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TIMOR LESTE – GÉOPOLITIQUE : Un si petit pays d’Asie du Sud-Est….

Journaliste : Yves Carmona Date de publication : 18/09/2022
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Cristo rei timor

 

Notre ami et chroniqueur Yves Carmona aime les défis. En bon diplomate, l’ancien Ambassadeur de France au Laos et au Népal sait surtout que tous les pays méritent attention, même les plus petits. D’où son intérêt pour le Timor Leste…

 

Une chronique géopolitique d’Yves Carmona

 

Écrire sur un pays aussi petit, lointain, méconnu, le jour où un événement planétaire comme les funérailles officielles de la Reine d’Angleterre ont lieu est une gageure digne de Gavroche – celui de Victor Hugo qui, lui, va jusqu’à payer de sa vie son intérêt pour une (noble) cause perdue.

 

Mais la cause de Timor Leste est loin d’être perdue.

 

Dans beaucoup de domaines, ne montre-t-il pas la voie ?

 

Peu a été écrit sur Timor, surtout en langue française et le meilleur auteur a été Frédéric Durand qui a écrit : « Sur quels critères et surtout de quel droit fixer un seuil en deçà duquel un peuple n’aurait pas le droit à l’existence ?  L’argument de l’hypothétique « non-viabilité » du Timor-Oriental a été l’un des premiers à être convoqués par l’Indonésie pour justifier la nécessité « d’intégrer » le territoire à sa République. »

 

 L’intégration en question s’est traduite par l’invasion de l’armée indonésienne qui a fait en 1975 de 100 à 300 000 morts (selon les auteurs) dans la partie orientale de Timor, qui avait connu pendant 450 ans l’oppression, notamment coloniale : Portugal, Pays-Bas – sans oublier l’occupation japonaise durant la 2nde guerre mondiale – et Indonésie.

 

L’annexion immédiate par l’Indonésie a été soutenue, comme dans d’autres pays, par les Etats-Unis et probablement par la CIA, dans le silence complice des Occidentaux comme le célèbre linguiste Américain Noam Chomsky l’écrivit.

 

L’âme de ce combat, gagné en 2002 par la reconnaissance comme État de Timor Leste ? Le combattant Xanana Gusmao (décédé en 2015) et Jose Ramos-Horta (né en 1949 à Dili d’un père portugais et d’une mère timoraise), prix Nobel de la paix en 1996 – co lauréat avec l’évèque Carlos Filipe Ximenes Belo – pour son combat anti-colonialiste au sein du FRETILIN, Ministre des affaires étrangères de 2002 à 2006 puis Premier Ministre et élu démocratiquement Président en 2007, cible d’un attentat en 2008 dont il réchappe grâce aux soins australiens, jusqu’en 2012 et élu à nouveau le 19 avril 2022.

 

C’est qu’en effet la très longue histoire et la géographie de Timor Leste méritent d’être quelque peu détaillées car elles expliquent le présent.

 

Les premiers vestiges d’occupation humaine datent de – 42 000 et l’occupation pourrait remonter à – 80 000, de la part de peuples venus en grande partie de ce qui est aujourd’hui la Nouvelle Guinée, et c’est l’Australie, une fois traversée la mer de Timor, qui est la plus proche.

 

 Les Chinois et les réseaux musulmans commerçaient avec Timor dont le bois de santal était apprécié.

 

L’âge du bronze, – 2000, commun à la péninsule indochinoise (dont le Laos qu’a un peu fréquenté l’auteur de ces lignes) ont précédé l’occupation par la compagnie néerlandaise des Indes orientales et le Portugal. Les deux Européens se sont fait concurrence à partir de 1512 (première mention sur une carte des Dominicains suivie de relations commerciales à partir de 1550) et parfois la guerre jusqu’à ce qu’un traité vienne en 1859 stabiliser leur frontière et ce faisant donner l’avantage aux Portugais. Ceux-ci, comme dans le reste de l’Empire colonial, se sont beaucoup métissés et ce sont les « Topasses » qui ont, jusqu’à aujourd’hui, eu le pouvoir. Brutaux, les colonisateurs portugais ont imposé à partir des années 1850 la « finta », impôt de capitation de plus en plus lourd, une diversification – le café succédant au santal – le travail forcé et les corvées à une population de plus en plus animée d’actes de résistance mais les armes modernes de la 1re guerre mondiale ont permis à la dictature portugaise de Salazar de garder le pouvoir. Un début de modernisation a permis un développement, cependant insuffisant, de l’enseignement, des communications, du téléphone, etc.

 

C’est la révolution des œillets, en 1974, en instaurant au Portugal la démocratie qui a remis en question le statut de Timor-Leste dont un décret de juillet 1975 reconnaissait la décolonisation mais l’Indonésie de Suharto avec l’accord du Président américain Gerald Ford s’est empressée de prendre la place du Portugal qui n’avait rien fait pour préparer des dirigeants à l’indépendance qu’il a dû accorder au Timor oriental (en tetum, deuxième langue nationale du pays, Timor Lorosa’e).

 

Mais Timor Leste ne s’est pas laissé anéantir, malgré les tergiversations occidentales, et a obtenu après la crise asiatique et la chute de Suharto en 1998 que les Nations Unies reconnaissent son indépendance le 30 août 1999 et à nouveau, après avoir supervisé le référendum d’autodétermination, le 20 mai 2002, « premier nouvel État du 3ème millénaire » selon France-Libertés.

