, comme le précise le document explicatif disponible dans toutes les mairies françaises. L’hébergeant doit donner son accord par écrit. S’il refuse cette visite, les conditions d’un accueil dans des conditions normales sont réputées non remplies.» Le maire a aussi le pouvoir d’ordonner la création d’un fichier: toutes les données concernant la demande d’attestation d’accueil peuvent y être conservées pendant cinq ans. Si le maire refuse de délivrer l’attestation, il est en droit de ne pas motiver sa décision.Quarante cinq euros de timbre fiscal seront retenus, que le dossier soit accepté ou non.

 

Par ailleurs, ces formalités pour le moins pénibles sont à entreprendre par chaque foyer désireux d’héberger la même personne. «Et si j’ai envie de passer un peu de temps avec mon amie chez ma grand-mère, je dois lui demander d’entreprendre ces mêmes démarches du haut de ses 80 ans auprès de la mairie dont elle dépend !», s’indigne Nicolas V.

 

Dans un climat de surveillance et de flux migratoires de plus en plus importants, l’argument sécuritaire est souvent invoqué. Big Brother a décidément de beaux jours devant lui…

 

Angélique Berhault et Pauline Blistène

 

(1) Les accords de Schengen déterminent un espace de libre circulation des marchandises, des capitaux et des hommes. Il est actuellement composé de 24 pays d’Europe.

 

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