 

Ce pays indépendant depuis 20 ans présente un grand nombre de paradoxes.

 

L’un d’eux, c’est que le Timor prête maintenant de l’argent à son ancienne puissance coloniale, le Portugal !

 

Qu’on veuille bien se souvenir que la Birmanie était, au moment de l’indépendance, « la perle de la couronne » et que plus récemment, la Corée du Sud, pas encore membre de l’OCDE, était regardée par les pays développés comme en retard. Aujourd’hui, elle est de niveau mondial dans bien des secteurs, y compris sur le plan politique car l’alternance démocratique y a triomphé.

 

Un autre paradoxe est que Timor, candidat depuis 2006 à l’adhésion à l’ASEAN, n’en est toujours pas membre alors que son PIB soutient la comparaison avec d’autres membres, qu’il détient des gisements d’hydrocarbures, a ouvert des ambassades dans tous les pays-membres et s’est même réconcilié, au moins officiellement, avec l’Indonésie… Le Président Horta espère que 2023 sera l’année de l’adhésion ce qui en retour stimulerait au Timor le commerce et l’investissement.

 

Quelques semaines après le début de la guerre ukrainienne lancée par Poutine, les progrès de Timor Leste ne sont-ils pas le signe que la démocratie peut aussi gagner ? Certes, le pays ne compte qu’environ 1,4 millions d’habitants. Seul en Asie du Sud-Est, le riche Bruneï en a moins alors que l’Indonésie est peuplée de 275,5 millions d’habitants. Certes, toujours selon F.Durand, « à Timor Oriental les conditions de vie sont rudes et il faudra du temps et de l’énergie pour garantir une bonne qualité de vie à l’ensemble de la population. »

 

Mais si on regarde des chiffres plus récents, on s’aperçoit que son PNB par tête, 4 000 dollars des Etats-Unis en parité de pouvoir d’achat (PPA) a cru de 2020 à 2021 de 23 %. Certes encore au niveau des autres pays les plus pauvres de l’Asie du Sud-Est, il est 3 fois supérieur à celui de l’Indonésie, belle revanche.

 

N’est-ce pas l’effet d’un État au fonctionnement démocratique ?

 

Timor Leste est citée comme exemple par le CDC (Centre de Développement Communautaire), le développement local y montre combien peut être fécond le travail coordonné d’associations locales et internationales. C’est pour ce petit pays une période difficile de redéfinition d’identité et de reconstruction d’une société.

 

Les progrès de Timor Leste ne sont-ils pas aussi le résultat d’une meilleure participation des femmes ? Le Portugal était machiste alors qu’avant la colonisation, des Reines de certains groupes ethniques imposaient le matriarcat.

 

Un article récent (Contribution of women’s fisheries, substantial, but overlooked, in Timor-Leste Ambio, 2021) montre que les femmes jouent un rôle majeur dans une des ressources principales du pays : la pêche et le commerce du poisson et des fruits de mer .

 

Il faut également souligner le rôle de la religion : dans un pays catholique depuis les années 1550 puis à majorité protestante et où le christianisme est redevenu « un élément majeur d’identité locale » (Durand), il n’était pas confortable de rester soumis au pays à la population musulmane la plus nombreuse au monde et où le terrorisme islamiste a sévi à Bali, hindouiste. Le prix Nobel de la paix a été attribué en 1996 à la fois à l’évêque Mgr Bolo et au héros de l’indépendance M. Horta.

 

Autre paradoxe : le tourisme. Timor a toujours compté peu de touristes. Il cherche depuis l’indépendance un modèle qui ne tombe pas dans les travers bien connus : surnombre des touristes, massification, prostitution, etc. On peut se demander si aujourd’hui où il cherche comme tant d’autres pays un tourisme respectueux de l’environnement et soutenable, ce n’est pas un bienfait d’être resté à l’écart, quand on voit que dans beaucoup de pays de la région, la pandémie a fortement raréfié les touristes venus d’ailleurs sans que les autochtones les remplacent complètement. Les Chinois y ont été nombreux mais d’une part, l’omniprésente domination de leurs groupes a suscité des difficultés et d’autre part, la politique de « no-Covid » a quasiment anéanti leur présence.

 

Enfin, deux grands enjeux sont à souligner. Timor Leste est encore très rural, les pentes de ses montagnes sont encore à environ 40 % boisées, il n’est pas menacé par la montée des eaux et ses habitants ont toujours vénéré dans une sorte d’animisme que le christianisme n’a pas fait disparaître les esprits de la nature. Le combat contre le changement climatique donne à ces mythes une nouvelle actualité.

 

Sur le plan stratégique, alors que le voisin indonésien participe pleinement à l’exercice militaire dominé par les Etats-Unis du « Super Garuda Shield » dont l’ampleur est telle qu’il ressemble fort à une ligne d’endiguement de la Chine, Timor-Leste, plus prudent mais cherchant à ne pas rester isolé n’en est qu’observateur. Comme les autres pays d’Asie du Sud-Est, il ne souhaite pas avoir à choisir entre les deux superpuissances : souhaitons qu’il sache ne pas s’y laisser entraîner .

1 COMMENTAIRE

  1. PNB Timor PPA 4490 $ en 2020, “il est 3 fois supérieur à celui de l’Indonésie” qui est de 11750 $ PPA en 2020 !
    Je ne sais pas lire ou je ne comprends pas bien ?

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